Maintenant que Erik-Marie Bion s'occupe, avec un grand brio, de l'opérationnel d'Inspirational Stores en tant que CEO (Martin et moi gardons néanmoins quelques inputs en la matière, mais il faut avouer que le gros du boulot terrain c'est lui), je peux me focaliser avec plus de tranquilité sur les aspects stratégiques et le business development.
On entend souvent "it's all about execution", chose sur laquelle je ne suis pas totalement d'accord ! Exécuter parfaitement dans la mauvaise direction n'est pas spécialement intelligent ! Il faut une exécution parfaite d'une stratégie judicieuse.
In fine, la stratégie c'est l'art d'allouer ses ressources...
C'est un cas bien concret de ce que j'ai déja évoqué ici plusieurs fois : le point le plus important pour une société est de s'assurer un avantage concurrentiel pérenne dans un segment donné, et la bonne stratégie payante, c'est d'allouer ses ressources vers ce qui crée et renforce l'avantage concurrentiel.
C'est l'analyse que je mène actuellement pour Inspirational Stores. Il nous faut positionner la société vers un segment spécifique de clients et, dans ce segment, tout simplement se débrouiller pour être les meilleurs. Le reste n'est que distraction, perte de focus.
S'il n'y a pas de recette universelle du succès, la recette de l'échec est simple : essayer de faire plaisir et de servir tout le monde ! Cela n'est tout simplement pas possible.
La démarche est la suivante :
- Identifier et comprendre finement l'ensemble des critères d'achat, des besoins et des problématiques des clients (qu'ils soient B2B ou B2C).
- Déterminer en conséquence des segments homogènes de clientèle, ceux qui ont des types de besoin et des critères d'achat homogènes.
- Choisir un segment de focalisation (ou plusieurs, mais pas tous et surtout pas tout à la fois).
- Construire une offre attractive pour ce segment donné, une offre qui répond à la problématique et satisfait parfaitement les critères d'achat de ce segment.
- Enfin, et surtout, travailler constamment à renforcer l'attractivité différençiante de cette offre par des investissements judicieux, qu'ils soient en ressources humaines, en équipement, en process, etc. L'avantage concurrentiel vient de là : être celui qui répond le mieux, et de loin, à un certain type de besoins.
Pour parler plus clairement, il faut se poser des questions comme :
- "Qu'est ce que veut vraiment mon client ?"
- "De quoi a t-il vraiment besoin ?"
- "Qu'est ce qui crée vraiment de la valeur pour lui ?"
Une fois que cela est parfaitement et finement identifié, il faut alors se demander :
- "Qu'est-ce que je dois offrir comme produits ou service qui va me rendre incontournable pour ce segment donné ?"
Et finir par :
- "Comment dois-je m'organiser en interne, qui dois-je recruter, quels process dois-je mettre en place, quelles compétences dois-je acquérir, à quels investissements dois-je procéder" pour justement être à même, et mieux que quiconque, d'offrir les produits et services requis pour le segment donné.
En se positionnant et en s'organisant comme l'entreprise qui apporte la meilleure réponse possible à un besoin client, créant donc de la valeur pour ce dernier, et qui pour se faire développe et renforce des process difficilement réplicables, on a à peu près aucune chance de se planter conceptuellement (reste alors bien entendu l'exécution) !
Pour moi, la valeur fondamentale d'une société provient avant tout de ses avantages concurrentiels pérennes. Et ceux là, il faut les construire patiemment en étant totalement focalisé la dessus. Il ne faut penser qu'à ça, construire et renforcer ses avantages concurrentiels, se construire ainsi une "moat" pour reprendre un langage buffettien !
Comme toujours, on s'aperçoit que tout commence par une compréhension fine des besoins de la clientèle.
Comme chez Photoways, au lieu de perdre du temps à regarder les concurrents directs ou indirects d'Inspirational Stores (il y en a un certain nombre, dont les pseudos "leaders" d'une catégorie qu'ils s'inventent, on est toujours leader de quelque chose !), chercher à savoir ce qu'ils font, il est bien plus important que je me focalise sur mes clients potentiels et que je me demande de quoi ils ont vraiment besoin et ce qui crée/créera de la valeur pour eux.
Il y a une chose qui me sidèrera toujours, c'est l'incapacité de nombreuses sociétés à expliciter clairement les besoins profonds de leurs clients, au dela de banalités et d'évidences ! La raison en est simple : elles ne les écoutent pas, elles ne les comprennent pas...
Finalement le business qu'elles font est issu de l'opportunité, de la chance, d'un concours de circonstances, etc, mais peut être balayé par un nouvel acteur entrant qui aura développé une offre percutante pour des besoins que lui aura parfaitement compris et identifiés.
Dans mon métier (le recrutement), cette notion d’avantage concurrentiel est un sujet sur lequel je me suis déjà pas mal creusé la tête.
Je viens d’un univers de prestation marketing ou les solutions que je proposais étaient uniques et efficaces (le rêve…). Notre avantage était donc évident, et notre préoccupation était donc de ne pas lasser nos clients industriels avec nos réponses parfois trop « uniques ».
Aujourd’hui, et en la présence de plusieurs milliers de cabinets de recrutement à Paris et en France, la question est différente pour moi : comment me différencier, quelle valeur ajoutée dois je / puis je apporter ? L’une des réponses réside sûrement dans l’offre de service complémentaire à notre métier de base (formation, évaluation ou encore exploitation des nouvelles technologies), mais avec la nécessité de faire évoluer le business model et d’affecter la rentabilité. Confronté à un décisionnaire peu flexible, la tâche est rude, et je l’ai donc abandonnée…pour le moment.
La réponse que j’ai donc privilégiée à ce jour est que « JE » suis mon propre avantage concurrentiel (avantage qui dort en chacun de nous mais qui n’est pas toujours exploité). Mon métier de « service » me le permet évidemment.
Ma façon de travailler est donc la suivante : considérer mes clients ET mes candidats (ma matière première) de la même manière. Faire en sorte d’avoir la même exigence pour les deux. Faire en sorte d’être aussi disponible pour les deux. Faire en sorte de les écouter, les challenger de la même manière. L’un n’allant pas sans l’autre, pourquoi être uniquement « orienté client » ?
Partant du principe que mes candidats d’aujourd’hui sont mes clients de demain, cette approche est nécessairement gagnante.
Cela se résume par une grande facilité à me joindre (téléphone + mail), contrairement à la majorité des recruteurs. Cela se résume par un positionnement d’hyper spécialiste (type de fonction et secteur) pour être le plus légitime. Cela se résume également par une approche très pro-active des candidats (je les rencontre, le temps nécessaire, pour comprendre leurs recherches et cibler leurs attentes, sans forcément un poste pour eux aujourd’hui). C’est simple mais pour autant peu répandu (aux dires des candidats que je suis régulièrement). Cela nécessite une grande organisation et une forte concentration dans les rares moments de calme…
Après quelques mois / années, les candidats sont devenus « décisionnaires » et gardent en mémoire la qualité du suivi et me contacte. Le bouche à oreille faisant également le reste du boulot…
Posted by: Guillaume | May 30, 2008 at 02:06 PM
Je trouve que c'est une question extrêmement complexe lorsque l'on est distributeur, que l'on conçoit pas de produits, ce qui n'est pas tout à fait votre cas, puisque le site web est en quelque sorte un produit. Mais comment se différencier d'un conccurent qui vendrai les mêmes produits ? Les prix : le plus facile, mais evidemment le moins rentable si on achète au même prix que ses concurrents. Le service : oui, c'est une piste, mais hormis le conseil, un service client à la hauteur, et la célèbre livraison gants blancs je ne vois pas trop.
Quels sont pour vous les criètres différenciants d'un distributeur Internet ?
Posted by: Marie | May 30, 2008 at 02:34 PM
Guillaume, bien entendu, dans un métier de services fournis par des hommes (consulting divers et variés, avocats), c'est bien la qualité des hommes qui est en effet une bonne partie de l'avantage concurrentiel pour des clients "locaux".
Certains clients internationaux préférant cependant dealer avec des cabinets internationaux
Posted by: Michel de Guilhermier | May 30, 2008 at 02:38 PM
Marie, soyons clair, il y a des métiers où il est difficile d'avoir des avantages différenciant pérennes, la distribution en est un.
Le prix est un avantage concurrentiel, mais pour l'avoir il faut acheter bcp moins cher car on est bien plus gros et/ou avoir un structure de couts fixes particulièrement légère, de façon à pouvoir fonctionner avec des marges très réduites (cas d'une certaine Mrs B, voir ma note dessus).
Posted by: Michel de Guilhermier | May 30, 2008 at 02:42 PM
Merci de ce rappel sur les bases du marketing, cela fait toujours du bien de rappeler que le plus important est bien le client qui est dans sa cible.
On a toujours tendance à regarder ce que fond les autres, même si l'on cherche toujours à ce différencier, de temps en temps on se pose des questions quand on part dans une direction totalement opposé à la concurrence. Mais je suis persuadé qu'il faut garder le cap, tant qu'on écoute toujours ses clients.
Posted by: Olivier 42stores | May 30, 2008 at 03:44 PM
100% d'accord !
Posted by: Michel de Guilhermier | May 30, 2008 at 03:45 PM
1000000 % d'accord ! J'adore. J'ai imprimé ce post et affiché au mur au bureau !! C'est tellement vrai. La partie qui contient toutes les questions à se poser est un régal!
PS: je trackback sur mon blog !
Posted by: blog ecommerce | May 30, 2008 at 07:06 PM
Merci Olivier ! De la part du gourou du marketing online tel que décrit par Femina, je suis aussi flatté ;-)
Posted by: Michel de Guilhermier | May 30, 2008 at 07:26 PM
Le challenge je trouve, c'est justement de trouver les moyens de répondre pertinemment à ces questions.
Bien sûr il y a les sondages, les interviews (formelles ou non)...
Mais finalement, est-ce que l'avantage concurrentiel n'est pas encore meilleur lorsque l'on anticipe un besoin du client, avant que celui-ci n'ai pu le concevoir?
La solution se trouve peut-être dans l'empathie ou l'intuition?
On prend alors le risque d'être à côté de la plaque, ou de ne répondre qu'à une micro-cible.
Pas facile tout ça...
Posted by: Jean | May 30, 2008 at 08:16 PM
Effectivement, bien gérer une entreprise c'est savoir construire une cible, une stratégie pour y aller au plus vite et au quotidien, allouer ses ressources pour atteindre cette cible.
Je pense (tout comme Marie) que dans la distribution, c'est effectivement plus difficile. Le prix n'a jamais été un avantage concurrentiel durable. Il y a deux solutions pour les entreprises en distribution :
Produire (Zara, Ikea ...)ou être le meilleur (amazon par exemple). Le deuxième choix donne le leadership, le leadership amène les moyens financier de produire.
Un avantage concurrentiel pérenne n'est-il donc pas de faire son métier mieux que tous ses concurrents et de le faire percevoir ?
Autre remarque concernant la valeur créée pour les clients. Il faut la mesurer concrètement et pas seulement essayer de l'imaginer; je pense qu'il est facile de se tromper en pensant que l'on fait qqchose qui coute cher mais qui n'a aucune valeur. De même, on peut créer de la valeur parfois là où on ne l'attends pas et sans frais. La valeur perçue par le client est importante. Acquérir le savoir faire permettant de la mesurer est capital.
Posted by: Jerome | May 31, 2008 at 07:47 AM
Tout à fait d'accord globalement. Sauf sur l'aspect "avantage prix non durable en distribution". Il y ades contre exemples célèbres, ie Walmart et le fameux Nebraska Furtinture Mart, pour ne citer que ces 2 la
Posted by: Michel de Guilhermier | May 31, 2008 at 07:51 AM
Petite phrase de M. Henry Ford, qui corrobore le propos:
"Le secret du succès est la faculté de se mettre à la place de l'autre et de considérer les choses de son point de vue autant que du nôtre"
Posted by: Alain | May 31, 2008 at 04:01 PM
Pour la faire encore plus courte :
Je pense que l'EMPATHIE est la base de l'homme d'affaires visionnaire !
Il y a ceux qui ressentent ce que veulent les clients et les marchés, et les autres...
Posted by: Michel de Guilhermier | May 31, 2008 at 05:32 PM
Pour la faire encore plus courte :
Je pense que l'EMPATHIE est la base de l'homme d'affaires visionnaire !
Il y a ceux qui ressentent ce que veulent les clients et les marchés, et les autres...
Posted by: Michel de Guilhermier | May 31, 2008 at 05:33 PM
Même si je suis convaincu que l'empathie est l'une des qualités essentielles pour réussir dans la plupart des activités, j'en reviens un peu à ce que je disais quelques commentaires plus haut.
On peut se mettre à la place du consommateur, mais comment être certain que l'on va deviner sa motivation profonde. Les motivations des gens sont loin d'être rationnelles.
La majorité ne va pas forcément choisir la solution la plus adaptée à son besoin si sa motivation va à l'encontre de celui-ci.
C'est notamment vrai dans le luxe. Parfois les gens vont choisir la qualité, mais d'autres fois ils vont choisir le futile, le Bling Bling.
Posted by: Jean | June 01, 2008 at 01:55 AM
Tout à fait d'accord avec vous.
C'est un exercice parfois compliqué surtout lorsque l'on se lance sur un marché de niche, très haut de gamme, sans grande concurrence et où il faut sentir la tendance car peu ou pas d'exemples sur le territoire national (c'est le cas pour moi).
Être intimement convaincu que l'idée est bonne est une chose mais quant à savoir si la conviction rejoindra le besoin du client... Il y a ceux qui foncent tête baissée et l'on se demande s'ils ont réfléchi 2 minutes avant de se lancer. Puis il y a ceux qui comme moi réfléchissent (certainement trop) car ils ne veulent surtout pas passer à côté des besoins du client.
En parlant d'avantage concurrentiel, c'est "drôle" de constater comment se comportent les établissements financiers (on appelle cela des banques il me semble) lorsqu'on leur montre un business plan présentant ces avantages concurrentiels réels. Cela leur fait peur dès que l'on sort des sentiers battus. Enfin, ça c'est pour les banquiers qui savent plus ou moins financer le e-commerce car ne parlons pas des autres... Il me semble que l'une des raisons au retard de la France en matière de e-business, c'est que pas mal d'entrepreneurs ont du mal à trouver comment financer leurs idées... Pour avoir vécu à Chicago, j'avais été agréablement surpris de voir comme il était beaucoup plus facile de trouver des oreilles attentives pour du cash.
Michel, j'espère que mon post n'a pas pris une tournure trop hors sujet
Posted by: Didier | June 02, 2008 at 12:38 AM
Très franchement, non, l'exercice n'est pas si difficile que ça. Je l'ai fait et l'ai surtout appris à mes consultants pendant des années chez Burlington : il suffit d'aller voir les clients et de leur poser d'abord deux questions simples :
- Quels sont leurs critères de choix
- Quelle est l'importance de chaque critère
Partant de là, on approfondit...
Par un bon dialogue avec les clients ou les prospects du marché, on comprend parfaitement ce qui crée de la valeur et ce qu'on peut proposer qui rencontrera une demande.
Cette démarche de se tourner vers les clients/prospects pour valider un concept ou une offre est fondamentale, bien trop peu de gens l'appliquent.
Posted by: Michel de Guilhermier | June 02, 2008 at 07:06 AM