J'ai été appelé hier après midi par un jeune entrepreneur qui a une idée de commerce intéressante. Disons pour ne pas trahir son projet et sa confiance (surtout qu'il est de la famille !) qu'il vise un sous segment du très vaste marché de l'ameublement...
Sa question était simple, valait-il mieux commencer par faire un site web ou par ouvrir un magasin ?
Vaste question, et pas si simple que cela en fait. Je lui donnais on the spot mon gut feeling, mais après coup j'ai passé l'après-midi à formaliser les nombreux paramètres de cette alternative.
Cependant, si les economics entre un magasin et un site web ne sont pas les mêmes, si les facteurs clés de succès ne sont pas intégralement les mêmes, si les techniques ne sont pas non plus les mêmes, je lui répondais quand même que la vraie problématique, en amont, était avant tout de se constituer une vraie différenciation, une vraie spécificité avec une gamme de produits adéquate. Un spécialiste de tel ou tel segment se définit par le choix qu'il offre à sa clientèle et les conseils qu'il peut lui prodiguer.
Si l'on dispose d'un sourcing bien particulier, extrêmement large dans le segment visé, voire que celui-ci confère un véritable avantage concurrentiel (avec des exclusivités par exemple), et que les prix sont adéquats, le business marchera bien, que ce soit dans le monde physique ou le monde virtuel. Le nombre d'entrepreneurs qui m'approchent avec des business sans aucune différenciation est assez effroyable...
Alors, pour commencer, un petit coup de Warren Buffet qui dit en substance : en matière d'investissement, ce qui compte avant tout, ce n'est pas le marché et ses cycles, mais l'avantage concurrentiel dont on dispose et la pérennité de celui-ci.
Pour le commerce, c'est pareil. Bien sûr, on entend le sempiternel "emplacement, emplacement et emplacement", mais la question de l'emplacement ne vient en fait que si on a déja un bon concept !
Et pour le e-commerce, c'est encore plus élitiste : il n'y a pas d'emplacement, il n'y a que du trafic que l'on fait venir en le payant plus ou moins cher, mais gare si le concept est imparfait, car les clients repartiront tout aussi vite. Cela se traduira concrètement par des taux de conversion déplorables. Je rencontrais d'ailleurs l'autre jour un site de e-commerce avec un taux de conversion de 0,1%, signe parfait d'un vrai problème de concept et d'une offre inadéquate.
Il est des métiers dans lequel il n'est cependant pas vraiment question de différenciation dans le sourcing, les retailers vendent tous les mêmes grandes marques et les mêmes produits. Dans le monde physique, il faut alors être accessible facilement et c'est clé, dans le monde virtuel, où le consommateur est toujours à un clic du concurrent suivant, le prix fait toute la différence.
Dans ces secteurs où il est très difficile de se différencier par le sourcing des produits, on arrive au final dans des courses au volume, et in fine c'est une question d'exécution et de moyens. Au début, il y a 10 à 15 concurrents avec les mêmes produits, 2 ou 3 émergeront seulement car ils auront eu plus de moyens et/ou auront fait moins de bêtises que les autres et/ou auront été plus travailleurs et actifs, etc...Au passage, la niak est un des grands paramètres de création de valeur dans le commerce...Si on ne se différencie pas par ses produits, car le consommateur a les mêmes ailleurs, on peut se différencier par un plus grand acharnement au travail et par sa présence plus importante dans le magasin, virtuel ou pas...
C'est d'ailleurs une des grandes différences entre des business techno internet et l'e-commerce : la différenciation ne se fait pas par la techno mais pas l'homme, par le commerçant (je ne vais pas en profiter pour faire mon couplet sur la nécessaire frugalité en matière de commerce, différent de ce qu'on peut se payer quand on gère des business de technologies à très haute valeur ajoutée).
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