J'ai toujours aimé analyser les concepts et chaînes de restauration, qui sont aussi quelque part une forme de "retail".
Le temps où l'on avait en majorité des restaurateurs indépendants est bien révolu à Paris, les grandes brasseries sont maintenant quasiment toutes sous le contrôle de groupes organisés : les Frères Blanc (une dizaine de grandes brasseries telles le Grand Café des Capucine, le Pied de Cochon, le Procope, Charlot Roi des Coquillages, etc) qui ont aussi la chaîne Chez Clément et qui vient de racheter la Marée, le Groupe Flo qui possède aussi la Coupole, Lipp et les chaînes Hippopotamus et Bistrot Romain, les Frères Costes (Hotel Costes, Café Marly, l'Avenue avenue Montaigne, le Murat à la Porte d'Auteuil, l'Esplanade aux Invalides, le Georges en haut de Beaucourg avec une splendide vue sur Paris, etc) qui seraient en passe de reprendre le Goldenberg, le Groupe Gérard Joulié (le Boeuf Couronné, Montparnasse 1900, l'Européen, l'Auberge DAB, entre autres), etc...
Derrière beaucoup de ces groupes de restauration, il y a des financiers et des fonds de LBO ! Le CDC a récemment racheté le groupe des Frères Blanc (et également Quick la semaine dernière), Flo appartient à la CNP du milliardaire belge Albert Frères, Pizza Pino appartient à Astorg, Léon de Bruxelles appartient à Before, L Capital (LVMH) a pris une grosse participation dans Bertrand (Bert's entre autres), Courtepaille (dossier sur lequel j'avais travaillé il y a 5 ou 6 ans pour Barclays) appartient à Parcom, etc...
Comme tout retail, la restauration est un métier de terrain, et appliquer un raisonnement mathématique et financier à un secteur humain peut comporter quelques dangers ! Les 2 ne sont pas incompatibles, mais ne vont pas toujours bien ensemble, surtout quand on est dans le cadre d'un LBO et qu'il faut serrer les boulons et augmenter les additions pour repayer la dette...
Ceci étant, un fond de LBO vise aussi fréquemment l'expansion d'un chaîne, créatrice de valeur : Courtepaille, une chaîne de près de 50 ans, est ainsi passée de 110 restaurants à 170 environ sous l'égide de Barclays Private Equity, le CDC vise à doubler dans les 4 ans le nombre de "Chez Clément".
Le cas de Pizza Pino était un peu différent car Astorg avait repris une société en redressement judiciaire !
En matière de commerce et de restauration, même avec un concept fort, l'aspect humain reste toujours important. Et, bien souvent, le concept c'est en grande partie l'homme lui-même ! Quelles que soient les priorités financières et stratégiques, il y en a une qui doit toujours prévaloir sur toutes les autres, c'est la satisfaction du consommateur ! Elle passe par le savoir faire, la gentillesse et le professionalisme des collaborateurs.
J'étais hier invité dans un restaurant indien de la capitale, supposé être un "très bon" sur le plan gastronomique, mais dés l'arrivée je sentais un bug, quand le maître de maison ne vous propose même pas de vous débarasser de votre parka et de votre encombrante sacoche ! Le reste du service était un peu à l'avenant et, sans surprise, ce restaurant était quasi désert. Sanction immédiate des consommateurs...
Inversement, j'admire les chaînes qui arrivent à maintenir des collaborateurs motivés, avenants et prévenants vis à vis des consommateurs, car ce n'est vraiment pas simple. Chez Clément est l'une de celles-ci, avec une qualité de service constante, que ce soit à Boulogne à côté de chez moi, rue Marbeuf où j'ai travaillé quelques années, à la Porte Maillot ou à Bougival. Les frères Blanc ont réussi à industrialiser (à petite échelle) la chaîne sans perdre en qualité de service, et la je dis bravo ! Ce sont de grands professionnels qui gardent toujours à l'esprit le consommateur et sa satisfaction. Est-ce que cet finesse, cette connaissance et cette exigence resteront avec le LBO par le CDC, je crois que c'est un vrai challenge.
J'expliquais la même chose hier à un ami alors que nous déjeunions à l'Hippo (Porte de Sèvres, Aquaboulevard).
Depuis quelques mois :
- Prix en hausse de 20%
- Il commande un Martini blanc, on lui sert un verre de 4cL avec un gros glaçon dedans ! (3.80€ !!)
- Son pavé de boeuf de 150gr. ressemblait plutôt à un pavé de 80/100gr. (le mien ça allait)
- Dans le menu, il prend un coca. On lui apporte directement un verre de coca (avant c'était une vraie bouteille 25cL)
- Accueil moyen
Conclusion, c'était la dernière fois que nois y mettions les pieds ;-)
Posted by: Bruno | November 01, 2006 at 10:53 AM
Comme souvent, le diable est dans le détail. Un détail pour les salariés qui voient passés les clients les uns après les autres mais un point important pour le client qui vient de temps en temps ou pour la première fois.
C'est principalement un problème de référentiel : pour le salarié ou patron, c'est de l'ordre de l'habituel. Pour le client la situation est exceptionnelle. Et tout le monde sait que l'ont apporte pas la même attention à une situation habituelle et une situation exceptionnelle, d'où ce décalage de vision des choses.
Les grandes chaines ont réussit à casser ce décalage en bourrant le crane à leurs employés sur "ce qui est important pour le client", en créant une charte et un suivi de qualité de service, etc...
J'avais déjà eu la mauvaise surprise de verres de coca à la place de bouteille (et donc parfois 25cl au lieu de 33cl, ça coute combien 8cl de coca ?!)
Idem pour les cafés. Certains restos où il m'est arrivé d'aller de temps à autre ne me proposent même pas un café gratos. J'imagine bien qu'il n'y ait pas de petits profits mais je préfèrerais payer 50c de plus mon plat du jour et qu'on m'offre le café si je suis client régulier.
Posted by: Jérôme | November 01, 2006 at 11:31 AM
Bizarre Bruno car je pense exactement l inverse : les choses vont en s'ameliorant chez Hippo : la carte a ete refaite, les magasins ont ete renoves (cf la longue fermeture de celui de Wagram).
Sinon Michel, comme tu le dis, LBO signifie souvent pression mais pas forcement "serrer les boulots" sur les aspects HR, mais plutot ameliorer les achats, ameliorer la structure financiere, et a ce titre Quick est un tres beau deal. La CDC a su vraiment reperer la societe restructuree mais conservant un upside operationnel !
Posted by: A-C | November 01, 2006 at 02:10 PM
En France, pour moi, Olivier Bertrand est l'un des meilleurs dirigeants pour savoir ce que les "gens" veulent, comment marketer et plus ...C'est un vrai talent rare comme Arnon Milchan avec lequel il a un métier-success/commun.
Posted by: J. | November 01, 2006 at 02:16 PM
A-C, Courtepaille fut aussi un très beau deal, alors qu'à l'époque on m'avait critiqué de conseiller ce deal à Barclays, payé 14x l'EBIT (mais attention, il y avait de l'immobilier, ce qui biaise le benchmark).
La croissance du nombre d'unités ne s'est pas fait au détriment de la qualité de service, je dirais même au contraire.
Posted by: Michel de Guilhermier | November 01, 2006 at 03:03 PM
Je suis d'accord sur la nécessité de se focaliser sur l'humain pour faire décoller un groupe de restauration: c'est avant tout un métier d'accueil et de contact. Mais selon vous, quel est l'intérêt de mutualiser des chaînes de restauration; sincèrement, n'est-il pas de mutualiser les achats et la logistique (pour faire baisser les coûts marginaux d'approvisionnement) pour augmenter les marges?
Dans ce cas précis, le cash dégagé grâce à ces économies d'échelle renforcerait la formation du personnel, la refonte des menus, etc. La boucle est bouclée.
Posted by: Jeremy Fain | November 01, 2006 at 05:24 PM
Attention quand même à ce que cherche réellement le client. De plus en plus, ce dernier semble avoir envie d'authenticité, une sorte d'ambiance " bar du commerce " avec un serveur dispo pour écouter ses soucis et un patron derriére son bar, prêt à lui servir un demi de sa marque préféré car il a pris le temps de le connaître, de lui parler.. ce que pas un gérant de chaîne ne peut techniquement faire !
Posted by: MiKE | November 01, 2006 at 06:26 PM
Mike, il y a certes une tendance de recherche d'authenticité, mais elle n'est pas générale. Les demandes sont multiples : certains veulent de l'authenticité, d'autres de l'exotisme, d'autres du design, etc...
La seule chose vraiment transversale, c'est que les clients recherchent en majorité de bons rapports qualité/prix avec un service décent !
Posted by: Michel de Guilhermier | November 01, 2006 at 07:11 PM
Mike, le declin des bars PMU semble montrer le contraire... inversement l'inattendu succes de Starbucks en France montre que les nouveaux clients cherchent plus a parler a leurs amis ou a leurs contacts msn qu'au patron du bar :-)
Posted by: A-C | November 03, 2006 at 11:17 AM
The end crowns the work... Court
Posted by: Court | November 30, 2006 at 12:49 AM