Je regardais hier soir sur TV5 un reportage sur l'histoire du Club Med, depuis sa création jusqu'à sa gestion actuelle. Belle aventure que celle lancée dans les années 50 par le visionnaire Gilbert Trigano que j'avais eu la chance de cotoyer dans les jurys HEC Entrepreneurs à la fin des années 90. Je me rappelle d'ailleurs d'un jury très particulier, puisqu'il s'agissait de la reprise d'une de mes sociétés, où il était le seul parmi 50 "personnalités" à avoir réellement compris la problématique !
En 1997, Serge Trigano, à qui son père avait laissé la présidence quelques années auparavant se fait brutalement évincé et remplacé par Philippe Bourgignon, dirigeant bien formaté à l'école du marketing et de la gestion à l'américaine, ex Eurodisney, au profil et au background certainement plus rassurant pour les actionnaires.
Les Trigano étaient l'esprit, la vision et la stratégie du Club, mais il semblerait que question rigueur de gestion ils auraient du s'entourer d'autres compétences. Quoique fondateurs, ils étaient devenus très minoritaires au capital (quelques %, ils avaient préféré l'expansion au contrôle du pouvoir, j'en connais d'autres), et les actionnaires ont donc décidé.
La valse des PDG en fonction de la perception par le Conseil d'Administration de ce qui est important et de ce qui doit être mené, est une donnée de la vie des entreprises. La saga Apple est édifiante à ce sujet, mais les exemples sont en fait innombrables. Je dois d'ailleurs faire un post sur 3M ,où la rigueur et l'efficacité apportées en 2000 par l'ex GE James McNerney, est maintenant battue en bèche par son successeur au profit de l'innovation et la créativité, de nouveau perçues comme le vrai ADN de la société, indispensables à la création de valeur (le cours de Bourse de 3M stagne depuis quelques années maintenant).
Pour en revenir au Club, rassurer avec un profil formaté ne suffit pas forcément à créer de la valeur, ni même savoir manager correctement avec rigueur, encore faut-il faire les bons choix de direction et se mettre sur la bonne route; de nouveau, bien exécuter si on a pas les bonnes idées et la bonne stratégie est pour moi largement insuffisant ! Voici une métaphore que j'aime bien : entre un bonne, solide et fiable voiture qui prend l'autoroute, et une voiture de luxe, très puissante, qui prend un chemin qui finalement s'avère être de traverse, qui arrivera aux meilleurs résultats ? Le bon gestionnaire Gil Amelio, redresseur de NCR, n'a pas crée de valeur chez Apple alors que Steve Jobs a crée la bagatelle de 100Mds $ en 10 ans.
L'idéal est bien entendu de transformer sa société en une superbe machine à gagner et en plus faire les bons choix et la mettre sur la bonne route, autrement dit, allier magiquement la vision à l'exécution.
La plupart d'entre nous rêvons d'être des visionnaires, mais de fait seul le temps, les succès et la valeur concrètement créée permettent de faire le tri entre les visionnaires et les autres !
En 2002, Bourguignon, dont la stratégie de diversification est justement un échec (ie Oyyo avec un slogan débile "si tu dors tu meurs") et qui n'a pas su repositionner correctement le Club (au contraire, on a pu sentir un serrage de vis dans les coûts et une dégradation de la qualité de service), se fait à son tour brutalement débarqué par ses actionnaires, et remplacé par son Directeur Financier, Henri Giscard d'Estaing...
On passera sur les rumeurs liées à ces événements, aussi bien pour l'évincement de Serge Trigano (qui a notamment mis en cause un rapport de Bain&Co fait sans son dos) que celui de Bourguignon (qui a critiqué les manoeuvres de Henri Giscard d'Estaing), l'intérêt ici est juste de parler de la pertinence ou pas des stratégies.
Et pour le coup, la stratégie de montée en gamme que HGE a choisie m'a immédiatement paru séduisante. L'un des grands actifs du Club sont ses emplacements de 1er ordre, parfois réellement paradisiaques, mais en toute logique cela doit aller avec un service et un environnement haut de gamme. Surtout que la demande dans ce segment est de plus en plus forte.
Certes, les prix du Club ont augmenté, mais le package global est tout à fait compétitif et attractif dans son segment du haut de gamme, ce qui n'était pas forcément le cas pour le bas et le milieu de gamme où le Club a pour le coup une très forte concurrence multiple. Ce sans compter sur l'hétérogénéité et le grand écart de l'offre précédente du Club Med allant des villages de cases aux villages 4 Tridents haut de gamme.
Aujourd'hui, le Club s'est recentré sur une offre homogène haut de gamme, fermant les villages les plus bas de gamme et upgradant ceux du milieu de gamme.
En novembre 2005 j'avais passé une semaine au Riad, club très haut de gamme à l'intérieur du Club déja 4 tridents de la Palmeraie à Marrakech, avec une suite de 60M2, jardin privé, etc, le tout pour un prix parfaitement compétitif au vu des prestations réellement très haut de gamme : 1300€/pers la semaine, tout compris.
Le Club Med est aujourd'hui redevenu rentable, faiblement encore cependant.
Merci pour votre analyse toujours très intéressante.
Cependant, je ne partage pas tout à fait votre avis. Le problème clé de l'expérience client reste à traiter : on ne devient pas haut de gamme sans modifier en profondeur ses pratiques.
Le haut de gamme doit donc se décliner sur l'ensemble de la prestation, ce qui est à mon avis loin d'être le cas : à l'aéroport, dans l'avion, dans les transferts, dans l'hébergement,...
Si ce n'est pas fait, la fidélisation des clients "haut de gamme" ne sera pas possible...
Posted by: Julien | June 20, 2007 at 09:34 AM
Certes, mais un grand bond a déja été fait.
Posted by: Michel de Guilhermier | June 20, 2007 at 02:26 PM
JE TROUVE PAS QUE OYYO ETE UNE MAUVAISE IDEE. J AI PASSE 15 JOURS LA BAS LE SEULE PROBLEME C QUE C PROJET A ETE MIS EN PLACE SANS PUB ET IL C LIMITE AU FRANCER AVEC PLUS DE PUB ET IL AURAI DUT PROPOSER SA A TOUT L EUROPE . JE PENSSE VRAIMENT QUE C PROJET AURAI PUE MARCHER ET DEVENIR UN PEU COMME IBIZA VOILA CIAO SEBASTIEN DE PARIS 16 EME
Posted by: COLNE SEBASTIEN | August 11, 2007 at 12:30 PM
La politique de montée en gamme aboutie au comble du paradoxe stratégique : le Club est devenu trop cher pour la classe moyenne et pas assez bien pour les riches. Last but not least en se positionnant par rapport à l'hôtellerie de luxe, d'imcomparable qu'il était il l'est devenu. La stratégie actuelle du Club est le résultat d'un raisonnement d'esthètes parvenus qui veulent arracher le Club de ses racines dont ils sont incapables d'utiliser les leviers, tout en versant des larmes de crocodile sur son passé, en maniant un Pari Pascalien intellectuellement séduisant mais concrètement inconciliable : " Le haut de gamme convivial et multiculturel", une alchimie mortifère comme en témoigne les résultats en trompe l'oeil et les niveaux constament déprimants du cours de bourse depuis dix ans.
Posted by: Tombez | May 26, 2008 at 10:26 AM
Well written article.
Posted by: Tecla | October 27, 2008 at 01:53 PM