La restauration n'est jamais qu'un retail particulier, et est animée des nombreux mêmes fondamentaux : grande rigueur, attention aux détails et customer focus. Au delà d'un oeil critique sur le service quand je fréquente les restaurants, je reste toujours intéressé par les mouvements de la profession et ai aussi, dans le passé, participé à l'acquisition des restaurants Courtepaille via ma société de conseil en LBO.
S'il y a un groupe que j'aime tout particulièrement, c'est bien celui des Frères Blanc, qui outre une douzaine de grandes brasseries parisiennes, chacune ayant une forte image et sa spécificité propre mais une même rigueur dans le service et la qualité des plats (La Lorraine, Pied de Cochon, Grand Café des Capucines, L'Alsace, la Fermette Marbeuf, Jenny, ...) a développé la chaîne de "restauration de loisir" chez Clément (du nom du père fondateur, Clément Blanc) à partir de 1993.
Je mangeais déja dans le 1er établissement sur les Champs Elysées à l'époque et je fréquente régulièrement actuellement les Clément (Boulogne à côté de chez moi, mais aussi ceux de Bougival, et ceux de la rue Marbeuf et des Champs Elysées), j'y suis un client fidèle car le rapport qualité/prix ainsi que le niveau de service ne m'ont quasiment jamais déçu. Le client n'est pas si zappeur que cela quand on lui offre de la constance, il ne prend pas toujours le risque de l'aventure...
Je suis aussi sensible à l'image et l'histoire portées par chacune des brasseries de luxe du Groupe : le Pied de Cochon, ce sont les années folles, le Grand Café des
Capucines, c'est l'Art Déco, le Procope est le plus ancien
café/restaurant de Paris, etc. Image qui a un écho largement au delà de Paris. Ainsi, le groupe Presidente gère à Mexico, en franchise des noms, un Pied de Cochon situé dans l'hôtel Presidente Intercontinental et également un Alsace ! Clairement, les restaurants des Frères Blanc sont le reflet et le symbole de la vie parisienne.
A l'exception des Clément, le groupe s'est constitué par acquisition au cours du temps : le Grand Café en 1977 (Opéra), l'Alsace en 1982 (Champs Elysées), Charlot en 1984 (Place Clichy), le Procope en 1987 (St Germain), l'Arbucci en 1991 (St Germain), la Fermette Marbeuf en 1995 (quartier Champs Elysées), la Taverne (Grand Boulevard) et la Lorraine (Place des Ternes) en 1998, le Petit Zinc en 1998 (St Germain), chez Jenny en 2000 (Place de la République). Il n'y a pas un endroit stratégique à haute fréquentation de Paris où le Groupe n'est pas présent !
Dans le quartier des Champs Elysées, entre l'Alsace, les 2 restaurants de la Maison du Danemark, les 2 Chez Clément, le Groupe est ainsi massivement présent. Et si on pointe un poil plus au nord vers la Porte Maillot en passant par la Place des Ternes, on va tomber sur La Lorraine, 2 autres chez Clément (Ternes et Maillot) et le Sud...
Racheté l'année dernière par le CDC Entreprise Capital (les frères Blanc ne sont plus aux commandes), le Groupe a repris son expansion arrêtée il y a 4 ans en reprenant la Marée (1 étoile Michelin) et a annoncé cette semaine le rachat de 4 restaurants : les 2 enseignes de la Maison du Danemark sur les Champs Elysées (Copenhague et Flora Danica), le restaurant Le Sud à la Porte Maillot (ex Denise Fabre), ainsi qu'un restaurant à Nantes appelé à devenir en 2007 le 1er Chez Clément de province, mais il y en aura d'autres.
Le Groupe a maintenant aussi pour ambition de développer "le Sud" comme une chaîne, à l'instar de ce qu'il a fait pour Chez Clément.
Aujourd'hui, le Groupe emploie près de 2000 salariés, devrait atteindre 106M€ de CA en 2006 pour 19M€ de résultat opérationnel. Très belle réussite, rigueur dans le service, l'attention aux consommateurs et la gestion, créativité (il fallait les inventer ces fourchettes entrelacées de Chez Clément !) et maintenant dynamisme repris sous le flambeau du Directeur Général, Frédéric Hoepffner.
Et rappelons le, il y a des grandes chances maintenant que quand vous mangez à Paris vous mangiez dans un établissement repris en LBO par le Private Equity ou au minimum que celui-ci y soit présent : que ce soit donc les Groupe des Frères Blanc, le Groupe Bertrand (Lipp, Toastissmo, Bert's), Buffalo Grill, le Groupe Flo (Flo et Hippopotamus), le Bar à Huitres, Class'Croutes, Lina's, Pomme de Pain, Leon de Bruxelles, etc, vous dégusterez dans l'assiette de financiers !
So what ? Pour un restaurant, la problématique est la même que pour un commerçant ou un e-commerçant : ce n'est pas tout d'acquérir un client, il faut surtout le séduire et le charmer, le surprendre voire le faire rêver, pour le garder et le faire revenir, souvent ! Il faut une grande rigueur dans le service, une grande attention dans les détails et de l'imagination, dans l'assiette et dans le décor. Le Private Equity semble l'avoir parfaitement compris et s'il recherche bien entendu la plus value maximale, sait aussi que c'est en ajoutant de la valeur ajoutée qu'on y arrive.
17 % de RO ! Voila qui n'est pas banal dans ce secteur.
Il est vrai que les Frères Blanc ont la réputation (validée) de gerer "au cordeau" ce groupe, mais aussi et comme dans beaucoup de groupes de restauration, d'avoir fait du service client un véritable culte, du commis de cuisine au PDG, tout le monde se sent concerné et impliqué.
Les vrais ingrédients sont bien là :
- un lieu de qualité
- un service irréprochable
- une qualité de produit conforme à l'attente générée
- La reconnaissance client
- Une "frugalité" en matière de gestion permettant de sauvegarder les marges.
- Un véritable sens client de bas en haut de la pyramide.
Posted by: Denis Le Lohé | December 18, 2006 at 03:29 PM
Oui, et c'est pour cela que j'ai écrit sur eux, je sens qu'on a la même philosophie !
Posted by: Michel de Guilhermier | December 18, 2006 at 03:30 PM
Avec pour difficultés supplémentaires dans ce secteur par rapport au retail : des structures de charge vraiment contraignantes (45 % du CA en frais de personnel, 30% en appro, le reste pour faire vivre les concepts et maintenir l'attractivité des lieux tout en garantissant la croissance et le développement, il vaut mieux être fin gestionnaire et capitaliser sur le service et la fidélisation client !)
Je peux témoigner que lorsque l'on a connu cela, on ne voit pas le business en général et le ecommerce en particulier de la même façon.
Posted by: Denis Le Lohé | December 18, 2006 at 04:00 PM
Travaillant à l'ANPE (et oui il y en a qui bossent dans le public et avec un salaire assez proche du SMIC il faut le dire!), je dois témoigner qu'il y a une autre réalité dans la frugalité du commercant en ce qui concerne la restauration, et que je vois au travers des chômeurs que je recois...
Ils ont l'alternative entre, être payé au SMIC et, bien gagner leur vie mais ne pas être payé de leurs heures supplémentaires...
D'où la bronca lors de l'annulation des 39 heures par le Conseil d'Etat...
Pour beaucoup cela signifiait continuer à bosser 39 heures mais payées 35!!!
La frugalité d'accord, mais la participation des salariés au bénéfices quand il y en a OUI OUI OUI!!!!
J'ai bossé en centrale au GALEC (Leclerc) et quand je voyais le décalage entre un chef de rayon ayant 20 ans de boutique et un salaire de misère et un adhérent millionnaire, j'étais un peu géné! Je ne diabolise pas, il y a beaucoup de patrons socialement responsables, mais les valeurs se perdant, parfois notre rigidité je la vois comme un moindre mal, c'est dommage mais pourtant c'est vrai!!
Posted by: Rod | December 19, 2006 at 04:16 PM
La gestion des RH est très bizarre: des chefs de cuisine embauchés apparemment systématiquement en CDI en tant que "chefs de cuisine en formation". Les 6 modules de formation présentés sur 6 mois correspondent à 6 jours de formation! En réalité, je pense que le groupe des Frères Blancs fraude: il embauche des salariés CDI en leur proposant une formation complémentaire (qui refuserait?). Le contrat n'est en fait pas un vrai CDI (bien que son intitulé soit ainsi), le Groupe des Frères Blanc doit être financé par les OPCA en tant que centre de formation ...
En ce qui concerne les salariés en poste, je confirme les propos précédents: 50/55 heures travaillées par semaine, payées 35H (plus 4 heures de RTT par semaine).
L'hotellerie restauration est un secteur où le droit du travail est systématiquement bafoué, que ce soit par les petites entreprises ou les plus grosses.
Posted by: Aurélie | February 15, 2011 at 09:09 AM