Pour commencer ce post, quelques histoires d'e-commerce, du "vrai" vécu de ces derniers jours.
Une entreprise française du retail spécialisé, leader mondial dans son secteur, qui se méprend totalement sur les economics de l'e-commerce, qui croît que parce qu'elle maîtrise magnifiquement l'amont va pouvoir imposer sa loi aux pure players actuels !
Un acteur français, également leader mondial dans son secteur (producteur de produits de consommation), qui envisageait de monter un site e-commerce direct B2C mais qui s'est vite rendu compte, après une discussion avec Inspirational Stores, que ce ne serait finalement que très difficilement rentable !
Une marque textile bien connue du public, qui dispose d'un site e-commerce depuis plusieurs années mais celui-ci végète alors que dans le même temps certains micro indépendants dans leur garage font autant, et que d'autres, organisations bien structurées, font 100 fois plus...
Une autre dans le même secteur, qui avait un site e-commerce qui faisait, dans les bonnes journées, 1 seule vente...avant de l'arrêter (à ce niveau de volumétrie, c'était une sage décision !).
Une grande marque française très connue (et très importante) qui dispose déja d'un business e-commerce de plusieurs dizaines de millions d'euro et qui s'étonne presque qu'il ne soit pas très rentable !
Et j'en ai des dizaines d'exemples de la sorte. Des sociétés réputées dont l'e-commerce ne décolle pas, ou est décevant en terme de rentabilité.
Autant les grands acteurs actuels des produits de consommation - producteurs comme distributeurs - maîtrisent parfaitement les paramètres de succès dans le monde physique, autant je suis étonné par leur degré de méconnaissance des facteurs clés de succès et des economics du retail internet !
De fait, je rencontre actuellement un nombre incalculable d'entreprises qui se méprennent fondamentalement sur l'e-commerce, ce qu'il permet, comment, à quelles conditions, pour quelle rentabilité et quel potentiel.
Pour être et travailler dans l'e-commerce et voir passer 2 à 3 nouveaux dossiers tous les jours, je me rends vraiment compte qu'on est au milieu de profonds bouleversements qui vont redistribuer les cartes.
Car, au delà pour une organisation de comprendre ou pas les paramètres de succès sur Internet - cela après tout est une question de maturité (et Inspirational Stores joue aussi son rôle pédagogique) - il y a aussi et surtout plus fondamentalement le fait que :
1) Ces paramètres de succès sont souvent très éloignés de ceux du monde physique et leur maîtrise nécessite une évolution radicale, très compliquée à implémenter efficacement dans une organisation.
2) Le niveau de rentabilité qu'induit l'e-commerce est souvent inférieur aux niveaux de rentabilité qu'on observe parfois dans le monde physique.
3) Le potentiel en volumétrie pour une société n'est pas toujours le même, car le monde Internet est aussi plus concurrentiel que le monde physique.
Cela me fait ainsi penser à Kodak ou à Photo Service dans la photo...Ils n'ont pas vraiment compris et saisi à temps le train du numérique pour l'un ou du développement photo en ligne pour l'autre, mais même s'ils l'avaient fait, cela n'aurait pas réglé leurs problèmes pour autant : leurs importants et juteux marchés respectifs ont tout simplement disparu et les nouveaux marchés du numérique n'ont pas les mêmes contours de potentiel et de rentabilité : en clair, l'arrivée du numérique et de l'Internet a tout simplement condamné ces sociétés et leurs marchés historiques.
Dans la même ligne, je pressens qu'il y a aujourd'hui beaucoup de dinosaures en devenir chez nos leaders actuels...
Mais en même temps, il y en a aussi qui ont tout compris...Ainsi cette grande chaîne de distribution textile qui s'apprête dans les semaines à venir à lancer une offensive e-commerce comme on en a encore jamais vu...
Internet et l'e-commerce représentent à la fois une menace évidente et une splendide opportunité pour quasiment toutes les organisations marchandes.
Mais les opportunités qu'offre l'e-commerce ne peuvent se saisir d'un claquement de doigts, simplement en se mettant en ligne et en attendant que le client vienne acheter sur le site, avec au passage quelques adwords Google ! Ca, c'est l'héritage biaisée du retail physique : on ouvre un magasin dans un emplacement de qualité et le chaland arrive alors automatiquement...
Et bien non, il n'y a pas plus de magie sur internet que dans le monde physique, une réussite e-commerce d'ampleur nécessite de déployer une stratégie ambitieuse ainsi que des moyens spécifiques bien calculés et très importants, à tous les niveaux (technologique, merchandising, marketing, logistique, etc).
A défaut, risque de dinosaurisation...
Bonjour,
En parlant de Photo Service, avez-vous vu qu'ils ouvraient des magasins Photoservice.com en région parisienne ? J'ai reçu un e-mailing pour découvrir leur magasin dans le 15ème, rue Lecourbe il me semble.
Posted by: Robin | February 12, 2009 at 11:02 AM
Ceci dit chez les spécialistes pure-players du e-commerce, on a beau avoir de très belles croissances du CA, la rentabilité n'est pas pour autant toujours au RDV !
S'il est si complexe de développer un business rentable sur le net actuellement c'est aussi parce que des capitaux très importants sont investis à tord ou à raison pour éponger les pertes de certains en attendant que les autres se découragent...
Posted by: Daniel | February 12, 2009 at 11:12 AM
Il faut se rappeler de l echec total de B Arnault dans l e-commerce au debut du phenomene web .. il a investit des milliards avec une structure identique a LVMH, une grosse holding avec des petites unites e-commerce specialise dans un domaine .. un Inspirational Stores un peu tout compte fait .. Par contre sans l expertise qui va avec .. il y a perdu quelques milliards ..
Posted by: Etienne | February 12, 2009 at 03:59 PM
Daniel, c'est ce que je n'arrête pas de dire ici : ouvrir un site e-commerce, c'est assez simple, croitre fortement tout en étant rentable sans rogner sur le service, c'est bien plus compliqué et bien peu y arrivent !
Posted by: Michel de Guilhermier | February 12, 2009 at 04:11 PM
Par ailleurs Daniel, les raisons pour lesquelles l'e-commerce n'est pas toujours rentable sont multiples et je crois assez fondamentales...
Posted by: Michel de Guilhermier | February 12, 2009 at 04:14 PM
Merci Michel pour ce passionnant article ! Là on touche à la réalité des choses, ce qu'on ne lit pas dans les journaux qui préfèrent s'attarder sur les succès.
Vous montrez bien que l'e-commerce est plus complexe qu'il n'y parait, notamment pour les PME et les grands groupes.
Une idée pour un prochain article : il serait très intéressant d'avoir votre avis sur l'organisation, les hommes...
On dit souvent que l'e-commerce doit dépendre de la direction générale mais dans les faits, il faut bien se synchroniser avec les directions marketing, commerciales, informatique, logistique...
Il y a un nombre conséquent de métiers spécialisés pour bien mener un projet e-commerce... comment choisir son équipe et les profils clés face aux prestataires externes...
Externalisation ou pas, cette question surgit souvent.
Au plaisir de vous lire.
Posted by: Nicolas Halftermeyer | February 12, 2009 at 05:07 PM
Merci Nicolas...
Carrefour a appris à ses dépends avec Boostore qu'un projet e-commerce d'envergure c'est sacrément complexe !!!
Posted by: Michel de Guilhermier | February 12, 2009 at 05:29 PM
Si le gâteau n'a fait que grossir depuis quelques années, le nombre de mouches sur le gâteau a également cru de la manière la plus chaotique qui soit. Dans ce contexte, ceux qui étaient les mieux armés pour rafler la mise se sont laissés surprendre par des changements radicaux du comportement des acheteurs et par la concurrence effrénée de milliers de micro-acteurs (certes plus ou moins viables) ébranlant un mode de distribution enkysté dans de bonnes vieilles habitudes que même le Minitel n'avait pas révolutionné. Possédant la meilleure artillerie (Relation client, logistique, méthode marketing), ces acteurs ne sont pas aujourd'hui les gagnants du e-commerce. Pourquoi ? Sans doute pas forcément pour des raisons liées à l'Internet (ou pas que), mais aussi pour des raisons structurelles (informatique lourde, conventions sociales complexes, positionnement déphasé avec le marché). Ils ont cependant du métier (en marketing direct notamment), des moyens financiers et aussi des marques à fort capital faisant partie du paysage. Ce sont de vrais atouts. Reste à voir comment ils réussiront à se réinventer sous la pression (en bien, je l'espère !)
Posted by: Capitaine Commerce | February 12, 2009 at 07:08 PM
@Captain, c'est vrai que les VPCistes maîtrisent certains "métiers" qu'on retrouve en e-commerce (logistique one to one, datamining et travail de bases de clients), mais, à vraiment y penser, il y a d'une part vraiment beaucoup de compétences spécifiques à l'e-commerce, et d'autre part comme tu le dis ils sont souvent empêtrés dans leurs rigidités et problèmes structurels.
Posted by: Michel de Guilhermier | February 12, 2009 at 07:42 PM
http://blogs.bnet.com/ceo/?p=1814&tag=nl.e713
un article interessant du blog bnet.com sur
" Is This Really a Good Time to Start a Business?" c'est effectivement La question, aux US comme ici !
Posted by: vincent | February 13, 2009 at 10:39 AM
Pour ma part, je pense que la notion de "culture d'entreprise" est une donnée primordiale qui peut largement expliquer les difficultés pour le commerce traditionnel à rompre avec ses habitudes. Comme vous le savez certainement Michel (pour avoir connu dans votre parcours des organisations de type "world company") les lourdeurs politiques et les guerres de clans y sont très fréquentes...Or c'est beaucoup moins le cas dans les PME où la direction est en prise directe avec le business et qui sont plus "agiles" culturellement. Pour moi, ces éléments sont clefs.
Posted by: Brice | February 13, 2009 at 11:26 AM
Yes, la culture joue, ce pourquoi je parlais "d'évolution radicale très compliqué à implémenter".
Posted by: Michel de Guilhermier | February 13, 2009 at 11:32 AM
@Captain > Plus je forge mon experience du ecommerce, plus j'ai le sentiment que le retail magasin est beaucoup plus proche du ecommerce que la VAD traditionnelle
La non interactivité héritée du catalogue est bien plus fondamentale à mon avis que l'éloignement géographique du consommateur...
Posted by: Daniel | February 13, 2009 at 02:54 PM
Daniel, j'aime t'entendre dire ça !! Je suis totalement d'accord !! In fine, l'e-commerce est plus proche - au sens où il y a plus de facteurs clés de succès communs - du commerce que de la VAD traditonnelle en effet
Posted by: Michel de Guilhermier | February 13, 2009 at 04:47 PM
Complètement d'accord avec Daniel.L'ergonomie ressemble plus au merchandising que la création de catalogue ;-). Cependant l'expertise Marketing Direct est une excellente école de rigueur et d'efficacité pour tous les marketers online. Il ne faut pas oublier que la VAD a inventé le marketing scientifique (test,mesure,feedback loop),base de toute bonne stratégie d'ecommerce.
Posted by: Eric | February 16, 2009 at 09:21 AM
Bon, on est alors tous d'accord semble t-il ! La VAD a clairement des éléments de similitude avec l'e-commerce, notamment pour la gestion "scientifique" de la base de données, mais in fine est tout de même emprunte plus au retail.
Ceci étant, la grande différence avec aussi bien le retail que la VAD, et je suis convaincu qu'une très grande partie de la valeur réside la dedans, c'est la spécificité de l'acquisition clients.
Elle se fait par un emplacement adéquat dans le physique, elle se fait par des techniques très spécifiques de online marketing sur Internet.
Posted by: Michel de Guilhermier | February 16, 2009 at 09:26 AM
ca fait plaisir de voir énoncés des vérités qui font mal à entendre pour les mastodontes...mais c'est pas fini...
les marques pensent maintenant gérer effectivement en direct leur "e-distribution"...comme Levis aux USA...mais l'histoire montre que les retailers tapent alors du poing sur la table et que la marque abandonne la vente sur le net qui a côté du retail ne représente que x% de leur CA...
J'ai le cas avec deux fournisseurs...dont un qui perd encore de l'argent, et ce depuis trois ans...
Appâté par le résultat de certain, ces "gros" acteurs se prennent toujours pour plus fort que leur "petit" distributeur et se disent tout simplement que si nous on y arrive, alors eux feront encore mieux lol après déficit sur déficit ils jettent l'éponge...et nous on reste là !-)
Posted by: Gwen | March 07, 2009 at 02:44 PM