Je souhaitais mettre en éxergue et corréler 3 éléments qui, quelque part, participent au même débat :
- La France a une productivité par heure de travail supérieure de 5% à celle des Etats-Unis, mais le travailleur français produit 13% de moins sur une année (moins de temps de travail légal, absentéisme plus fort) et 35% de moins sur une vie que l'américain (vient s'ajouter une retraite plus rapide). En Allemagne, c'est encore pire...
- Je déjeunais récemment avec un ami qui revenait de Chine et qui s'avouait fasciné par l'ardeur au travail que les Chinois manifestaient. Pour eux, il n'y a pas beaucoup d'états d'âme : il faut travailler dur, pour s'enrichir.
- Siemens vient de se mettre d'accord avec les salariés d'une de ses divisions pour ne pas délocaliser en République Tchèque, moyennant quelques concessions sur des salariés.
Il est peut-être grand temps d'adopter un langage de vérité, loin de toute démagogie, de tout intérêt partisan, dans une perspective un peu plus long terme, et d'agir en conséquence.
L'inefficacité, d'où qu'elle vienne, et la moindre productivité ont forcément un coût. Et ce coût, quelqu'un, quelque part, doit le payer et il n'y a que 3 possibilités :
1) Prix supérieurs en bout de chaîne : ce sont les consommateurs qui en payent le prix.
2) Salaires inférieurs : ce sont les salariés.
3) Rendement du capital minoré : ce sont les actionnaires.
On pourra rajouter une 4ième catégorie potentiellement, celles des contribuables, si l'Etat décide d'intervenir en protégeant, subventionnant
En un mot, une efficacité et productivité moindre minore la valeur créée. Quelle que soit la façon dont le gâteau est partagé entre les 3 bénéficiaires de la richesse créée par l'entreprise (salariés, actionnaires et consommateurs), il est de toute façon globalement moins gros !
C'est un constat simple, mais pourtant fondamental.
Je n'ai pas l'impression d'observer en France un consensus implicite ou un débat pour faire avant tout grossir le gâteau (et ensuite viendrait la délicate question du partage). Au contraire, le but est de s'en prendre la plus grosse part et après advienne que pourra pour le reste. Cela me semble notre héritage culturel et m'apparaît comme le plus grand danger actuel.
Au lieu de regarder objectivement les sources d'inefficacité, et voir ensemble comment les combler, on défend avant tout son intérêt partisan etle but inavoué de tous est bien de faire payer celles-ci par les autres catégories : le consommateur, le salarié, l'actionnaire ou le contribuable.
Ce modèle, malgré les luttes entre les 3 catégories, pourrait tout à fait fonctionner si nous vivions, et pouvions vivre, en autarcie dans un monde fermé. Ce serait une histoire de famille. Mais ce n'est pas le cas et ce ne peut être le cas.
- Les consommateurs ont le choix d'acheter des articles moins chers, produits par des nations plus concurrentielles. Le "acheter français" n'a pas beaucoup d'écho, le consommateur regardant essentiellement son portefeuille.
- Les actionnaires ont le choix d'investir dans des sociétés étrangères leur apportant un meilleur rendement.
- Les actionnaires, à travers les dirigeants qu'ils nomment, ont très souvent le choix d'aller produire ou faire produire à meilleur coût ailleurs.
Aussi, vouloir uniquement tirer la couverture vers soi ne peut être qu'une vue à court terme, qui ne peut pas fonctionner et qui, globalement, diminue mécaniquement la valeur globale créée.
Il y a un équilibre à respecter, un équilibre qui doit prendre en comptes des réalités locales et mondiales. Et la seule stratégie globale qui puisse fonctionner, c'est celle qui consiste à travailler, à se battre, à chercher ensemble, par tous les moyens, à être le plus efficace possible.
C'est un dialogue très difficile intrinsèquement, rendu encore plus difficile par notre héritage culturel.
"Ils perdirent de vue l'objectif, aussi il perdirent la bataille". Sun Tzu, l'Art de la Guerre
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