Voila un bon petit post fondamental sur l'e-commerce...
D'après les études, ie Forrester, l'e-commerce représentera demain, en moyenne, environ une dizaine de % du retail global. Ce tous secteurs confondus, mais on enlève l'alimentaire et la voiture, on montera à 20% environ.
On pourrait alors imaginer, par translation simple, qu'une marque qui fait actuellement tant de M€ de CA, pourrait d'ici quelques années faire 10% de ce total via le web. Ou tout autre % s'appliquant plus précisément au secteur considéré : les jeux videos feront ainsi bien plus que l'alimentaire via le web, les % indiqués par Forrester sont respectivement de 30% et 3%.
Règle a priori simple, mais fondamentalement fausse et surtout totalement misleading et nous pensons chez Inspirational Stores qu'il faut penser d'une toute autre manière, bien plus pragmatique.
Voila ci-dessous le framework d'analyse, par forcément très illustré ni précis, volontairement...
Dans le monde physique, il y a des canaux de distribution différents : les GMS, les GSS, la distribution exclusive, les hard discounters, les magasins de proximités, les magasins dit d'usine, etc. La réalité est que les parts de marché des marques divergent grandement selon les canaux, de même que les parts de marché ne sont pas non plus uniformes selon les régions géographiques.
Plusieurs raisons simples à cela : les marques sont plus ou moins adaptées aux exigences opérationnelles de chacun des canaux, leurs produits sont plus ou moins adaptées aux demandes consommateurs de tel ou tel canal, elles ne peuvent pas toujours être présentes dans certains canaux (règlementation, channel conflicts, etc), et les marques ont également investi plus ou moins fortement pour leur place en linéaire de chaque canal.
En clair, la part de marché d'une marque dans un canal donné n'est ni mécanique ni forcément le reflet de sa part de marché globale. Elle va dépendre de ce que la marque consent à y investir, de son adéquation avec les exigences opérationnelles comme avec la demande consommateur particulière de ce canal, etc. Au final, pour être forte dans un canal, une marque doit en comprendre les paramètres, s'adapter et investir.
Et cela ne sera pas différent pour le canal e-commerce. Ce n'est pas parce qu'une marque est leader sur son secteur qu'elle sera aussi leader en e-commerce, ce n'est pas parce qu'elle fait 100M€ de CA au global qu'elle fera aussi 10M€ de CA en e-commerce (pour reprendre par exemple la proportion des 10%), etc.
J'ai en tête plusieurs exemples de marques qui font actuellement un peu plus de 1% de leur CA global sur Internet, ce alors que leur site e-commerce officiel a été ouvert depuis assez longtemps. Elles espèrent et nous demandent de monter à 10% au moins, hors ventes privées jouant sur l'effet prix, et là nous disons que c'est tout simplement impossible avec seulement une bonne exécution du déploiement internet.
L'e-commerce comporte ses spécificités propres et il appartiendra aux marques de les comprendre, de s'y adapter et d'y investir, et - dans la plupart des cas - ce n'est certainement pas en répliquant exactement ce que la marque fait dans ses autres canaux de distribution qu'elle va optimiser ses chances d'y réussir.
Dans cette course à la présence en e-commerce, nous pensons que les marques ne partent pas toutes avec les mêmes atouts ni le même potentiel. Leurs capacités d'adaptation et d'investissement sont loin d'être les mêmes, et la concurrence n'est pas non plus la même à chaque fois. Il y a aussi des secteurs intrinsèquement extrêmement compliqués en e-commerce, et d'autres un peu plus propices à une progression rapide.
Sur le temps, la consommation globale augmente dans nos pays de quelques petits % en moyenne chaque année. Si l'e-commerce a de représenter 20% du retail au total hors alimentaire et automobile, ce qui est une part importante, il va forcément la prendre sur d'autres canaux. Comme les marques ne réussiront pas de la même façon sur ce canal (problématique d'investissement, d'adaptation et de concurrence vue plus haut), il s'en suivra forcément une redistribution des cartes entre les marques.
Celles qui joueront pleinement la carte de l'e-commerce, en s'y adaptant totalement et en y investissant ce qu'il faut (notamment en partenariat avec Inspirational Stores), connaîtront une belle croissance. Les autres déclineront, et dans les cas extrêmes pourraient disparaître.
Dans les secteurs où l'e-commerce prend une part très significative du retail (ie les voyages), la redistribution s'est ainsi faite de façon extrême avec un pure player, Expedia, devenu maintenant, et de loin, la 1ère agence de voyage au monde devant les anciens leaders, tel Thomas Cook par exemple, qui de facto ont fortement regressé.
Autre exemple un peu caricatural : Photo Service. C'était une chaîne qui était le roi du tirage de qualité en 1 heure, avec une bonne part de marché sur le créneau et une marque clairement forte. Leur part de marché dans le développement par internet est très très loin d'être celle qu'ils avaient dans le physique. Les avantages concurrentiels développés dans le retail (rapidité et gant blanc suscitant une bonne qualité) n'avaient finalement pas beaucoup d'impact dans le canal Internet. La photo est une commodité, l'aspect "service plus" leur a permis de sortir de cette commoditisation dans le retail, mais n'est pas transposable sur Internet.
En résumé, le succès et le potentiel d'une marque en e-commerce n'ont rien de de mécanique, il n'y a pas de loi, il faut comprendre en finesse le cadre, s'y adapter parfaitement et y investir significativement.
Je rajouterai deux points :
- la puissance de la marque
- la puissance du catalogue virtuel.
La puissance de la marque : il est concevable que des marques fortes puissent se développer réellement sur le Net, et en faire un canal (de plus ou complémentaire dans la capture des clients, je en sais pas). Pour reprendre des exemples qui te/me sont chers : Apple, Aston Martin, mais aussi des maisons spécialisées en caviar par exemple... L'attrait de la marque, son histoire, les services additionnels...tout cela peut constituer des atouts forts pour justifier de se développer per se sur le Net et attirer des clients (les visiteurs c'est bien, les clients c'est mieux).
La puissance du catalogue virtuel : Mais je suis bien certains que seules quelques marques dans chaque secteur peuvent se le permettre, à condition de bien maitriser le Web. Et c'est là qu'intervient l'autre point, la puissance des sites "de distribution", et de leur offre quasi infinie.
Pour trouver son bonheur lors du choix d'un luminaire, d'un canapé, d'une croquette pour son chien ou...d'un jouet (suivez mon regard), quel internaute accepterait aujourd'hui (et encore moins demain) de faire les sites de toutes les fabricants, regarder chaque catalogue, chaque CGV...? Le reflexe naturel, est d'aller sur des sites regroupant cette offre. Et là l'effet longue traine (offre exhaustive...), accompagné de services idoines, d'offre bien montées...sont sans doute irrésistibles. C'est sans doute dans les acteurs de la distribution que le web va alors tout changer.
Et je suis bien certain que dans les 24-36 mois, le web va représenter bien plus de 10% du CA du total du commerce. Mais c'est un autre débat...
Posted by: Jean-Denis | October 29, 2008 at 11:35 AM
Oui oui Jean Denis, mais je pense qu'il faut l'analyse.
Il y a des marques fortes dans le retail qui ont du mal à fonctionner dans le online pour différentes raisons.
Tu as raison de pointer sur l'importance et l'influence des distributeurs multi-marques dans des contextes de "long tail" de produits plus ou moins commoditisés ou à la différenciation globalement pas dramatique.
Si le consommateur n'est pas axé sur un produit ou une marque mais veut un large choix avant de se décider, alors la magasin officiel ne pèsera pas lourd face à un multi-marques. On en revient donc à un étude fine et pragmatique du comportement et de la psychologie du consommateur.
Posted by: Michel de Guilhermier | October 29, 2008 at 12:04 PM
Encore un excellent post
j'ajouterai une nuance:
le CA physique va vraissemblablement se situer dans ces eaux
en revanche je suis persuadé qu'un CA de service va de plus en plus se développer en complement pour les marques sur le net et rendre très stratégique la maitrise de ce canal
La customisation des produits, avant vente ou après vente (upgrades, accessoires, etc...) d'une vente magasin devra de plus en plus passer par le net, voire le net mobile
Certaines enseignes intégrées comme Ikea on deja bien compris ce virage et pris des longueurs d'avance
Dans l'hyperluxe ce sera certainement encore plus indispensable vu que les clients fuient le vulgaire (au sens premier)
Posted by: Daniel | October 29, 2008 at 12:24 PM