La 1ère partie donnait les résultats du sondage et reflétait nettement les risques inhérents que vous ressentiez à associer Internet et Luxe, et finissait sur une double question : une marque de luxe doit-elle aller sur Internet ? Si oui, comment ?
Attaquons nous à la 1ère question : est-ce qu'une marque de luxe doit aussi se diffuser par Internet, et pourquoi ? Le comment viendra après..
La 1ère chose à faire est certainement de définir au préalable ce qu'est le luxe et ce que représente une marque de luxe ?
La définition que je vous propose m'a été d'une part inspirée par un grand couturier parisien et d'autre part du sondage réalisé sur les voitures mythiques. Je la trouve simple, limpide et complète : le luxe c'est la qualité, la rareté et l'image.
Ces 3 éléments doivent nécessairement cohabiter, mais pas forcément avec la même intensité. Le luxe peut provenir d'une qualité extrême, d'une rareté, mais avec une image encore naissante. Ou, a contraire, peut provenir d'une image exceptionnelle, construite patiemment dans le temps, et de produits simplement "de qualité". D'aucuns diront d'ailleurs que Louis Vuitton appartient à cette catégorie. Nous reviendrons plus tard sur les différents segments du luxe avec des illustrations concrètes de la position de marques sur chacun de ces 3 éléments, qualité, rareté, image.
Que ce soit pour de la fringue, de la bijouterie, des arts de la table, du mobilier, de l'automobile, etc, cette définition s'applique parfaitement au monde du luxe.
Ce tryptique nécessaire, et suffisant à mon sens, drive très souvent un prix élevé, mais le prix seul ne fait pas le luxe, ou du moins ne suffit pas à soutenir ce statut avec le temps. Un produit cher de mauvaise qualité ou trouvé en abondance ne peut pas être du luxe.
Partant de cete définition, je ne peux que conclure à une chose : si Internet ne vient pas contrarier ce tryptique, oui, il faut y aller !
- Internet ne va certainement être le driver essentiel de construction de l'image d'une marque et d'un produit, qui se construisent avec le temps, de la publicité et des événements, mais peut constituer un excellent relais.
- La qualité du produit est ce qu'elle est. Internet n'intervient pas la dessus peut même servir à expliciter cette qualité en la montrant sous toutes les coutures de façon attractive (photo, video, etc).
- La rareté devient alors la chose à gérer sur Internet. S'il s'agit d'investir ce canal pour innonder le marché (j'exagère volontairement) et complémenter un réseau éparse de boutiques exclusive, alors on va casser l'image de luxe. L'objectif de la marque de luxe n'est certainement de se rapprocher du mass retailing. Mais cette problématique n'est pas en fait propre à l'Internet. De fait, un acteur du luxe arbitre constamment entre la volumétrie et le prix de vente. L'expansion ne doit pas entraîner une diminution de la force de la marque qui aurait alors un impact sur le pricing, ce qui pourrait alors venir plus que compenser les gains provenant de la croissance des volumes. Dans ces business de marques, le prix est de très loin la variable la plus importante ! Toute action qui peut affaiblir la marque a des conséquences réellement dramatiques sur le bottom line.
Ainsi, si la volumétrie continue d'être monitorée de près et gérée avec parcimonie, et que la marque fait attention à ne pas banaliser l'acte d'achat sur Internet, alors je considère que non seulement il n'y aucun obstacle pour une marque de luxe à investir ce canal de vente, mais qu'il peut également amplifier le positionnement et la force de la marque.
Pour le comment, peut-être qu'il faudra attendre un peu le développement d'Inspirational Stores non ?
Dans ce domaine de l'e-commerce du luxe il y a deux écoles comme il y a deux notions du luxe.
Des marques comme Cartier ont fait le parti-pris de ne pas vendre leurs produits sur Internet mais de communiquer de manière raffinée sur l'histoire et les produits de la marque avec un maximum de desription. En cela Internet est une formidable vitrine pour ce type de marque.
Tant que la notion de rareté est respectée la notion de "vrai" luxe sera toujours là. D'autres marques de luxe sont sur cette ligne et cela n'empêche en rien ces marques de vivre avec leur temps et de ne pas être enfermées dans un archaïsme dans lesquelles ont aimerait les mettre. Chanel propose depuis peu un podcast de ses défilés et autres axes de produits sur Itunes. Le podcast rencontre d'ores et déja un joli succès auprès des internautes mais aussi médiatique.
En revanche d'autres marques telles que Vuitton et Dior (LVMH) ont fait le pari inverse de vendre sur Internet, Dior est même présent sur Second Life (autre bon coup médiatique qui a fait parlé de lui). Cette autre école du luxe joue sur un créneau "luxe industriel" lorsque l'autre école joue à fond la notion de rareté dans un environement selectif. Il est clair qu'Internet représente tout sauf un environement selectif.
En revanche la stratégie de Dior et Vuitton se révèlera à mon sens certainement payante car les clientèles de ces 2 marques ne sont pas les mêmes que les Hermès, Cartier et dans une moindre mesure Chanel.
Internet est pour moi une des raisons de ce scindement dans la notion du luxe. Il y a d'un côté le côté show off du luxe et m'as tu vu pour lequel le fait de commercialiser les produits sur le Net n'aura aucune incidence sur la valeur de marque car la clientèle de celles-ci n'est pas sensible à la notion de rareté qui a fait longtemps l'axe fort de la notion luxe. Il en est tout le contraire pour l'autre école qui reste fidèle à cette notion de rareté. Le danger pour l'école traditionnelle aurait été d'avoir une stratégie zéro Internet qui aurait vieilli considérablement leurs images de marque.
Posted by: Alexis | May 22, 2007 at 12:46 AM
Internet concentre de plus en plus d’acheteurs potentiels,…les chiffres le prouvent, les français sont de plus en plus nombreux à effectuer des achats online… Il s’agit donc d’un « réel » canal de distribution… alors si des personnes sont prêtes à acheter des produits de luxe online, pourquoi s’en priver ? Et par ailleurs, j’imagine que la vente par Internet permet d’engranger de plus grands bénéfices (moins de coûts fixes non ?), donc, il parait judicieux de s’intéresser à ce mode de distribution. Les marques se rendront compte très rapidement si l’Internet représente un marché susceptible de capter l’attention de leurs cibles… Mais encore une fois, quel est le plaisir d’acheter un costume d’un grand couturier par exemple, sans la possibilité d’essayer le produit, de le voir, de le toucher, etc ?! De même, acheter des macarons Ladurée (pour faire référence aux nombreux articles), c’est aussi le plaisir de se déplacer en boutique, et saliver à l’idée de déguster ces petites douceurs…mais demander une livraison à domicile : le colis Fedex n’a rien d’exaltant ! Cela dit, le marché du luxe sur Internet existe : les clientèles cibles qui ne peuvent se déplacer et venir dans une boutique peuvent alors être tentées par l’achat électronique : l’absence de mobilité est une des raisons clés. Si une marque dispose d’un faible nombre de points de vente (ex : Burberry en France), alors oui, Internet est une solution et peut être une source de chiffre d’affaires non négligeable. Encore une fois, pourquoi s’en priver si il est avéré que le commerce online ne nuit pas à l’image de marque (notamment la notion de rareté rattachée au luxe comme le dit très justement Alexis) ?
Posted by: David | May 22, 2007 at 12:58 AM
Vendre sur internet pour une marque de luxe est aussi un moyen de combattre les sites vendants des contrefaçons.
Bien que l'e-commerce, en lui-même, n'est pas forcément pénalisant pour une marque de luxe, le choix des produits est quant à lui primordial.
Je serais d'avis de vendre des accessoires, chaussures et certains produits basiques (t shirt, jean).
La première raison est une question de cible. En effet, la clientèle luxe "online" serait plutôt jeune, et à mon avis le panier (de luxe ^^) moyen bien inférieur que celui en boutique.
La seconde est bien entendu l'user experience. La vente de robes, ou costumes par internet me semblent en décalage avec l'esprit d'une marque de luxe. Quant on voit le soin apporté ne serait-ce qu'aux sacs de courses (petits rubans, qualité de la matières), le fait de recevoir un costume en fedex me semble plus que disproportionner.
Il est important pour une marque de luxe de séparer son site d'image de marque et de communication, de celui de ventes.
Posted by: Olivier | May 22, 2007 at 07:22 AM
Merci les amis pour alimenter le débat. Bientôt, tout ce que j'aurias à faire sera de synthétiser vos commentaires ! Sérieusement, le Work in Progress sera achevé ce matin la dessus.
Posted by: Michel de Guilhermier | May 22, 2007 at 07:29 AM
Les grandes marques devront mettre énormément d'énergie à créer un univers unique sur Internet, comme elles ont su le faire dans leurs boutiques, pour que la toile soit un relais dynamique de leur image de marque et non une boutique en ligne comme il en existe déjà beaucoup...
Serait-ce l'avènement de la 3D, encore trop peu utilisée sur Internet ?
Je pense aussi qu'un savant dosage entre produits vendus en lignes, produits uniquement en boutiques pourrait créer un phénomène de rareté / exclusivité intéressant pour le consommateur.
Internet est à mon avis une occasion merveilleuse pour les grandes marques de communiquer sur leurs univers, avec des options multiples et bien supérieures à celles offertes avec une boutique physique.
Internet est et restera un complément au réseau physique mais il va pouvoir permettre d'étendre énormément l'univers du luxe dans son approche, dans son appréciation, en permettant la création de nouveaux services, de nouveaux produits dédiés à ce canal, avec des consommateurs qui participeront probablement au développement des marques...
Léo
Posted by: Léopold | June 01, 2007 at 09:07 AM
autre example intéressant :wesoldout.com . C'est un exemple concret de vente de produit de luxe streetwear (donc plutôt jeune urbain aisé) avec volontairement trés peu de quantité pour chaque produit (le nombre de produit restant est affiché, et cela dépasse rarement 5)et qui semble plutôt bien fonctionner.
Posted by: denis | June 01, 2007 at 10:57 AM
Pourquoi chez bebeo, cacharel est dans cat° luxe?
Posted by: J. | June 01, 2007 at 11:06 AM
Jean Louis, il faut leur demander !
Posted by: Michel de Guilhermier | June 01, 2007 at 12:44 PM
Je pensais que vous le saviez en tant que biz angel.
Posted by: J. | June 01, 2007 at 02:00 PM
C'était le passé....je ne suis plus dans bebeo
Posted by: Michel de Guilhermier | June 01, 2007 at 02:16 PM
Mais bon...Au moment où vous annonciez votre entrée chez bebeo, j'avais visité le site et remarqué la présence de cacharel dans la cat° luxe !
Posted by: J. | June 02, 2007 at 06:32 PM
Quel risque à utiliser le net de façon privilégiée pour créer/renforcer la gestion de la relation au client ? Ce média favorise en effet le développement d'une intelligence/expérience client pouvant mener à un traitement vraiment personnalisé (atout important pour les marques de luxe).
La gestion conjointe de la rareté et de l'expérience utilisateur dans une approche à tendance communautaire rapproche le client de la marque pourvu qu'il ait toujours l'impression d'un traitement de marque (je sais que tu sais).
Posted by: Sylvain | June 04, 2007 at 06:57 PM
Sylvain,
Excellement bien résumé ! Bravo ! Vous voulez pas venir travailler chez nous ?
Posted by: Michel de Guilhermier | June 05, 2007 at 11:03 AM
Michel tu devrai jetter un coup d'oeil à cette vidéo
http://www.thomasblard.com/thomasblard/2007/06/firstluxe_bruno.html
Posted by: Laurent Deséchalliers | June 15, 2007 at 02:03 PM