Je rencontrais hier à l'hôtel un jeune entrepreneur qui a une superbe idée et qui veut aller vite pour pré-empter le marché.
C'est vrai qu'actuellement tout va vite, on veut toujours aller plus vite, et les business plans montrés aux VCs font état de belles courbes exponentielles. Ils aiment rêver, alors les entrepreneurs cherchent à les faire rêver, parfois poussés par certains leveurs de fonds qui touchent une commission d'autant plus grosse que la levée est importante...
Alors on y va, on lève beaucoup pour viser très vite des dizaines de millions d'€ de CA !
Dans le même temps, quelques données :
- Walmart n'avait ouvert qu'une douzaine de magasins pendant ses 8 1ères années d'exploitation (entre 1962 et 1970, date de son intro en Bourse)
- Subway, 1ère chaîne de restauration au monde en nombre d'unités (près de 35000 quand même), n'avait ouvert que 25 restaurants sur ses 10 1ères années d'exploitation.
- Je rencontrais la semaine dernière un grand retailer qui projetait d'aller en Italie et il me disait qu'ils comptaient bien passer 3 ou 4 ans au minimum à apprendre et s'adapter au marché !
- Dans un post du 18 janvier, je citais Arnaud Mulliez d'Auchan qui pouvait attendre 5 à 7 ans avant de déployer un concept, tant que celui-ci n'était pas rentable.
Ces réussites ne se sont pas fait en quelques mois, ni même en quelques années. Il leur a fallu du temps...
J'ai beau être de culture Internet, j'ai beau avoir levé beaucoup et pour Photoways et pour Inspirational Stores, ma conviction profonde est que dans 99% des cas il n'est jamais nécessaire d'aller vite. Non seulement on ne peut pas aller plus vite que la musique (le marché), mais bien souvent la clé n'est pas d'aller vite mais de comprendre.
Comprendre le marché, comprendre les besoins, les habitudes et les freins des consommateurs, comprendre ce qui marche et ce qui ne marche pas, quand, comment, pourquoi, pour qui, etc.
L'un des plus grands actifs d'une société repose sur cette connaissance intime. On dira et on fera ce qu'on voudra, mais l'acquérir prend forcément du temps. Et vouloir aller (trop) vite, c'est souvent oublier au passage d'apprendre et de comprendre le marché.
Celui qui juste est allé vite, parce qu'il a par exemple mis une tonne de marketing (et nombreux sont les e-commerçants de ce style), mais qui n'a pas pris le soin de vraiment comprendre très intimement son marché, est à la merci de l'acteur, petit ou grand, qui a lui compris les vrais leviers intimes du marché.
En fait on veut aller vite pour développer un produit dont on sent qu'il va répondre à un effet de mode, et qu'il faut mettre sur le marché juste à temps. Mais pour le reste (et pour ce qui me concerne d'ailleurs), si on s'inscrit dans le long terme, je suis 100% d'accord avec toi! J'y vois 2 avantages majeurs:
- trouver LE bon produit, bien positionné, au meilleur prix
- se développer lentement mais sûrement (voire uniquement sur fonds propres) et conserver le contrôle à 100% du capital!
Posted by: Jerome | February 22, 2010 at 09:16 PM
Indeed
Posted by: MdeG iPhone | February 22, 2010 at 09:20 PM
...et tout l'art est d'arriver à faire bouillir la marmite pour les enfants pendant tout ce temps de vache maigre! excitant mais seuls les plus forts y arriveront, won't they?
Posted by: Jerome | February 22, 2010 at 09:57 PM
Bonjour,
il ne faut pas se presser, savoir prendre son temps, n'est-ce pas une qualité qui vient avec l'âge (incompatible en start-up) ?
merci pour cet article,
Posted by: Ecommerce Wall | February 22, 2010 at 10:38 PM
En fait, s'il faut se presser sur une chose, c'est d'apprendre et de comprendre...
@Jerome, les plus forts oui, mais il faut définir ce que c'est être "le plus fort" !
Posted by: Michel de Guilhermier | February 22, 2010 at 11:07 PM
C'est effectivement ce que je suis en train de découvrir en lisant les histoires d'entreprises successful et en développant ma société. La leçon suivante est de savoir tenir en attendant ! (faire du consulting / développement quand on est une société web ?)
Posted by: Sylvain | February 22, 2010 at 11:39 PM
Bonjour Michel,
c'est exactement ce que j'explique aux différentes structures auprès desquelles je cherche des financements actuellement.
Je ne prévois pas de gain la première année, un petit la deuxième et un décollage la troisième.
Mon plan d'affaire est réaliste, peut-être un peu prudent.
Je viens de l'industrie, domaine dans lequel on vit avec des cycles longs et où lorsqu'on fait un investissement, on fait systématiquement un calcul de VAN.
Bref, de l'économie à l'ancienne appliquée à un domaine qui n'en a pas l'habitude.
Mon message passe différemment suivant les interlocuteurs, une chose est sûre, les gens aiment rêver.
On m'a même carrément conseillé de bidouiller mon business plan, quitte à le rendre irréaliste. Ce à quoi je me refuse bien sûr. Mais ça en dit long sur les pratiques des uns et des autres.
Posted by: The Dudde | February 23, 2010 at 07:59 AM
100% d'accord, et c'est pourtant paradoxal pour les business online : on a l'impression qu'Internet est le secteur d'activité où tout va plus vite, où la lenteur vous condamne.
Après plus de 10 ans d'Internet (Cityvox, et maintenant Autrement), je revendique presque le droit d'aller "lentement" (voir ce post : http://www.autrementleblog.fr/se-hater-lentement/), afin de faire de la qualité, de construire patiemment un service à vraie valeur ajoutée.
Et je confirme que le discours n'est pas toujours bien compris, notamment de la part de certains investisseurs.
Ce que je dis à mes équipes : si ça vous paraît long et compliqué, c'est - aussi - ce qui nous distingue de la concurrence, qui aura bien du mal, ensuite, à rattraper ce retard.
Posted by: Michel Athénour | February 23, 2010 at 08:42 AM
Il faut mettre aussi en perspective les contraintes que peuvent imposer les fonds qui cherchent à faire de la croissance (VC) ou de la rentabilité (LBO) pour maximiser leur investissement à court/moyen terme qui vient souvent en contradiction avec la vision long terme de l'entrepreneur.
Posted by: Yoann | February 23, 2010 at 09:06 AM
Un de mes amis viticulteurs me disait récemment : "un bon paysan est un paysan qui prend le temps de travailler lentement..."
Le bon sens paysan ?
Posted by: fx | February 23, 2010 at 10:38 AM
Bonjour Michel,
pour compléter ce que tu dis et faire le lient avec ton post de début fév. sur "entrepreneurs, décarcassez vous absolument pour trouver votre modèle avec peu de capitaux", prendre le temps pour devenir « le plus fort et le plus gros » oblige à chercher la rentabilité dès les premiers mois d’exercice… quitte à lever par la suite pour faire effet de levier sur cette rentabilité uniquement si le modèle et le marché sont vraiment validés et décortiqués.
J’ai d’ailleurs l’impression que Jeremie Berrebi et Xavier Niel sont dans la même approche avec la création de leur fond Kima Ventures où ils précisent bien qu’ils attendent avant tout des projets simples qui vont démontrer dès le début, à leur « petite échelle » des résultats tangibles.
Je trouve cette approche actuelle rassurante versus la foule de projets web qui ont défilé sans répondre à un quelconque problème à part le fait de vouloir lever beaucoup d’argent pour se payer des salaires vraiment attrayant et refourguer la patate chaude au suivant :)
Barenton, notre confiseur préféré ne doit que mieux se porter.
Posted by: Christophe K | February 23, 2010 at 10:53 AM
un lien sans "t" c'est aussi bien, désolé...
Posted by: Christophe K | February 23, 2010 at 11:00 AM
C'est du Barenton en effet. Merci Michel, mais profites de tes vacances avant tout.
Posted by: Michel D | February 23, 2010 at 12:43 PM
Thks Buddy !
Ca reste des vacances !!
Je ne me fais par ailleurs un seul rdv "entrepreneur" par jour et le reste c'est family time !
Posted by: MdeG iPhone | February 23, 2010 at 01:26 PM