Excellente année 2024 à tous, santé en 1er lieu ! Et pour rester jeune, n'oubliez pas de faire vôtre ma philosophie FOPS ! Le feu Charlie Munger, peu avant son décès, insistait d'ailleurs sur le "F" de la 1ère règle, j'en reparle plus bas.
En ce 1er janvier, point de rétrospective sur 2023, point de prévisions pour 2024, juste un petit post de fond sur ce que je considère être aujourd'hui l'entreprise la plus prometteuse et excitante du monde, Tesla !
Quand on parie sur une start-up, on regarde un peu le présent et ce qui a déja été réalisé, mais on regarde surtout ce que l’équipe cherche à construire à terme, et plus c’est large, ambitieux, disruptif et révolutionnaire, plus c’est excitant et potentiellement rewarding (on pourrait insister sur le "potentiellement", car en effet investir sur de l'innovation disruptive intègre intrinsèquement le risque de surpayer un actif qui au final se révèlera décevant).
Dans mon "portefeuille" de start-up, j'ai par exemple l'honneur et la grande joie de suivre mes très talentueux amis de LegalPlace, qui ont pour big bold ambition d'aider un maximum d'entrepreneurs à se lancer et opérer, en leur fournissant tous les outils et services adéquats pour cela, et ce notamment à grande dose de tech concernant les aspects juridiques, comptables et financiers.
"La meilleure façon de prédire le futur est de l'inventer et le construire", et c'est bien ce que fait LegalPlace ! Avec une big bold ambition long terme, la construction prend forcément du temps, elle peut être ponctuellement cahotique, mais le plaisir d'accompagner une si belle start-up, et de si bons entrepreneurs, est réel tout au long du chemin.
Je n'ai pas la chance d'accompagner Elon Musk, mais j'ai le grand plaisir intellectuel de suivre l'entreprise de très près, quasiment au quotidien, en lisant et m'informant en permanence dessus. Je ne crois d'ailleurs pas qu'il existe une autre société au monde où il y a autant de contenu quotidien (de grande qualité) qui soit pondu (notamment sur YouTube et relayé sur X, avec Rob Maurer, Dillon Loomis, Herbert Ong, Dave Lee, Alexandra Merz, Larry Goldberg, Steven Mark Ryan, etc).
Et il faut apprécier Tesla de la sorte, comme une grosse start-up en construction, avec des ambitions hors norme, jamais vues auparavant. Ce qu'est Tesla aujourd'hui n'est qu'une petite ébauche de ce qu'ils visent à être et faire dans le futur :
- 20M de véhicules électriques vendus au total en 2030, ce qui devrait alors générer autour des 800Mds$ de CA (avec les services annexes). Rappel, le leader mondial Toyota ne produit aujourd'hui qu'environ 10M de véhicules dans l’année.
- Tesla veut « cracker » l’autonomie totale de conduite (ce qui est du « real world AI »), ce qui lui permettra alors de proposer des robotaxis, totalement révolutionnaires et game changer.
- Une division « Stockage d’Energie » colossale et même supérieure en CA à la division automobile.
- Des millions (voire des dizaines de millions) de robots humanoïdes Optimus vendus tous les ans (donc des dizaines/centaines de milliards de CA/an de cette division robotique), la aussi un incroyable game changer sociétal et économique.
- Des ventes de services massives et extrêmement lucratives en Intelligence Artificielle (Dojo computing).
Ce qui conduirait à un Business Plan 2030 donnant un CA de l’ordre de 2000-2500Mds$, un résultat net de 300-500Mds$, d’où une market cap potentielle vers les 7-10.000Mds$, soit un prix par action de 2 à 3000$ (vs 250$ aujourd'hui, donc du x8 à x12 à attendre d'ici à 2030 environ). C'est ma target long terme personnelle, c’est en fait un minimum et elle est conservatrice vs d'autres (ie les 10.000$ ICI).
Si dans les chiffres Tesla n'apparaît bien de facto aujourd'hui essentiellement que comme une « car company » (95% du CA est en effet dans l'automobile), dans son ADN et son ambition, c’est surtout une IA & Robotics company. Des robots intelligents qui seront sur pieds (Optimus humanoïde) et sur roues (les voitures autonomes).
Et aujourd’hui, avec ses 100Mds$ de CA et 11Mds$ de résultat net seulement (prévisions 2023, à quelques % près), la valorisation (market cap) de Tesla à Wall Street, autour des 800Mds$, est bien de fait en « avance de phase ». Elle l’était encore largement plus à l’automne 2021 avec à l’époque une market cap de 1400Mds$ pour les 50Mds$ de CA et le petit 5,5Mds$ de résultat net de l’année, mais ça ne change pas le fait que les 800Mds$ de market cap d’aujourd’hui restent encore une anticipation importante du futur.
Pas du tout différent, par exemple, du fait que la dernière "valorisation sur le papier" de notre belle licorne nationale Doctolib était de 5Mds€ pour un CA de seulement 300M€ environ aujourd'hui, avec des pertes. La valorisation d'une start-up à un instant t n'est qu'une anticipation du futur, plus ou moins hardie, incorporant des rêves plus ou moins réalistes (aucun jugement sur Doctolib, je ne connais pas assez).
Ce qui compte c'est ce qui va être concrètement construit par l'entreprise dans les années à venir. Si Tesla réalise son business plan et atteint (dans 7, 10 ou 15 ans) 500Mds$ de Résultat Net, alors bien évidemment qu’une market cap strict minimum de 7-10.000Mds$ sera atteinte (et que les 800Mds$ d'aujourd'hui sont même un vrai cadeau).
Fin 1999, avant l'éclatement de la bulle, Amazon avait une market cap de 26Mds$ pour un CA de 1,6Mds$ seulement cette année la, et des pertes (2003 fut la 1ère année de rentabilité, soit 9 ans après la création). Ce qui était de fait horriblement cher, en forte "avance de phase". Mais Jeff Bezos, autre entrepreneur exceptionnel, avait déja clairement la big bold ambition de disrupter l'ensemble du commerce via une immense offre online, livrée très rapidement...et les qualités entrepreneuriales pour le faire. Aujourd'hui, Amazon c'est une market cap de 1.600Mds$ (donc 60x plus que fin 1999) et disons 600Mds$ de CA environ cette année (375x plus)...
Comme dans l’analyse et le pari sur une start-up, la capacité à « délivrer » un BP dépend d’une part de la taille et des economics du/des marché(s) visé(s) et, d’autre part, et surtout, du talent de l’équipe fondatrice et de ses capacités d’exécution. Et plus l'ambition est large, plus le talent doit l'être également.
1/ Point besoin je crois d’étayer et de convaincre sur la taille potentielle des marchés visés par Tesla, entre les voitures électriques, les robotaxis, les système de stockage d’énergie, les robots humanoides et les services de computing IA, etc, on parle bien de marchés dont la taille cumulée se compte en dizaines de milliers de milliards de $. Jamais une société ne s'était attaquée de front à des potentiels de marchés aussi gigantesques. A titre de comparaison, à la grosse louche, le marché du smartphone doit être de 1500Mds$ max, celui des ordinateurs de 600Mds$, celui de la voiture de 3000Mds$...
2/ Question economics, à part le segment voiture, on a bien des marchés à très forte valeur ajoutée, donc à très fortes marges.
3/ Reste donc une grande question, la seule vraie question fondamentale en fait, le talent de l’équipe à réaliser ce BP extrêmement ambitieux, qui consiste à prendre une part significative de marchés colossaux et lucratifs.
Ce que je constate factuellement, c’est que Musk, notamment :
- Avait déjà (co)fondé, développé et très bien revendu 2 start-up disruptives avant de se lancer dans Tesla et SpaceX : Zip2 (créée à 24 ans) et PayPal (créée à 28 ans, en fait Musk a fondé X.com qui a rapidement fusionné avec Confinity de Peter Thiel, l'ensemble ayant ensuite pris le nom de PayPal).
- A, en ne connaissant initialement strictement rien à ces domaines, bâtit le leader mondial des véhicules électriques, ainsi que le leader mondial des fusées (où il a notamment damé le pion à Jeff Bezos et son Blue Origin, pourtant démarré 3 ans avant en 2000).
- A, dans le domaine du manufacturing de voitures, où les « experts de l’industrie » clamaient et clament toujours que le plus difficile est de produire en masse de façon rentable (ils ricanaient devant les ambitions de Tesla), réussit à construire des usines plus productives et rentables que les constructeurs traditionnels.
- Qui avait clamé en 2013, devant les ricanements narquois de l'industrie auto, quand il ne vendait à l'époque que 20 ou 30.000 malheureuses voitures/an, qu'il en visait 500.000 en 2020, a bel et bien réussi son pari (ah, désolé, 499.000 véhicules seulement !).
- Qui avait clamé en 2020, également devant les ricanements, que le Model Y deviendrait en 2023 ou 2024 le modèle de voiture le plus vendu au monde, a bel et bien la aussi réussi son pari (la Y va cette année détrôner la Toyota Corolla).
Musk a donc concrètement prouvé, depuis 30 ans environ qu’il crée des entreprises et les développe, qu’il sait s’attaquer avec succès à des problématiques business extrêmement compliquées dans des domaines très techniques, et ce mieux que personne.
Petite digression, on ne juge pas une personne sur ses déclarations, orales ou écrites, c’est facile de raconter n’importe quoi, mais sur ce qu’il a concrètement réalisé, et sur ses décisions et ses choix au passage. De fait, Musk « sait s’y prendre », et l’a prouvé dans a peu près tous les domaines business auxquels il s’est attaqué, en prenant moultes petites et grandes décisions qui se sont révélées adéquates.
Mon analyse est que Musk est un entrepreneur totalement hors norme, jouissant en fait à haute dose de ces qualités entrepreneuriales incroyables :
- Extrêmement curieux, avec une soif dingue d’apprendre et de savoir (l’un de ses principes favoris : « en lisant assez, et en interrogeant les bonnes personnes, vous saurez tout sur tout »).
- Extrêmement analytique, avec une approche d’ingénieur pour comprendre intimement la mécanique des choses, réinventer et simplifier/optimiser les process, trouver des solutions.
- Extrêmement déterminé, combatif, résilient, sachant prendre les coups et les surmonter, et tant qu'un problème/une problématique n'est pas résolu, il reste dessus. N'hésitant pas à dormir à même le sol de son bureau et de ses usines pour améliorer les process et atteindre ses objectifs !
- Sachant prendre des risques très élevés en n’ayant peur de rien et de personne.
- Avec un ADN de frugalité.
- Sachant choisir et s’entourer de managers extrêmement compétents, les motiver et les garder (on l’a bien vu lors de l’Investor Day). Dixit : "I have a good neural net when it comes to assessing with just a few questions a person’s ability to perform”. Ses 2 excellents lieutenants, Drew Baglino et Franz von Holzhausen sont chez Tesla depuis 15 ans...
Le fait qu’il soit autiste Asperger, bien qu’humainement cela ait évidemment des conséquences peu agréables (nette absence d’empathie), lui donne la froideur pour analyser avec d’autant plus d’acuité et de force, sans émotion. Sa faiblesse dans les relations humaines est en fait sa force dans la résolution lucide et acharnée de problèmes business complexes.
Ce que son ex 1ère femme Justine résumait bien : "he’s strong-willed and powerful, like a bear...he’s a great man in a lot of ways, but it’s that lack of empathy that always give me a pause...The strong will and emotional distance that makes him difficult as a husband…may be the reasons for his success in running business.”
Autre petite parenthèse, je préfère un très talentueux autiste Asperger avec une ambition de dingue et prenant de bonnes décisions business pragmatiques, à un petit psychopathe sans envergure, malsain et toxique, qui vous pourri la vie (relisez ma philosophie FOPS). J'ai connu ça, même si par un coup de bol extraordinaire j'ai pû récemment revendre mes parts à bon compte !
En synthèse, Musk est un entrepreneur hors norme, avec un jeu exceptionnel de qualités, qui s'attaque à des marchés hors norme, en ayant déja prouvé énormément de choses, donc la probabilité de succès est grande.
Maintenant, si je parie sur un énorme succès à terme, ce sera forcément loin d'être un long fleuve tranquille, et les gros bénéfices de tout ce qui est actuellement en gestation et développement ne risquent d'apparaître que dans plusieurs années (relire d'ailleurs ce post qui étaye que la grosse création de valeur intrinsèque concrète de Tesla ne serait qu'à partir de 2026). Les financials 2024 ne devraient pas être de nature à exciter les investisseurs court termistes, avec une très faible croissance, une faible progression des marges, et des investissements en hausse (usines, IA et Dojo, etc).
Ce qui ne va pas empêcher Tesla de vivre sur le fond une sacrée année 2024 en terme de construction concrète (d'où les gros investissements mentionnés ci-dessus) : expansion des Gigafactories de Berlin et du Texas, construction de la Gigafactory du Mexique, peut-être une autre annonce de Gigafactory en cours d'année, "Model 2" (compact low cost) sans doute dévoilé en fin d'année, construction de la Megapack Factory de Shanghai, peut-être annonce d'une Megapack Factory en Europe, avancées notables du FSD, des Robots Optimus, du Dojo, expansion rapide de la division Energy, etc. Wow, que ça va être excitant de voir ces développements...qui n'auront toutefois pas encore d'impact financier matériel (à part la division Energy)...
Si les financials 2024 ne seront clairement pas de nature à booster l'action, ça ne présume rien de la trajectoire du cours de Bourse de Tesla en 2024. Je n'en sais évidemment strictement rien et comme toujours je m'en fiche royalement, je ne passe pas 3 secondes sur les prétendus "catalystes", et ne fais aucune spéculation, si ce n'est que plus le cours de Bourse est bas plus je pourrais me recharger à bon compte...J'ai déja un peu plus de 0,0004% de Tesla, avec plaisir pour monter à 0,0005%, voire plus (ce qui ne changera cependant pas mon plaisir d'analyser et de suivre l'entreprise) !
La seule chose qui comptera en 2024, comme en 2023 et comme en 2025, sera de vérifier que Tesla est toujours bien en mesure de réaliser ses ambitions long terme, même si ça prend plus de temps que prévu.
Mais, à noter que :
- Je rigole toujours beaucoup devant ceux qui font des prévisions court terme. Soit c'est parce que c'est leur job et qu'ils sont payés pour cela (les "analystes" financiers), soit c'est parce qu'ils veulent se rendre intéressants et se faire remarquer (pour attirer des lecteurs, faire des clicks, etc). Bien souvent, ces individus, incapables d'analyser et de comprendre finement une entreprise et son potentiel, ne peuvent que se retrancher sur du court terme façon Madame Irma.
- La Bourse est globalement court termiste, et n'apprécie généralement pas trop quand une entreprise investit lourdement pour construire un futur incroyable et radieux. Elle préfère une belle progression assez régulière d'EPS, à la Apple ou Coca Cola par exemple. Balloté entre l'enthousiasme sur la magnitude de ce que construit Tesla, et ses résultats financiers actuels qui n'incorporent pas encore de croissance fulgurante, mais qui reflètent investissements et décisions court terme quant aux prix et aux marges, Wall Street fluctue sans cesse.
- Il n'y aura pas de croissance fulgurante en 2024 car Tesla est aujourd'hui entre 2 cycles d'hypercroissance (comme elle l'a déja été en 2019 et 2020) : les Model 3 et Y ont alimenté le précédent cycle de 2020-2023, le "Model 2" (compact low cost), les Robots Optimus, le Dojo ainsi que la division Energy alimenteront le prochain cycle, mais seulement réellement à partir de 2025/2026.
- Historiquement, le cours de Tesla a progressé par bond incroyable sur de courtes périodes, suivi par de longues consolidation. Revoir ICI. Sera t'on encore dans une année de consolidation après le x30 en 30 mois entre la mi 2019 et fin 2021 ? Ce n'est pas impossible..tout comme il n’est pas impossible que le cours explose et fasse encore du x2 en 2024 après le x2 en 2023.
- Elon Musk se fiche royalement du cours de Bourse et ne fait pas grand chose pour enjoliver les choses et raconter une belle histoire. Il est très cash, et même souvent très maladroit dans les earnings conf call...
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