Ulrich Bez, brillant CEO d'Aston Martin depuis 8 ans maintenant, illustre parfaitement ma conviction :
"Le plus important pour une marque, c'est de contrôler son image, tout le reste peut se sous-traiter".
Jusqu'à il y a encore peu de temps, en effet, même une bonne partie du design de la marque était sous traité (ce n'est plus le cas depuis décembre dernier, elle s'est équipée d'un nouveau studio de design ultra-moderne).
Aujourd'hui, la marque va sous-traiter une partie de sa production (la Rapide sera produite en Autriche) et, surtout, comme de nombreuses autres marques automobiles de luxe, sa distribution est intégralement confiée à des distributeurs indépendants, soumis à des contrats stricts (le look & feel des concessions est notamment sérieusement encadré).
En fait, je suis intimement convaincu qu'une marque doit avant tout se focaliser sur 2 piliers : la gestion de son image et l'innovation produits. Une marque se doit avant tout de faire rêver en peaufinant son image et en sortant régulièrement de nouveaux produits de grande qualité attractifs.
La gestion de l'image, le marketing et la création de nouveaux produits sont des activités à cycle long, soumis à des economics majoritairement variables, avec un focus qui n'est pas la gestion des coûts mais la création de valeur consommateur, et tout cela est radicalement différent du retail.
Celui-ci, en effet, a les caractéristiques suivantes :
- C'est de l'hyper quotidien, à chaque jour son lot de problèmes, de changements, qu'il faut gérer de façon hyper réactive sinon le chiffre diminue. On est sur la brèche tous les jours, car le chiffre se gagne tous les jours, voire toutes les heures.
- C'est à très forte intensité humaine, avec tout les problèmes de gestion du personnel qui vont avec. Un employé absent pour x ou y raison, et l'impact est immédiat.
- Les coûts fixes sont lourds, c'est un secteur assez capital-intensive, et une baisse d'activité ne peut pas être compensée de façon immédiate par une baisse proportionnelle des coûts, aussi l'impact sur le résultat final sera plus durement ressenti. Un réseau de distribution, ce sont des baux, des loyers fixes et du personnel en grande partie fixe, ie x employés par magasin.
- Retail is detail, ce qui est vrai aussi pour les coûts d'exploitation, les marges brutes étant ce qu'elles sont, on doit traquer chaque centime. Allez demander à un directeur marketing qui gère des budgets de dizaines de millions d'Euro de gagner quelques centimes...
Ainsi, aussi bien dans sa nature, sa gestion des priorités, son focus que ses economics, le retail est aux antipodes des problématiques liées à la gestion d'un image de marque ou de l'innovation produits.
(Part II)
C'est un bonheur de te lire, c'est toujours aussi pertinent et intéressant.
Posted by: Romain | June 07, 2008 at 11:20 PM
Je suis étonné que tu oublies la qualité et la satisfaction client. Je croyais que cela était important pour toi ? C'est pour moi le troisième pilier. Troisième parce qu'il ne se déduit d'aucun des deux autres (ceux que tu cites), donc il en est indépendant, mais premier en réalité parce que certainement le plus important.
En effet, pour une marque de luxe, ce qui incite à l'achat c'est surtout la garantie d'une qualité et d'un petit supplément d'âme que l'on peut choisir de rémunérer (en fonction de ses moyens et de ses priorités) ou encore de mépriser, soit de reconnaître mais de passer outre.
Et ce petit supplément d'âme, on a besoin de le ressentir intellectuellement, comme par exemple chez Baccarat en pensant au compagnon qui a besoin de plus de dix ans de formation pour devenir maître souffleur de verre. Je pense que le jour où Baccarat sous-traitera sa fabrication en Chine ou ailleurs, ça sera la fin, même si la majorité de ce qui sort de la manufacture n'est déjà plus artisanal mais industriel, mais toutefois encore fabriqué sur place sous le contrôle des maîtres.
Posted by: Philippe Citti | June 08, 2008 at 01:53 AM
Philippe,
La qualité est totalement induite dans le chapitre "innovation produits" : il est évident que le but d'une marque n'est pas de sortir des produits de mauvaise qualité !
Quant à la satisfaction client, c'est un objectif transversal que toute entreprise digne de ce nom doit avoir et n'est pas caractéristique d'une marque haut de gamme.
Et, en effet, avoir des clients heureux est bien le 1er des objectifs d'une marque. Mais je le vois comme résultante de tout un travail et d'autres caractéristiques.
Posted by: Michel de Guilhermier | June 08, 2008 at 07:15 AM