Même si on a un beau modèle, inédit et pertinent comme celui d'Inspirational Stores, le nerf de la guerre reste quand même l'argent ! Il en faut bien un peu, voire parfois beaucoup, pour se développer.
Mais pour Inspirational Stores, comparativement au Photoways des 2 1ères années (1999/2000), il y a une différence fondamentale : mes 2 associés principaux et moi avons maintenant largement la capacité à financer nous mêmes les premiers temps !
Et cela change tout. En tant que fondateur de Photoways, je possédais 100% du capital en octobre 1999. En juillet 2007, quand j'ai revendu mes dernières parts, il me restait moins de 10%. Tout cela parce que je m'étais fait beaucoup trop dilué durant les 1ers tours de 2000 et 2001. Non pas les tours post l'arrivée des 2 fonds anglo-saxons en 2005, mais bien durant les 1ers tours du début de Photoways.
Qu'on se fasse diluer quand on lève 10M€ par exemple, ou qu'on fusionne avec une autre société comme Photoways l'a fait avec PhotoBox, voila qui est normal vu l'importance des montants en jeu, mais entre 2000 et 2005 (avant l'arrivée de Highland et Index) Photoways n'avait pas vraiment levé énormément (2.5M€), mais je m'étais déja néanmoins fait considérablement dilué puisque je possédais moins de 20% du capital.
Pour être très clair et marquer les esprits, si j'avais financé moi-même ne serait-ce que la moitié des 2.5M€ qu'a levés Photoways entre 2000 et 2005, j'aurais in fine triplé mon % du capital, donc mon patrimoine Photoways.
Je ne peux bien sûr pas commenter sur la valorisation du dernier tour de Juillet 2007 (celui où Martin Genot et moi sommes sortis intégralement), mais quand on sait que Photoways a fait 30M€ de CA en 2006 et que Shutterfly, l'équivalent américain côté en Bourse, est valorisée plus de 4 fois son CA 2006, même en prenant une bonne décôte cela fait beaucoup d'argent...
En carricaturant, passer de 10 à 30% du capital d'une société qui vaut par exemple 100M€, ça fait quand même une sacrée différence.
La réalité est que ce sont les 1er tours qui sont finalement ceux avec le plus gros levier capitalistique. Les plus risqués, certes, mais néanmoins ceux avec le plus gros levier. Après, quand la société s'est déja bien développée, a prouvé son modèle, a des actifs et des réalisations bien concrètes, alors les levées se font dans des conditions de dilution bien plus favorables.
Il faut donc se faire le moins possible diluer durant ces 1ers tours et, sauf conditions exceptionnelles où un VC vous offre 10M€ pour moins de 20% du capital (soit une valo de 40M€ ou plus pre-money, ça s'est vu dans le web 2.0 - si ça nous arrive, je prends tout de suite et je dis merci !) la meilleure façon d'y arriver c'est d'une part de créer le maximum de valeur avec le moins possible de capital, et d'autre part de mettre et remettre soi-même au pôt ce qu'il faut.
- Créer le maximum de valeur avec le moins possible de capital, c'est être à la fois frugal et très focalisé sur ce qu'on sait créer de la valeur, 2 choses que nous avons su parfaitement faire avec Photoways dans les 1ères années (et pour la frugalité, l'ère américaine de Photoways fut trop courte pour me changer sur ce plan !).
- Enfin, mettre et remettre nous-mêmes au pôt s'il le faut, nous pouvons maintenant le faire aussi !
En conséquence, après réflexion, point de levée de fonds extérieure "monumentale" pour Inspirational Stores dans les 1er temps, nous restons d'une part focalisés sur l'exécution d'un game plan à 6-9 mois qui doit créer une énorme valeur, et d'autre part nous financerons nous-même en grande partie ce game plan, ce pour nous diluer le moins possible !
L'objectif est qu'à l'issue du 3ième tour VCs les actionnaires fondateurs possèdent encore plus de 60% d'un Inspirational Stores en forme olympique et au CA de plusieurs dizaines de millions d'euro.
Et avoir 60% du capital d'une société, c'est aussi avoir 60% sur la création de valeur, ce qui est beaucoup mieux que quelques % !
Ce simple fait aidera aussi à comprendre mon choix de quitter Photoways, ce en parallèle des raisons que j'ai déja expliquées (l'une d'entres elles étant que je suis avant tout un entrepreneur-investisseur qui affectionne particulièrement les phases de décollage où tout doit être inventé et mis en place, moins celles de vol*) : l'intérêt que j'avais capitalistiquement parlant à continuer à investir mon temps dans Photoways était simplement mécaniquement moindre que celui de recréer un nouveau projet dont je maîtriserais le capital.
Plus que l'argent d'ailleurs, le temps est la ressource la plus précieuse qu'un individu possède, il ne faut pas la gâcher. Surtout quand on dépasse la quarantaine d'ailleurs !
Et juste pour le fun et faire le lien avec mon autre bébé Photoways, ce serait alors très sympa qu'Inspiratrional Stores fasse en 2009 une IPO en même temps que Photoways !
Bon, ceci étant dit, je reste avant tout focalisé sur l'exécution des 9 prochains mois, on a de sacrés challenges devant nous, et c'est la qualité de cette exécution, et nos succès, qui conditionneront notre valorisation en 2008.
(*) Sans rentrer dans le détail, comme je préfère les phases de décollage aux phases de vol, je n'ai aucun drive pour faire des compromis ou entamer de longs débats en phase de vol, surtout quand mon levier capitalistique est faible dans un avion qui ne m'appartient plus (et je l'ai revendu en toute liberté et en toute connaissance de cause !). Vaut mieux alors prendre son parachute et sauter, et voguer vers de nouveaux challenges choisis !
assez fabuleux comme post ;)
ton blog devrait etre une lecture obligatoire a HEC, je regrette vraiment de pas t'avoir eu comme prof la bas !
Posted by: sebastien (ny) | August 18, 2007 at 03:58 AM
Allez Sébastien, dans 3 semaines je peux te donner des cours particuliers !
Posted by: Michel de Guilhermier | August 18, 2007 at 07:54 AM
Très intéressant ce billet. Je trouve d'ailleurs que cela à aussi une incidence sur les clients. En effet être client d'une entreprise gérée par des fonds ou d'une entreprise gérée par ses fondateurs ce n'est pas vraiment pareil à mon sens.
Je préfère largement être client d'une société contrôlée par ses fondateurs, car forcement la pérénnité de la société est meilleure en particulier sur l'innovation. On peut aussi aisement imaginer qu'un fondateur aura plus de respect de ses premiers clients et employés qu'il a embarqué dans l'aventure. Par exemple s'il s'agit de changer de business model afin (de peut-être) augmenter la rentabilité. Peut-être le fondateur se rappelera ce qu'ils disait à ses clients. Et pour les employés, il tiendra sûrement compte de ce qu'ils ont vécu dans l'histoire de la société. Je doute que les "propriétaires" investisseurs non impliqués dans la vie au jour le jour de la société fassent grand cas de tout cela.
Malheureusement dans le Web 2.0, il n'y a aucune transparence sur le sujet. On ne sait pas le niveau de contrôle que les fondateurs ont gardé. Finalement quand on choisit d'utiliser tel ou tel service, peut-être choisit t'on le meilleur produit du moment, mais en fait celui qui sera demain revendu à son concurrent et envoyé à la benne juste pour récuperer la base client. Alors que le produit concurrent, moins bien financé, reste la propriété de ses fondateurs et gardera son indépendance.
Personnelement j'aimerais avoir plus de transparence sur les startups technologiques.
Posted by: Ludovic Dubost | August 18, 2007 at 12:36 PM
En effet, il doit y avoir une corrélation, on est certainement plus customer-obsessed quand on est le fondateur, ce sont un peu "ses propres clients", plutôt qu'un manager mercenaire venu de l'extérieur.
Posted by: Michel de Guilhermier | August 18, 2007 at 12:55 PM
Well done Michel, dis-moi c'est en ligne qd Inspirational Stores ?
/olivier
"trace de panthère"
Posted by: /O | August 18, 2007 at 01:49 PM
Tout à fait d'accord avec ton post Michel, mais c'est un luxe que nous (toi encore plus que moi sans doute ;-) ) pouvons nous payer aujourd'hui mais qui était totalement inenvisageable en 1999 lorsque j'ai créé BlackOrange avec 12.000F empruntés à la banque un an après être sorti de l'école. Sans mes investisseurs de l'époque, qui nous avaient bien évidemment copieusement dilués, rien n'aurait été possible.
Chaque expérience entrepreneuriale doit nous permettre de financer la société suivante du mieux que nous pouvons, pour, à chaque fois, sortir avec le maximum de capital. Notre travail reste clairement notre meilleur accélérateur de valeur.
Dernier point : cela dépend aussi beaucoup du BFR de ton projet. Difficile aujourd'hui de lancer une compagnie aérienne avec moi de 10M€ en banque, au moins en France par exemple. C'est un peu différent du web 2.0
En tout cas, mes associés et moi avons clairement pris la même décision que toi pour le financement de Toofoot.fr Nous sommes également convaincu que ce sera un point positif dans notre dossier le moment venu d'avoir massivement investi à titre personnel : cela démontre notre conviction et notre engagement.
Posted by: Francis | August 19, 2007 at 10:32 PM
seb, je confirme, post epatant que j attendais depuis longtemps.
michel, tu viens prochainement nous voir?
Posted by: ilan a. | August 20, 2007 at 02:17 AM
Salut Ilan, oui, j'arrive très bientôt, début septembre.
Posted by: Michel de Guilhermier | August 20, 2007 at 07:25 AM
Merci Michel!!
Un vrai post comme on ne peut en trouver que sur les blogs de grande qualité! C’est pour cela qu’on lit celui-ci tous les jours.
Je suis cependant en accord avec Francis. Ne pas se faire diluer est un luxe. Bien nombreux sont ceux qui sont trop contents de faire entrer de nouveaux investisseurs. Ces levées de fonds sont en effet vitales pour un développement rapide des sociétés. Elles apportent de la valeur immédiatement car elles permettent de finaliser le produit, lancer la sociétés sur de plus grands marches et très souvent de passer un cap difficile en trésorerie (ce que les entrepreneurs oublient… Quelle était la situation de Photoways a cette époque ? Votre « cash is king » me laisse penser que…). Les VC et quelques bons business angels apportent du conseil et ouvrent certaines portes, mais ils sont aussi un sorte de label qui permet a la société de planifier son prochain tour de table ; celui qui comme vous l’avez décrit est moins dilutif pour les créateurs. La dilution est une sorte de levier a accepter dans les premiers phases. Mieux vaut avoir 10% de 100m€ que 100% de 3m€.
C’est a chacun de juger quel est son arbitrage entre plus de travail, moins de qualité de vie, plus de risque d’échouer, plus de temps nécessaire a la création de valeur, mais plus de contrôle sur le projet et plus de chance d’un développement rapide pour une part de création de valeur moindre. Chacun mettra le curseur en fonction du riptyque rendement / risque / capacite a accepter une perte de controle.
Les entrepreneurs 2.0 voire 3.0 sont, comme vous le décrivez, très bien places pour conserver au maximum leurs cartes en mains. Les 1.0 voire 0.0 préfèrent sans doute un peu de cash maintenant et moins par la suite.
Bon lancement a IS. J’ai hate d’etre client…
Posted by: Monsieur Glob | August 20, 2007 at 11:10 AM
Merci Monsieur glob !
D'abord, pourquoi aller vite ? Il faut surtout aller bien, sauf si la vitesse est un élément intrinsèque de création de valeur. Franchement, c'est rarement le cas, sauf dans les business "grégaires" où le client vient parce que justement il y a d'autres clients (ie sites de rencontre, site de ventes aux enchères, etc) et que ce fait lui apporte une vraie valeur tangible. Pour la plupart des autres sites e-commerce, cela n'est pas le cas. le client veut avant tout un produit de qualité et un service fiable, il se fout qu'il y ait 1000 autres consommateurs par jour.
C'est vrai, ne pas se faire diluer est un luxe. D'un autre côté, on ne fait pas de business sans capitaux, alors si l'entrepreneur ne les a pas, il faut bien qu'il se dilue !
"Mieux vaux avoir 10% de 100M€ que 100% de 3M€" : oui et non, c'est à chacun de voir s'il préfère jouer la croissance, qui passe par une dilution, ou le controle et l'autonomie. Il peut arriver des moments où tout ce qu'on veut c'est rester maître à bord et ne pas s'emmerder avec des VCs insupportables. C'est encore une fois à chacun de voir. Je ne mettrais pas de loi la dessus.
Attention à ne pas trop rêver sur les VCs et ce qu'ils apportent ! Ce sont des acteurs du financement avant tout, ils peuvent éventuellement être de bon conseil, mais l'histoire des années 99-2000 prouvent que ce n'est pas toujours le cas : eux aussi, et même surtout eux, ont totalement manqué de discernement. Relire ou réécouter les "10 lies of VCs" de Guy Kawasaki.
Avant tout, quand je choisis un VC maintenant, je fais attention non seulement à l'intuitu personnae mais au fait que nous sommes vraiment sur la même longueur d'onde et qu'il comprenne bien le nitty gritty de mon business. Rien de pire qu'un VC qui croit comprendre alors que sa compréhension est proportionnelle à la distance qu'il a du business...
Posted by: Michel de Guilhermier | August 20, 2007 at 11:41 AM
"ce qu'on veut c'est rester maître à bord et ne pas s'emmerder avec des VCs insupportables"
ha bon ? ça existe ???? ;-)
Posted by: Francis | August 20, 2007 at 12:59 PM
Il faut chercher, mais on en trouve cachés au fond de la France !! Si si !
Posted by: Michel de Guilhermier | August 20, 2007 at 01:12 PM