"Be greedy when others are fearful, be fearful when others are greedy" ! Citation bien pragmatique de Warren Buffet, revenant à dire qu'il faut investir à contre courant. Simple à dire, mais garder son sang froid, un esprit libre et critique en toutes occasions n'est pas chose aisée. L'investissement, c'est plus une affaire de "guts" que d'intelligence, même si avoir les 2 à la fois ne nuit certainement pas !
Apple, valeur spéculative et chargée d'affect s'il en est, s'est maintenant replié de 40% sur ses plus hauts (120$ environ pour un plus haut à 200$ en décembre dernier), des craintes s'élèvent sur les perspectives de l'iPhone, etc. On est clairement dans une situation "others are fearful" où ça vaut le coup d'investiguer pour voir s'il y a une belle opportunité ou pas.
Avant la présentation de l'iPhone en janvier 2007, Apple naviguait aux alentours de 80$ l'action, soit une capitalisation de l'ordre de 70Mds$. Après le repli récent, après être passé par une market cap de plus de 150Mds$, Apple vaut maintenant légèrement plus que 100Mds$, soit environ 50% et 30Mds$ de plus tout de même qu'en janvier 2007.
La question centrale est "que vaut le business iPhone" ?
J'ai donc concocté un petit modèle à partir des 6 hypothèses suivantes : volume vendu, average selling price, gross margin/unit, taux de souscription d'un abonnement "régulier", average monthly subscription fees, taux de commissionnement Apple sur l'abonnement.
L'idée est de prendre un maximum d'hypothèses conservatrices.
Volume vendu : je pars de 10M d'unités en 2008 (soit moins de 1% de parts de marché mondial) et monte à 30M en 2012 (ce qui fera moins de 2%) : l'iPhone n'est actuellement distribué que dans 4 pays (US, UK, Ger et France) et va progressivement s'implanter ailleurs. Personnellement, je pense que l'iPhone en 2012 peut faire 2 fois mieux que 30M, mais je préfère garder des limites basses pour les besoins de la démonstration. Il faut aussi se rappeler que le Président de Nokia, Olli-Pekka Kallasvuo, déclarait récemment qu'Apple était devenu "un concurrent très, très sérieux", ce qui en dit long sur le respect qu'a le constructeur finlandais et le potentiel d'Apple.
Average Selling Price : je commence à 300$ seulement net pour Apple, ce qui me paraît très conservateur. Aux US, le 8Go est vendu à 399$ et le 16Go à 499$. En France, le 8Go est vendu 490$ HT (399€ TTC, soit 590$ TTC). Je ne sais pas si Apple laisse une marge de distribution à ses opérateurs, qu'ils s'appellent ATT ou Orange, mais je suppose que oui. En prenant un ASP bas, je laisse ainsi de la marge à Apple pour baisser ses prix et sécuriser le volume ci-desssus. Par la suite, je fais aussi baisser l'ASP de façon assez significative.
Gross Margin : le prix des composants est assez balisé et les analystes sont arrivés à une marge brute de 55% pour l'iPhone. Je prends 50% flat au cours de la vie du modèle.
Taux de souscription d'un abonnement officiel : avec les logiciels actuels, avoir un iPhone desimlocké est un jeu d'enfant qui prend seulement quelques minutes. Je suppose que dans le futur, 1 iPhone sur 4 sera acheté en dehors d'un contrat, privant ainsi Apple du commissionnement sur celui-ci (mais gardant la marge hardware).
% Commission Apple sur l'abonnement : grosse inconnue, on parle de 20 à 30% pour les opérateurs. J'ai supposé 15% par conservatisme, ce qui laisse aussi à Apple de la marge de négo dans le futur pour sécuriser ses contrats. Elle risque d'en avoir besoin car le desimlockage simple rend peu attractif l'argument d'exclusivité qu'Apple monnayait auprès des opérateurs.
Average monthly subscription : j'ai supposé un coût abonnement mensuel moyen de 60$ (personnellement j'ai un forfait à 119€ soit presque 170$).
Avec ces hypothèses franchement conservatrices sur toute la ligne, comme le montre le tableau ci-dessous, le seul business iPhone devrait rapporter plus de 30Mds$ de contribution à Apple sur les 5 prochaines années, ce qui est un strict minimum. En remettant des hypothèses plus optimistes (ie 60M d'unités en 2012, un taux de commissionnement de 20%), j'arrive à près de 70Mds$ !
Actuellement, pour 100Md$, vous avez un Apple qui dispose d'une trésorerie de 20Mds$, n'a aucune dette et gagne 4Mds$ de profit net annuel. En clair, on paye 20 fois les résultats hors cash.
Et avec l'apport du business iPhone, entre 30 et disons 50Mds$ de contribution sur les 5 ans à venir, j'arrive à la conclusion que la société n'est pas chère et que le downside potentiel est très limité.
Bref, ma recommendation : à acheter ! Si je ne suis pas capable de prévoir la direction du cours de bourse dans les jours et les semaines à venir, je n'ai par contre aucune inquiétude sur le moyen terme. Un cours de 200 à 250$ sous 3 ans est plus que probable. On est clairement dans une situation où le downside est limité et l'upside très important.
On y pense d'ailleurs pas assez, mais c'est aussi ce qui a fait la fortune de Warren Buffet : il n'a pas besoin de faire du x20 sur ses acquisitions, car finalement il fait peu/pas d'erreurs. Il est régulièrement dans un contexte où le downside est limité et l'upside important (mais pas dément), ne serait-ce que parce qu'il sait très bien acheter, notamment "when others are fearful" !
Dans cette optique ne faut-il pas attendre que nos banques & monolines aient annoncé toutes leurs bonnes nouvelles ?
Posted by: pierreL | February 25, 2008 at 01:51 PM
On est pas obligé en effet de tout acheter tout de suite, on peut le faire progressivement sur quelques semaines ou quelques mois, histoire de diminuer encore les risques.
Posted by: Michel de Guilhermier | February 25, 2008 at 02:03 PM
Le seul élément "négatif" qui me vienne à l'esprit, dans l'optique d'un investissement à long terme, serait l'annonce du départ de Steve Jobs (même s'il n'a que 53 ans)
MrJobs a t-il déjà communiqué sur ce thème ?
Posted by: Frederic | February 25, 2008 at 02:37 PM
Un doute me saisit à la lecture des hypothèses, notamment sur le subscribtion rate et le cumulate... Est ce qu'il ne serait pas bon de prendre en compte les pertes potentiels d'abonnement en cours de vie (avec une moyenne de "déblocage" de contrat à 20/22mois)... Sans constituer une hémorragie, ça peut constituer, à mon humble avis, une perte de 25pts sur les subscription (net) d'ici à 2009/2010...
Ensuite, si je suis (à part le détail précédent) assez OK avec la démonstration en contrib de CA, l'entrée d'autres marché amenuisant l'effet de perte des subscriptions, je me demande quand même qu'elle est la contrib' global à l'EBIT de l'iPhone... Autant je pense que l'iPod (pour ne parler que de lui) semble une vache à lait, autant je m'interroge sur le positionnement de l'iPhone à ce niveau...
Et puis, si on veut voir à 5 ans, Quid du portefeuille de produit qui n'apparait pas plus perenne que ça à aujourd'hui... Quoique avec Steve Jobs, ça n'est pas forcément une inquiétude...
Posted by: Obiwan | February 25, 2008 at 02:43 PM
Oui, j'aurais pu en effet mettre un "churn", histoire d'être encore plus conservateur...
Maintenant, l'abonnement iPhone offre Internet ILLIMITE, et ça c'est important. Mettre dans un iPhone une puce d'un abonnement internet non illimité issu d'un autre opérateur, c'est risqué de devoir payer beaucoup plus chaque mois (quand les data sont facturées au volume).
En ce qui me concerne, mes 119€ TTC d'abonnement avec 10h+10h+ internet illimité me semblent very good value. POurquoi alors changer ?
Si je comprends qu'on souhaite utiliser son iPhone avec son opérateur actuel, j'ai plus de mal à voir le changement pour un autre opérateur au bout de 2 ans.
En parallèle du downside du churn que tu cites, il y a aussi des upsides que je n'ai pas non plus pris en compte : l'upgrade des utilisateurs actuels qui, au cours des 5 ans, pourront acheter plusieurs iPhones histoire de suivre l'évolution de l'appareil.
Posted by: Michel de Guilhermier | February 25, 2008 at 02:50 PM
Sinon, en ce qui concerne les lignes de produits, je suppose qu'on peut dire la même choses de toutes les firmes technologiques de hardware...Si elles n'innovent pas régulièrement, elles sont mal.
Apple a amplement prouvé qu'elle savait innover mieux que quiconque.
Maintenant, en effet, si Steve Jobs casse sa pipe, il y a un risque de voir un Apple moins performant.
Posted by: Michel de Guilhermier | February 25, 2008 at 02:56 PM
ca serait interessant de voir la part de l'iphone ds l'EBIT d'APPLE aujourd'hui, ou au moins l'EBIT margin (EBIT iphone/ Sales iphone), et d'appliquer ceci a tes projections (pour avoir plus que seulement une gross margin, il faut qu'on sache combien ils depensent en marketing et capex juste pr l'iphone). Clairement l'iphone est un nouveau business au sein d'Apple, et il parait mal valorisé.
Posted by: sebastien (ny) | February 25, 2008 at 03:22 PM
Très belle analyse. Ca me conforte dans mon pari fait il y a 2 semaines: Apple va-t-il m'offir mon Apple (voir le post ici)
Bon pour le moment c'est pas gagné, j'ai acheté à 122.08$
Posted by: Patrice | February 25, 2008 at 03:22 PM
Justement, je pense que ce "Churn" est sous évalué: le forfait internet, trés rémunérateur, avec la démocratisation de hot spot wifi officiel ou officieux, devient de moins en moins une évidence à mon sens... Maintenant, c'est clair que le potentiel démographique occidental et le renouvellement produit (si tant est que les évo pdts soient cohérentes et apporte une réelle plus value) laisse de vraies marges de progression...
Mais comme je le disais dans mon précédent commentaire, et comme le re-di trés justement sebastien, quid de la contribution réelle à l'EBIT de ce joujou... C'est la seule vraie question qui me fait douter sur un potentiel à 250$... Je serais plus partisan du 175$ (à la louche) sans autre produit ou sources de revenus majeures dans les 2 ans...
Mais ça reste toujours une trés bonne démonstration!
Posted by: Obiwan | February 25, 2008 at 03:48 PM
Bonjour
Trés bullish sur Apple , en particulier sur la pénétration des macs,par contre , il serait probablement plus prudent de prendre un taux d'activation de 50% aujourd'hui (compte tenu du nombre d'iphones qui arrivent en Chine , ou au moyen Orient.
ensuite , ce taux d'activation beaucoup plus faible qu'attendu risque de mettre en cause le business model de l'Iphone envers les operateurs telco... cf China Mobile.
Afin d'évaluer le risque maxi, il ne serait pas inintéressant d'evaluer le business Iphone sans les fees operateurs .
Cdt
Posted by: valery | February 25, 2008 at 03:55 PM
Je ne crois pas que ça remette en cause, mais par contre oui, ça affecte la négo !! Ce pourquoi je n'ai pris que 15% de fees et pas les 20 à 30% dont on parle.
Posted by: Michel de Guilhermier | February 25, 2008 at 03:58 PM
""Autant je pense que l'iPod (pour ne parler que de lui) semble une vache à lait, autant je m'interroge sur le positionnement de l'iPhone à ce niveau...""
Pour moi la réponse est oui , une autre vache à lait. Les téléphones ont une ergonomie et un design défaillants . On a pas réussi à copier l'iPod pourquoi réussirait-on avec l'iPhone ?
En plus j'y vois un réservoir d'applis utiles à toutes sortes de personnes .
Posted by: pierreL | February 26, 2008 at 12:56 AM
Si je reviens aux basics, je constate que l'iPhone est quand même, en terme de combinaison user friendliness/fonctionnalités très en avance sur la concurrence.
Bien évidemment, la concurrence, à commencer par Nokia, va répliquer, mais Apple ne va pas non plus rester les bras croisés et va améliorer son produit et, peut-être, élargir la gamme.
Bien que le N95 bénéficie de la distribution mondiale de Nokia, l'iPhone a égalé les ventes de ce dernier, bien qu'il ne soit réellement distribué que dans 4 pays.
Apple a de nombreux leviers devant elle :
- Elargissement de la diffusion à d'autres pays, à commencer bien sûr par le Japon, la Chine, l'Inde, etc...
- Améliorations constantes de la gamme : plus de mémoire, plus de fonctionnalités, etc.
- Baisse de prix.
Je ne connais pas beaucoup de produits dans la téléphonie mobiles qui en un peu plus de 6 mois de vie se soient écoulés à 4 ou 5 Millions d'exemplaires ! Dés le départ, le business model de l'iPhone "is about right", même s'il faut un peu de fine tuning en terme de pricing et de fonctionnalités.
On en est qu'au début de l'aventure, je n'ai aucun doute sur le potentiel de l'iPhone et la capacité d'Apple a en faire un business très rentable.
Posted by: Michel de Guilhermier | February 26, 2008 at 09:37 AM
AAPL monte, monte...
Merci Michel, c'était un excellent tuyau
Posted by: Fabrice BUZENET | May 05, 2008 at 04:43 PM