Comme promis ici, 1er des 3 posts complémentaires sur la levée de fonds de 10M€ annoncée dimanche et le projet IS.
Pour cette levée, nous avons fait appel à Bryan Garnier et en particulier à Greg Revenu, que je connais en fait depuis de nombreuses années.
Il est évident que leur rôle dans la réussite de cette belle levée a été crucial, car même s'il y avait un beau dossier à la base (concept pertinent, équipe expérimentée et crédible, etc), ce n'était pas évident de lever autant d'argent dans ces conditions. Il fallait être sacrément pro à tous les niveaux et convainquant !
L'équipe mise en place par Bryan Garnier a impliqué 5 personnes au total, signe que Greg Revenu avait vraiment mis de gros moyens à notre disposition pour arriver au but rapidement (du début jusqu'au term sheet de juillet, 2 mois et demi environ seulement) !
La valeur ajoutée d'un leveur se situe à plusieurs niveaux :
- Packaging
- Ciblage et contact des investisseurs
- Assistance durant le roadshow
- Conseil at assistance durant les négociations
Voici ci-dessous notre vécu avec Bryan Garnier.
PACKAGING
Rédiger un pitch clair, parfaitement étayé, complet, fluide, avec les chiffres pertinents, ce n'est pas forcément simple ni à la portée de tout le monde.
Pour illustrer cela, lors d'une précédente expérience de levée de fonds dans une ancienne vie, j'avais du reprendre quasi intégralement la présentation du leveur car son package était "fussy", mal articulé, à tel point que je ne retrouvais pas du tout ma société et son concept. A croire qu'il avait compris de travers ou qu'il n'avait écouté que d'une seule oreille.
Bryan Garnier a conçu un superbe package - en anglais - sur lequel, au final, non seulement je retrouvais parfaitement Inspirational Stores, mais je n'avais pas grand chose à rajouter, signe qu'ils s'étaient parfaitement approprié le projet et avait en su faire clairement ressortir les points forts.
Initialement, dans le process, ils nous ont fait parler de longues heures, nous ont posé des dizaines voire des centaines de questions pour comprendre intimement tous les tenants et aboutissants du projet. Et, rien que dans les questions, pertinentes, il était évident qu'ils comprenaient ! L'intelligence et la compétence d'une personne se mesurent d'ailleurs souvent aux questions qu'elle pose. Quand on ne comprend pas, on ne pose pas les bonnes questions.
Nous leur avions aussi envoyé via FTP des dizaines de documents qu'ils ont du assimiler en un temps record.
A final, cette phase avant roadshow était extraordinairement fouillée et professionnelle.
CIBLAGE ET CONTACT DES INVESTISSEURS
Quoi que le ciblage et la mise en relation soient une valeur ajoutée indéniable et apporte un sacré gain de temps à l'entrepreneur, c'est finalement la partie qui crée sans doute le moins de différence entre les leveurs : il y a seulement quelques dizaines de VCs susceptibles d'investir dans un projet, les leveurs non seulement les connaissent tous, mais connaissent aussi leur appétence en terme de taille d'investissement, de secteurs d'intervention, etc.
Nous avons vu une trentaine de VCs au total, une vingtaine à Paris et une dizaine à Londres (dont Atlas évidemment).
Nous avons reçu au final 5 ou 6 term sheets. Les VCs capables de s'engager pour 10M€ sur une société très jeune sont assez rares quand même ! Si nous n'avions levé que 4 ou 5M€, je pense que nous aurions certainement reçu une grosse quinzaine de term sheets, preuve que le ciblage était parfaitement fait et que le dossier était attractif).
ASSISTANCE DURANT LE ROADSHOW
Gregoire Revenu et sa bande, dont Guillaume Durao, s'étaient tellement appropriés le sujet qu'il leur arrivait souvent de renforcer nos réponses aux VCs par leurs propres arguments, toujours très pertinents, voire même "vendeur" (mais au bon sens du terme).
Bien entendu, après chaque meeting, séance de débrief sur les points à rectifier, aussi bien oraux que dans le package qui a de facto évolué au fil du roadshow.
A noter qu'avant le début de celui-ci, nous avions fait une session "en blanc" de cette présentation devant le staff Bryan Garnier. Les réactions des personnes présentes, extérieures au dossier, furent très utiles.
Point annexe, la logistique de présentation était parfaitement organisée à tous les niveaux. A Londres, nous avions parfois des journées avec 4 ou 5 présentations dans la même journée, il fallait être sharp au niveau timing, une voiture avec chauffeur affretée pour l'occasion par Bryan Garnier nous emmenait efficacement d'un rendez-vous à l'autre.
CONSEIL ET ASSISTANCE DURANT LES NEGOCIATIONS
Ca, c'est un aussi point crucial pour arriver au bout. The last mile, mais pas le moindre.
Même si un avocat reste indispensable au côté des entrepreneurs (on y reviendra dans une autre note ultérieure), le leveur est aussi un intermédiaire bien précieux. Greg Revenu n'a pas compté ses heures à discuter avec les uns et les autres, notamment un certain 25 juillet (...), pour fluidifier le process et arriver à la signature.
Même quand on est d'accord sur presque tout, il y a toujours des clauses délicates sur lesquels les parties peuvent buter, et il faut un peu d'entregent et de diplomatie pour arrondir les angles et arriver à une rédaction qui satisfasse tout le monde.
Un excellent leveur doit donc aussi avoir de réelles capacités de négociation, et Greg Revenu a amplement démontrées les siennes !
Par ailleurs, le leveur doit être conseil dans la stratégie de levée et le roadshow : quels investisseurs on voit en 1er, pourquoi, etc. En ce qui nous concerne, la tactique était de sécuriser un term sheet avec 2 ou 3 "gros" fonds, anglo-saxons, pouvant investir seuls entre 6 et 8M€.
Maintenant, parlons aussi gros sous, car c'est nécessaire pour bien comprendre le mécanisme de valeur ajoutée que peut apporter un leveur. Peu importe le taux de commission ici, ce que je veux dire c'est qu'un dossier comme le notre, de par sa taille (10M€), génère en évidence pour le leveur bien plus de commissions qu'un dossier à 2M€.
Vous voyez donc où je veux en venir : pour un dossier à 10M€, le leveur - s'il est équipé pour cela - peut aligner une grosse équipe très pro et une logistique sans faille. Sur un dossier à 2M€, il est évident que la commission plus faible ne permet pas de mettre la même taskforce.
On arrive donc à une certaine segmentation chez les leveurs, comme on a pour les banques d'affaires, ceux capables de prendre des grosses levées, qui peuvent et savent aligner de lourdes équipes, très pro mais forcément coûteuses, et ceux qui s'occupent de dossiers plus petits, et qui logiquement ne peuvent que travailler différemment.
Et inversement, la 1ère catégorie n'est pas capable de prendre des dossiers de petite taille, car leurs frais de structure importants ne leur permettent pas de passer du temps sur ce qui ne rapporte pas un minimum de commissions.
Pour parler plus directement, un dossier de 2-3M€ ne peut pas intéresser un leveur tel que Bryan Garnier, vous devrez alors vous tourner vers ceux qui s'occupent de ce segment, mais il faut être clair sur le fait qu'ils ne peuvent pas économiquement aligner la même qualité de service que ce que nous avons eu. Ce n'est pas un jugement de valeur, mais un constat économique. Ce qui n'empêche pas certains leveurs de ce segment de faire un bon boulot global, sachant apporter des conseils avisés.
Ce que j'ai également apprécié avec Bryan Garnier c'est qu'ils ont travaillé sans aucun fixe, ils ont pris tous les risques avec nous, n'acceptant de percevoir une commission qu'en cas de succès. Chapeau bas, éthique et très seigneur dans l'approche !
Et, évidemment, il ne leur viendrait même pas à l'idée d'aller lever pour un concurrent dans la foulée !
Greg Revenu et Bryan Garnier ne mélangent pas non plus les genres en étant actionnaire de sociétés dont ils lèvent des capitaux, ou, pire, actionnaire de sociétés et leveurs de fonds pour la concurrence ! Il y a un leveur de fonds à Paris qui semble s'en faire une spécialité, mais les VCs s'en méfie, même si ouvertement ils restent courtois pour recevoir les dossiers...
6 term sheets pour 30 investisseurs rencontrés cela fait un taux de nons de 80%.
Quelles sont les raisons invoquées par ceux qui ont dit non ?
Posted by: MichelN | October 07, 2008 at 08:48 AM
@Michel, comme expliqué dans le post, le montant de la levée, et les conditions de valorisation étaient très ambitieux...
Posted by: Michel de Guilhermier | October 07, 2008 at 09:03 AM
Michel,
Merci de ces commentaires élogieux.
Ton analyse et ta segmentation de notre intervention sont en outre très fidèles à la réalité et assez proches de ce que nous « pitchons » à nos prospects.
Néanmoins, pour faire encore avancer la discussion et donner quelques « insights » ou conseils complémentaires aux gens qui te lisent, je me permets certains commentaires.
Phase de préparation
Comme tu l’évoques brièvement, l’objectif n’est pas seulement de préparer une présentation efficace et pertinente de la société avec une thèse d’investissement claire pour les VCs (et de témoigner ainsi du niveau de préparation de la société, ce qui montre tout de suite aux VCs qu’il y aura de la concurrence sur le dossier) mais également au conseil de s’approprier le dossier pour toutes les interactions (téléphoniques notamment) que nous pouvons avoir avec les investisseurs sans le Management.
Cette phase est également très importante pour préparer le Management. Au cours des levées de fonds que nous avons menées dans le passé, nous avons acquis une grande expérience du niveau d’exigence et de diligence des fonds d’investissement. En posant toutes nos questions et en challengeant le Management, nous le préparons aux discussions avec les VCs qui poseront immanquablement les mêmes questions. Si nous pouvons le faire, c’est parce que nous allouons des équipes étoffées mais également parce que nous avons une spécialisation sectorielle assez marquée sur les TMT et que nous maîtrisons donc, à la base, des industries telles que l’e-commerce.
Il est également essentiel de noter qu’un dossier doit rester un minimum de temps sur le marché. Il vaut donc mieux allonger un peu la phase de préparation et parfaitement maîtriser le dossier et réduire ainsi la phase de placement en ayant réponse à tout et la phase de due diligence en ayant déjà donné une grande quantité d’information dans une documentation claire mais fournie.
Dernier point, nous avons l’habitude de travailler avec des entrepreneurs accaparés par les problématiques opérationnelles. Le facteur de réussite le plus important d’un placement privé, c’est que l’équipe de Management continue à délivrer et à annoncer de bonnes nouvelles pendant l’opération. C’est aussi pour cela que nous essayons de soulager autant le Management en prenant en charge toute cette phase de préparation.
Prise de contact et road show
J’ajouterais ici 3 points.
1 - Il est fondamental de savoir viser la bonne personne dans les fonds d’investissement.
Pour cela, il faut disposer d’un bon réseau au sein de la communauté des VCs, de plusieurs années de travail en commun et bien sur d’une certaine crédibilité. Tout cela permet de mettre en face du Management des personnes connaissant bien leur secteur, avec lesquelles il y aura un « fit » et avec lesquelles l’équipe s’imaginera tenir un Board. Surtout, il est clé de connaître le fonctionnement d’un fonds de Venture Capital et les rapports de force qui y règnent. Un dossier doit en général être approuvé par 3 ou 4 Partners pour que l’investissement se réalise. Il faut donc viser le Partner le plus Senior, le plus successful du moment, celui qui n’a pas fait de deal trop récemment, celui qui sera le plus à même de convaincre ses collègues…
2 – Même si cela a moins cours dans le cas d’Inspirational Stores ou l’équipe de Management avait un track record important et était connue et visible, je pense que Bryan, Garnier est également un nom qui ouvre des portes chez les VCs. Nous avons conduit de nombreuses opérations de sortie ou d’investissement avec les VCs et les connaissons depuis de nombreuses années. Il est donc parfois plus facile pour nous de fixer un RV à court terme pour leur présenter une société que nous accompagnons que pour un entrepreneur d’obtenir directement cette entrevue.
3 - Il est essentiel, durant le placement de maintenir une pression de tous les instants sur les VCs. Ces derniers sont des oiseaux un peu particuliers. De Board en Board, de continents en continents, de congrès en forums, très demandés, très occupés, évaluant de nombreuses opérations chaque année. Ils ont tendance à « mettre des options sur les dossiers » en se disant intéressés, posant quelques questions mais en n’avançant pas toujours rapidement. Il est clé d’éliminer rapidement ceux dont on sent qu’ils n’auront pas la capacité de faire le dossier et à l’inverse d’occuper le terrain avec ceux qui veulent faire mais qui peuvent regarder d’autres opportunités à ce moment-là ou qui peuvent aborder le dossier de façon très décontractée et ne pas être alignés plus tard dans le temps avec les VCs les plus rapides.
Négociation
En dehors des qualités de négociateur et de la capacité à créer un environnement compétitif et à garder des alternatives ouvertes, rien ne remplace l’expérience et la connaissance sur ce volet.
J’ai personnellement travaillé sur plusieurs opérations de placement privé et Grégoire Revenu était même investisseur dans une vie antérieure. Nous maîtrisons donc tous les tenants et aboutissants des contrats d’investissement et des pactes d’actionnaires et pouvons discuter d’égal à égal avec les investisseurs et vraiment conseiller notre client.
Et dans cette situation, la valorisation upfront n’est pas la seule donnée : caractéristiques des actions de préférence protégeant les investisseurs, drag along, tag along, droits de préemption, gouvernance, garanties consenties… Beaucoup de choses rentrent en ligne de compte.
Guillaume Durao (Bryan, Garnier)
Posted by: Guillaume Durao | October 07, 2008 at 11:56 AM
comme on le constate, ils sont super pro !!!
Merci Guillaume de ces précisions !
Posted by: michel | October 07, 2008 at 12:01 PM
excellente note
- retour d'expérience étayé sans verser dans la pub exagérée
- montre des enjeux d'une opération ambitieuse
- conclusion piquante
j'attend les 2 suivantes avec interet !
Posted by: Daniel | October 07, 2008 at 01:43 PM
Bravo pour ce beau deal!
Entre nous, les VCs sont tous à Mayfair et on peut aller de l'un à l'autre à pied. C'est meilleur pour la santé et cela limite les émissions de GES.
Posted by: Marc | October 08, 2008 at 09:47 AM
Merci de partager ces détails, c'est passionnant ! et un grand bravo pour cette superbe levée, mais le projet worth it et le capitaine fondateur aussi !
et j'adore la dernière phrase :D
Posted by: Hubert | October 08, 2008 at 11:37 PM
Thks Hubert, tu as totalement rénové ton blog ! Il est bien comme ça !
Posted by: Michel de Guilhermier | October 09, 2008 at 12:40 AM
@Daniel,
J'y travaillerai ce week-end !
Posted by: Michel de Guilhermier | October 09, 2008 at 12:43 AM
Je confirme que le package etait un des rares a vraiment nous faciliter la tache.
Par contre je ne suis vraiment pas convaincu que dumper un dossier sur 30 VCs (trente, thirty, dertig !!!) soit la meilleure methode. Mais bon ...
Posted by: Fred Destin | October 13, 2008 at 11:36 PM