Le message principal de la part I était que le consommateur de demain, après quelques années de folie où on a payé un peu n'importe quoi, privilégiera les sociétés qui offrent bien tangiblement "a great value for money" (non pas un prix bas), une superbe "expérience produit" le tout sur fond de grand respect client et de valeurs.
In fine, j'estime qu'il acceptera de payer un peu plus cher (qu'un produit ou un service a priori de la même catégorie), mais pour avoir beaucoup plus. Le point ne sera pas d'être le moins cher, mais d'être le moins cher pour la valeur apportée.
Les sociétés qui auront réussit à se positionner correctement face aux nouvelles attentes des consommateurs progresseront bien plus vite et continueront à faire des profits très confortables.
Il n'est pas facile de qualifier ce "beaucoup plus" que le consommateur retirerait de son achat, mais cela incorpore aussi bien :
- Des spécificités tangibles du produit/service : caractéristiques techniques, qualité, durabilité, innovations techniques diverses, design, etc.
- De l'émotionnel intangible sur le produit/service : image et héritage de la marque, valeur émotionnelle, etc.
- Un bénéfice humain personnel : à savoir que le client se sente considéré, écouté, respecté, ce qui peut prendre de très nombreuses formes.
- Une adhésion de la firme à des valeurs : green, éthique, sociale, etc.
Quelques exemples de firmes qui en offre beaucoup pour leur argent aux consommateurs :
- Amazon, rarement le moins cher mais parmi les moins cher et avec un niveau de service exceptionnel, des recommandations pertinentes, etc. MAlgré la crise, croissance au 1er trimestre de 18% du C (et 24% des profits).
- Apple, 20% plus cher en général que des PC comparables, mais une intégration sans souci du hard et du soft, pas de virus, un design superbe. Quant à l'iPhone, près de 30M d'unités écoulés en 2 ans montre qu'Apple sait en offrir beaucoup pour le prix. Un magazine décernait hier à l'iPhone 3Gs "the best smartphone experience".
- Toyota, qui a su se positionner depuis pas mal de temps sur la voiture verte, et est devenu l'année dernière le 1er constructeur mondial.
- Coach, n°2 mondial de la maroquinerie après Louis Vuitton, dont j'ai abondamment parlé ici, positionnée dans le luxe accessible (prix moyen 300-350$).
Dans les faits, pouvoir offrir aux consommateurs beaucoup pour leur argent est difficile et suppose que la firme soit extrêmement efficiente partout, voire qu'elle se réinvente.
Un exemple très concret, justement celui de Coach. Au cours des années fastes, elle avait progressivement rehaussé ses price points moyens, passant de 200-250$/sac à 300-400$.
Ecoutons le CEO, Lew Frankfort, et méditons son analyse :
"We took the view that the world will forever be different, and we need to acclimate ourselves. We believe that the habits and expectations developed during the recession will last far beyond it".
Peut-on faire plus clear cut ?
Et pour s'adapter à ce monde où le consommateur s'attend à en avoir beaucoup plus pour son argent, Coach "began a nearly yearlong quest to design a line of purses and accessories that could be priced to fit the times without cheapening, or otherwise damaging, Coach's image. Doing so would require executives to find new sources of leather, fabric, and hardware, renegotiate deals with suppliers, and collaborate more than we ever had".
Concrètement, Coach a annoncé hier sa nouvelle ligne "Poppy" avec des price points environ 15% plus bas au minimum.
Et Lew Frankfort, dans la firme depuis près de 30 ans, déclarant tout simplement sur ce qu'il vivait actuellement dans la firme : "I've never worked harder". Clairement, la firme a du tout repenser, tout renégocier avec ses fournisseurs, adapter sa structure de coûts également : Coach a ainsi licencié 10% de son staff HQ et fermé plusieurs unités insuffisamment rentable.
Pointe de réalisme économique aussi sur le fait de sortir une collection avec des price points plus bas : "...and that we could design and manufacture these products and still provide acceptable -- no, excellent -- returns". Oublions les rentabilités exceptionnelles, obtenues à l'époque où le consommateur était prêt à payer un peu n'importe quoi, contentons nous de bons niveaux de rentabilité.
Et pour ceux qui n'auront pas réussit à en apporter plus aux consommateurs, il leur restera un seul argument, le prix, ce qui les rendra forcément bien peu rentable et de toute façon bien moins que les autres.
Pour savoir si la proposition commerciale de la firme en délivre vraiment beaucoup pour leur argent aux consommateurs, il n'y a pas 36 solutions, il faut l'écouter.
Ainsi, tous les 3 mois, Coach sonde 20,000 clientes, sur ce qu'elles pensent de la marque et de ses produits, sur leurs attentes mais aussi sur leurs comportements d'achat au sens large. Cette écoute a ainsi permis à Lew Frankfort de déclarer au magazine "Women's Wear Daily", dés janvier 2008, qu'une récession avait commencé du point de vue de la consommation, et que "it would likely be a serious, prolonged downturn...and that Coach would need to create even more compelling reasons for consumers to shop".
Concernant l'écoute des consommateurs, je recommande de se benchmarker sur 4 dimensions, en demandant de noter sur une échelle de 1 à 5 :
- La marque propose une offre de qualité (inclut aussi la largeur de l'offre)
- La marque présente un très bon rapport qualité/prix (qualité/prix, plaisir/prix, value for money). Elle délivre une excellente expérience (produit ou service) pour le prix demandé.
- La marque ne souffre pas de zones d'ombre en matière d'éthique au sens large (elle respecte l'environnement, elle respecte ses salariés, etc).
- La marque a de la considération, du respect et de l'égard pour les consommateurs, elle cherche à dialoguer avec eux, elle est avenante, etc.
On peut remplacer marque par "distributeur", la problématique de fond est la même.
Et, bien entendu, de refaire cette étude périodiquement (ie tous les 3 mois comme Coach), de bien surveiller l'évolution des notes...et d'agir alors en conséquence. Comme l'exemple de Coach l'a montré, modifier son offre pour s'adapter aux tendances consommateurs implique parfois un lourd travail de fond. Cela prend du temps, d'où l'importance d'avoir des capteurs afin de mettre les chantiers en marche le plus tôt possible.
Chez Photoways, je faisais un sondage de la sorte tous les mois. Pendant longtemps, bien que nous étions plus cher que la moyenne de nos concurrents, nos consommateurs nous notaient bien, preuve que notre niveau prix était accepté. Nous avons ensuite constaté au cours des mois une lente érosion de la satisfaction sur cette dimension, ce qui nous a conduit, au moment où nous avons estimé qu'elle était insuffisante, à réduire nos prix; voire à proposer dés 2004 un nouveau service "PixDiscount" dont le but était de s'adapter à la frange de consommateurs qui ne cherchaient que du tirage sans les services de stockage et partage. Ce segment ayant été identifié suite à une écoute attentive de nos clients.
Bonjour
Cet article me pousse à la réflexion suivante : Pour donner de la valeur au discount il faut l'intégrer dans une offre qualitative.
En effet, quelle est la valeur perçue d'un produit parmi d'autres chez un discounter ?
Sachant que même les produits de marque (pas les copies) peuvent parfois être prévu à la commercialisation sur un territoire étranger ou les critères de qualités ne sont pas équivalent aux produits distribué en France.
Bref l'acheteur qui à été témoin de ce type de manoeuvre (pas toujours bien indiquée par le marchand) aura toujours des doutes sur la réelle qualité de la bonne affaire qu'il se propose de réaliser.
Par contre pour une entreprise reconnue pour la qualité de ses produits, de ses services, proposer une gamme économique en extension de son offre (si elle est bien intégrée) valorise celle-ci par rapport à celle que l'on peu trouver chez un pur discounter.
Même si le prix est légèrement supérieur la valeur perçue doit être bien meilleure. Si le produit n'est pas bon le client sait qu'il peut au moins compter sur le service qui devrait lui permettre d'échanger son produit ou de bénéficier d'une garantie bien plus qualitative que chez un discounter.
Je pense que ce phénomène doit-être en partie la cause du succès des rayons "hard discount" intégrés dans les super marché classiques. Succès réalisé au détriment des pure-players du hard discount.
C'est vrai qu'il faut écouter l'appel au "hard discount" donné par les clients. Mais ce n'est pas une raison pour remettre en cause son business-model.
D'autre part, malgré la conjoncture actuelle je pense que ceux qui s'en tireront au final sont les entreprises dont les marges leur permettent d'assurer leur pérennité.
Même si ils font actuellement du chiffre les discounters sont obligés de tirer toujours plus sur leur marges dans un combat de chien des rues. Si le chiffre d'affaire est en croissance les marges s'affaiblissent et avec elles les capitaux de l'entreprise.
Je pense qu'au final seul les entreprises possédant suffisamment de réserves financières tireront leur épingle du jeu.
Posted by: Munchausen | June 24, 2009 at 04:20 PM
L'analyse est intéressante mais il y a une sorte de mélange entre les problèmes des fabricants et ceux des distributeurs
Certes l'ecommerce permet de réduire les intermédiaires, mais dans plusieurs cas le prix est un levier qui ne se résume pas qu'à une baisse forcée
La construction d'offres tarifaires plus complexes peut aussi être un levier de différentiation efficace à service équivalent
Posted by: Daniel | June 24, 2009 at 04:44 PM
Daniel, plusieurs choses :
- La problématique d'en apporter plus est valable pour les 2 catégories, manufacturers, retailers et manufacturer-retailers intégrés (ie Coach). Il n'y a pas de "mélange" à proprement parler.
- Je ne parle pas spécialement d'e-commerce.
- Quant aux tactiques tarifaires, soyons clair, ce n'est certainement pas cela qui permet de se différencier de façon pérenne, pour la raison bien simple qu'elle sont réplicable. En bref, elles ne donnent aucun avantage concurrentiel.
Posted by: Michel de Guilhermier | June 24, 2009 at 05:03 PM
Dans cette optique, les "ventes privées" d'articles hauts de gamme ont de beaux jours devant elles!
Posted by: Matthieu | June 24, 2009 at 05:18 PM
Michel,
ne serait-ce pas le retour des "vraies" marques? En effet, nous sommes entourés de marques qui n'ont pas vraiment de "corps" et n'ont de la marque qu'un logo(ie : les marques inventées par les distributeurs pour "faire marque" et détourner les consommateurs des grandes marques) et notre relation à ces marques est avant tout transactionnelle (une fonction, un prix) alors que ce qui nous lie véritablement aux marques va au delà (effectif lié à l'historique, l'image, le savoir faire...). Est-ce que finalement la difficulté c'est qu'il faut répondre à la fois à la transaction (le prix, la fonction) et de construire une relation? Back to basics?
Posted by: Brice | June 24, 2009 at 06:24 PM
je ne sais pas vraiment ce que c'est qu'une "vraie" marque, et c'est pas tellement uen question de "vérité" mais juste d'apporter aux consommateurs ce qu'ils veulent. Ca, oui, c'est un retour à de bons vieux principes immuables...
C'est en oubliant le consommateur et ce qu'il veut qu'on se plante
Posted by: Michel de Guilhermier | June 24, 2009 at 07:00 PM
Bonjour.
Pour revenir au billet c est LE meilleur conseil que mon ancien directeur commercial m est donne > "si tu veux savoir pourquoi les clients achetent chez nous demande leur. Tu verras tu seras surpris, ils te donneront toutes les cles" Cette phrase a change radicalement ma façon d aborder les RDV commerciaux. Aujour'hui j ecoute 100 fois +, analyse tout autant et colle au business de mes clients.
Cela est valable partout je pense
Posted by: Etienne | June 25, 2009 at 05:03 PM
Bonjour,
Je suis plus que d'accord avec votre analyse.
Je trouve cela particulièrement pertinent pour le secteur des telecoms : je suis toujours frappé de voir que des services aussi nécessaires que la téléphonie mobile ou l'accès à Internet ne sont pas soutenus par des "love brands".
La love brand n'est absolument pas une finalité en soi, elle doit uniquement être au service des objectifs business. Mais je me dis en tant que consommateur qu'une société avec qui je passe un contrat pour 12 ou 24 mois devrait me donner incroyablement envie de la rejoindre.
Or, les opérateurs ne ressortent jamais comme les marques préférées en France.
Je parle bien ici de valeur perçue par le client vs. ce qu'il donne à son opérateur. Tout le monde en a fait l'expérience : si on veut un Iphone, mieux vaux changer d'opérateur ou menacer de quitter son opérateur actuel plutôt que d'appeler gentiment et de demander poliment s'il serait éventuellement possible, s'il vous plait, d'avoir un Iphone après dix ans de fidélité.
O2 en Angleterre a compris que pour s'imposer alors qu'ils étaient un petit opérateur, il fallait proposer autre chose. Cet autre chose est la valorisation des clients, qui irrigue l'ensemble de la société. Ce n'est pas qu'un discours de marque, il s'agit de preuves réelles, concrètes, tangibles, persistentes.
O2 est aujourd'hui leader au UK.
Le virage que vis ce secteur actuellement (d'un marché de conquête pure à un marché de fidélisation) rencontre de très gros freins qui nous empêche les opérateurs de se mettre réellement au service du consommateur. Certains d'entre-eux opérateurs semblent avoir mieux anticiper le coup, mais je connais très peu de gens autour de moi qui ne serait "absolument pas prêt à quitter leur opérateur actuel pour un autre".
Posted by: julien | December 08, 2009 at 04:10 PM