Je prenais hier un pot avec un ami, fondateur d'un site e-commerce important, qui connaît un beau succès...
Des centaines de commandes par jour, des clients satisfaits qui reviennent (un bon repeat quoi !), un coût d'acquisition des nouveaux clients sous contrôle, une marge brute étroitement surveillée, bref, un travail de qualité. L'ami est jeune, mais il a bien les pieds sur terre, il a aussi su intelligemment s'entourer.
Néanmoins, le gros problème qu'il identifie est qu'il a un concurrent frontal, qui ne lui fait aucun cadeau, qui a levé et veut encore lever beaucoup d'argent, et il m'avoue simplement que cette course au leadership l'use.
Il voudrait bien que cela s'arrête, il s'imagine alors lui aussi lever beaucoup, s'imposer plus vite, plus fort, partout en Europe, distancer son concurrent direct et ainsi souffler un peu...
Etre le leader est pour lui important, et il pense aussi que pour les consommateurs, cela a aussi son importance.
J'ai connu cela aussi, dans une ancienne vie, un concurrent de Photoways qui dès décembre 2004 se clâmait prétendument "leader" alors qu'il était à l'époque très loin derrière. Moi j'étais clairement le vrai leader, et je voulais le rester, à tout prix, notamment celui faire rentrer de façon majoritaire 2 gros fonds d'investissement qui sont venus spontanément frappés à ma porte - Highland Capital et Index Ventures - et donc de facto de revendre Photoways.
Que les capitaux d'Highland Capital et d'Index Ventures aient aidé Photoways à renforcer son leadership européen est une évidence, mais comme me le conseillait à l'époque - judicieusement - Christophe Chausson, d'autres solutions auraient été plus avantageuses pour moi patrimonialement parlant. Non pas que je ne sois pas content du deal Highland/Index de 2005 (et encore plus du deal HarbourVest de 2007), mais j'aurais pu faire certainement encore bien plus financièrement (à commencer par avoir la liberté d'accepter l'offre de VistaPrint en novembre 2005, 2 fois plus intéressante encore).
Attention l'ami, crois en mon expérience, il y a un grand danger à mélanger ego et business. Garde ta raison et ton bon sens ! C'est bien de dire qu'on a un gros kiki, mais c'est encore mieux d'avoir un kiki qui a de la valeur !
Les quelques seules vraies bonnes questions que tu dois te poser sont :
- Est-ce que le fait d'accélérer ton développement, de prendre des risques en allant mettre rapidement ton business en Europe va vraiment renforcer ton avantage concurrentiel ? J'ai cru comprendre que ce ne serait pas le cas, alors tu as une partie de la réponse. Dépenser des sous dans ce qui ne crée pas de valeur n'apporte mécaniquement pas un bon retour sur investissement.
- Et as tu pris en compte l'énorme travail supplémentaire et la prise de risque que demande l'expansion européenne ? Ventesprivees.com y va, certes, mais n'oublie pas qu'ils font 1/2 Milliard d'euro de CA en France et bénéficient d'une superbe rentabilité. Ils peuvent se permettre de s'aventurer à l'étranger...
- Est-ce que le marché français est saturé et tu y as fait le plein de CA ? Evidemment que non, je n'en dirais pas plus pour ne pas te trahir, mais tu sais que tu es encore largement en phase d'évangélisation !
- Crois-tu vraiment que les clients vont aller chez toi, ou chez ton concurrent, parce que vous vous dites "leader européen" ? J'en doute énormément. Les clients viendront avant tout chez toi parce que tu leur offres un bon merchandising, parce que tu les rassures, parce qu'ils ou leurs amis ont été très content de ton service, parce que tu fais aussi un bon marketing d'acquisition localement.
Concentres toi sur tes clients, écoutes les et assures toi essentiellement de leur fournir ce qu'ils veulent et de leur satisfaction. C'est ça qui assurera ta pérennité et ta rentabilité.
Ne joue pas ce jeu de celui qui a le plus gros kiki, concentres toi sur le fait d'avoir un très beau kiki ! Un kiki rentable, un kiki qui assure aux actionnaires un excellent retour sur investissement, un kiki qui t'assure toi un beau patrimoine.
Si ton concurrent se lance dans une coûteuse expansion européenne qui ne renforce aucunement sa position concurrentielle (ie au niveau des achats), ce ne peut pas être une stratégie industrielle gagnante. Laisse le faire ses erreurs, dépenser des fortunes, et poursuis toi ta une vraie stratégie de création de valeur.
Maintenant, il pourra éventuellement avoir de la chance qu'un andouille du monde physique le rachète pour la taille de son kiki, ie part de marché en volume qu'il représente - ça s'est vu - mais c'est un scénario risqué et il ne marche que si on représente quelques centaines de millions d'euro de CA.
Je pense en particulier à un gros e-commerçant français, présent dans toute l'Europe, qui s'est fait racheté par un acteur étranger. Il a eu beaucoup de chance, car il avait certainement un avenir terne sans ce rachat providentiel.
Alors l'ami pour résumer, sois simplement focalisé sur 3 choses :
- Tes clients, et comment les satisfaire le mieux possible
- Ton avantage concurrentiel, et comment l'embellir jour après jour
- Ton retour sur investissement, et comment le maximiser
SI tes clients sont heureux, si tu disposes d'un vrai avantage concurrentiel sur les autres, et si tes actionnaires sont heureux avec un bon retour sur investissement, tu ne peux simplement pas te tromper !
Créer une belle société est rarement une affaire de sprint (ça peut arriver quand il y a une vraie prime au 1er entrant), c'est beaucoup plus souvent un vrai marathon, et ce n'est pas être le plus rapide qui compte, mais être tout simplement le meilleur !
C'est tellement vrai... Est ce simple a mettre en application? A t on forcement des avantages concurrentiels?
Posted by: iLan | June 18, 2008 at 11:21 PM
C'est clair qu'il faut au moins être fort dans son propre pays pour commencer à "Z'yeuter" les pays voisins.
Après, développer le business dans de nouveaux pays peut se faire à l'économe si on trouve de bons partenaires locaux pour distribuer à sa place (un peut comme une franchise en somme)...
Posted by: Dylan GOUBIN | June 19, 2008 at 03:05 AM
Salut Ilan,
L'idée est bel et bien d'acquérir un avantage concurrentiel, fort et pérenne, mais si ce n'est absolument pas possible, et ça peut être le cas, alors les marges s'en ressentiront...
A demain !
Posted by: Michel de Guilhermier | June 19, 2008 at 07:03 AM
Puisqu'il est question de kiki et pour étayer ton analyse, permets-moi de citer, et par la même de rendre hommage, à un grand penseur de notre siècle, trop tôt disparu:
Papayou, papayou, papayou, papayou lélé
J'ai le plus beau des papayou lélé
Qu'on ait vu depuis des années
Papayou, papayou, papayou, papayou lélé
Ma mère me disait faut pas le montrer
Ça f'rait des jaloux dans le quartier
Ça f'rait pleins de jaloux qui n'en n'ont pas du tout
Ça f'rait pleins d'envieux qui n'en ont pas chez eux
Ça f'rait pleins de méchants qu'en ont pas de si grands
Il faut pas le montrer du tout !
Posted by: Raf | June 19, 2008 at 10:04 AM
Bien vu ce post, toujours aussi pertinent. Je me retrouve complètement dans cette démarche (à moindre niveau, une agence de voyage ne reçoit pas des 10zaines de demandes par jour après juste 5 mois d'existence...).
Je retiens ce qui fait effectivement la "vraie" valeur d'une entreprise : ses clients. Et par là même, ce que chaque entrepreneur doit faire pour normalement pérenniser sa société et se développer au besoin: choyer ses clients, en terme de qualité de produits, de services, d'écoute et donc de satisfaction.
Un client ne vient pas chez vous parce que vous êtes le plus gros ou le "meilleur" mais parce qu'il y trouve ce qu'il veut et qu'il se sent écouté.
C'est souvent plus facile de céder aux sirènes du "business rapide" mais qui va piano va sano (à moins d'être très chanceux), on ne construit pas quelque chose de durable sur du sable...
A+
Olivier.
Posted by: Oliv' | June 19, 2008 at 10:55 AM
En effet :)
A demain Michel, on t'attend avec un beau soleil a priori!
Posted by: iLan | June 19, 2008 at 04:19 PM
le kiki à denis?
Posted by: vincent | June 19, 2008 at 04:41 PM
Un andouille qui a perdu une grande partie de sa capitalisation en un an, tandis que sur la meme periode Amazon gagne presque 20% ?
Posted by: Daniel | June 19, 2008 at 05:40 PM
Vincent, Daniel, si j'ai pas mis de noms...
D'ailleurs Daniel, j'ai cru comprendre que tu avais passé un coup de téléphone à une personne que tu pensais être l'ami concerné !!!
Small world
Posted by: Michel de Guilhermier | June 19, 2008 at 09:48 PM
26 à 29° à NYC dans les jours à venir, c'est l'été visiblement ! Top !
Posted by: Michel de Guilhermier | June 19, 2008 at 09:49 PM
oui mais il pleut systematiquement en fin de journee tellement il fait moite et humide !
Posted by: sebastien(ny) | June 20, 2008 at 04:02 AM
C'est bon une douche tropicale !
Posted by: Michel de Guilhermier | June 20, 2008 at 06:15 AM
Hello - très bon blog :) ; par contre j'ai du aller chercher la xml dans le source de la page et même avec ça je n'ai pas réussi à abonner mon agrégateur...
Posted by: Simon | June 21, 2008 at 01:19 AM
Bonjour,
Excellent post, avec un brin d'humour résolument efficace, bon esprit, contenu très pertinent.
Je mentionne au passage quelques typos:
ça c'est vu --> ça s'est vu
un andouille --> une andouille
milliard d'euro --> milliard d'euros
Je pense en particulier a un gros (commerçant, rassurez-vous) --> à un gros
Bonne continuation, au plaisir de vous lire, je m'abonne au RSS tout de suite ;)
Posted by: Youcef Banouni | June 21, 2008 at 10:56 AM
Merci Youcef pour les 2 1ères typos, corrigées maintenant.
Par contre, euro ne prend jamais d'S !
Posted by: Michel de Guilhermier | June 21, 2008 at 11:00 AM
il doit y avoir une exception pour la France...
http://www.culture.gouv.fr/culture/dglf/terminologie/euro_octobre_2001.htm
Posted by: nicolas | June 22, 2008 at 12:10 AM