Hier, je rencontrais un jeune entrepreneur : il s'est lancé il y a quelques mois, a essayé, et viens de jeter l'éponge. Je lui ai dit qu'il avait raison, les conditions de marché, la concurrence présente et l'impossibilité pour lui à faire une différence (pour plusieurs raisons) et percer sur ce marché rendait la démarche de toute façon vaine.
Toute entreprise demande ces 2 ingrédients pour se développer, du temps et de l'argent, il y a donc 2 metrics à considérer le Retour sur Capital Investi et le Retour sur Temps Investi !
A y penser, il y a pire que perdre son argent, c'est perdre son temps, car ce dernier est finalement bien plus rare que le premier ! On peut lever et relever de l'argent, mais on ne peut pas revenir sur des années perdues et la vie est courte.
Il y a toujours une bonne chose à tout : un bel échec, net et sans bavure, montrant que la piste qu'on a suivi n'était vraiment pas la bonne, est positif car cela permet de passer à autre chose et, si on sait vraiment faire la part des choses, analyser lucidement et pragmatiquement, on en tirera de bons enseignements sur soi-même et les erreurs qu'on a pu commettre.
Mais que dire, que faire, si la piste suivie donne quelques résultats, mais très moyens, qu'on s'accroche encore pendant des années et des années pour au final ne toujours faire toujours que des résultats moyens at best. Je connais un des concurrents de l'époque Photoways, lancé quasiment au même moment soit il y a 10 ans environ, qui devrait juste cette année faire quelques centaines de K€ de CA (pendant que Photoways dépassera les 80M€). Il est endetté, il crève quasiment la faim, mais il s'accroche...désespérément.
Ce cas est extrême, mais combien je vois d'entrepreneurs qui suivent des pistes qui, j'en suis convaincu, ne les mèneront pas à grand chose : une petite création de valeur, at very best. Certes, avec le capital injecté par les investisseurs (éventuellement) ils auront eu leurs salaires payés pendant quelques années, mais bon, ce n'est ni glorieux ni satisfaisant, pour l'esprit comme pour le portefeuille.
Et c'est certainement le plus grand danger qui guettent la plupart des entrepreneurs, prétendus ou réels : s'entêter dans des voies qui in fine ne créeront pas de valeur.
Comme toujours, la frontière est tenue entre une saine ténacité et un entêtement stupide, mais pour schématiser s'il faut ou pas continuer, je dirais qu'il faut simplement s'assurer de 2 choses absolument nécessaires :
- Un vrai marché, des gens prêt à acheter les produits/services de la catégorie visée
- Une capacité à faire la différence et s'assurer un véritable avantage concurrentiel relativement pérenne.
Ces 2 éléments sont nécessaires, mais parfois pas suffisant. Il y a des secteurs où on a beau disposer d'un avantage concurrentiel, les economics restent difficiles et le retour sur investissement sur le long terme est intrinsèquement plus faible que dans d'autres industries. Mais cela est une autre histoire. De manière générale, vous pouvez garder cette règle d'or : un avantage concurrentiel solide amène généralement une rentabilité supérieure.
Bien souvent, l'objectif consiste à se créer un avantage concurrentiel sur un segment donné, car il est rarement possible d'être bon partout : une certaine cible de clients, un certain types de produits, une certaine gamme de prix, une région géographique, etc.
Mais il faut que, quelque part, cet avantage concurrentiel existe bien concrètement, et donc que certains clients aient de très bonnes raisons de venir acheter chez vous et pas chez le concurrent (à supposer toujours qu'il y ait un marché).
Si vous n'avez pas ça, si vous ne voyez pas comment vous créer quelque part un avantage concurrentiel, un conseil, passez à autre chose ! Mettez votre talent, votre énergie, votre ambition et vos capitaux si vous en avez, dans des directions qui vous feront réellement créer une bonne valeur et assureront à un bon retour sur le capital comme sur le temps investi !
Savoir lucidement bifurquer est certainement l'une des plus grandes forces du bon entrepreneur. La vie est pleine d'opportunités, mais toutes ne sont pas bonnes pour tous, car on a pas tous les mêmes capacités à les saisir et les transformer en bon business rentable.
Prouvez donc que vous êtes un bon entrepreneur en sachant vous arrêter et bifurquer, mais surtout ne végétez pas !
Un homme ne se définit pas par ses écrits et ses parôles (et surtout pas par ce qu'il peut mettre sur un blog, facebook ou twitter !), car on peut toujours dire n'importe quoi, mais bel et bien par ses actions et par les choix qu'il a fait dans la vie.
Aussi, quand je rencontre des entrepreneurs, au delà de leurs affirmations - ils sont toujours évidemment énergique, lucide, niakeux, customer-oriented, flexible, éthique, etc - je m'attache surtout à comprendre les choix et les actions qu'ils ont eu à faire dans leur parcours, comment ils ont notamment réglé les difficultés, ont-ils déja eu à s'adapter radicalement, etc. Ca, ça ne trompe jamais.
Et en matière d'investissement business angel, il y a une chose sur laquelle je ne fais aucun compromis avec les entrepreneurs : l'éthique, l'intégrité. Evidemment, un entrepreneur ne vous racontera pas ses actions "borderline" (voire pire), d'où toujours une due diligence poussée qu'il faut mener à ce sujet.
Comme on dit, on a parfois la tête dans le guidon, on se rend pas toujours compte de la situation réelle.
Ça vaut d'ailleurs pour tous les pans de la vie, même hors business.
T'es tu déjà retrouvé dans pareille situation Michel?
Posted by: Rémy Bigot | August 18, 2010 at 10:29 AM
Salut Rémy, bien entendu, et très souvent même et c'est normal : on suit de nombreuses pistes et on s'adapte jusqu'à trouver un bon filon. On ne trouve quasiment jamais son modèle du 1er coup, il faut itérer, et parfois radicalement changer. C'est même l'essence même de l'entreprenariat je dirais.
Posted by: Michel de Guilhermier | August 18, 2010 at 10:33 AM
Pour essayer de limiter les risques d'entêtement une solution est peut être de s'entourer de personnes extérieures à la société et qui peuvent avoir un regard neutre et plus objectif sur le business et son évolution. Mais encore faut il les écouter !
Posted by: Karim | August 18, 2010 at 11:03 AM
Oui, savoir écouter (shut up, listen & learn) est une des qualités à avoir.
Ceci étant, j'exhorte aussi ici à se focaliser sur une chose que tout un chacun peut faire : bien déterminer/articuler son avantage concurrentiel, et si on y arrive pas, là il y a danger à terme !
Posted by: Michel de Guilhermier | August 18, 2010 at 11:06 AM
Hello Michel.
Reconnaître ses erreurs et savoir bifurquer en faisant le deuil de la situation précédente est clairement une des qualités de l'entrepreneur !
Et le fait d'apprendre de ses erreurs !
Très bon article, je suis mille fois d'accord avec la phrase "il y a pire que perdre son argent, c'est perdre son temps".
Posted by: Guilhem Bertholet | August 18, 2010 at 11:31 AM
Hello tout le monde,
En plus du temps et de l'argent, je rajouterais "un bon réseau" !
Posted by: Thierry | August 18, 2010 at 11:46 AM
Tu pourrais étayer concernant la stratégie (et donc les bifurcations) d'Inspirational Stores en délégation e-com ?
Que penser des autres nombreux concurrents ?
Posted by: Michel D | August 18, 2010 at 02:52 PM
@Michel D : je dirais que ce n'est pas vraiment les concurrents qui sont la cause de l'arrêt, mais plutôt l'incapacité à s'en différentier durablement et apporter un vrai truc à un segment de clientèle... Michel l'exprime très justement dans son post.
D'ailleurs les autres concurrents risquent d'avoir le même souci...
@Michel : Le projet était sur un modèle e-commerce alternatif ?
Posted by: Guilhem Bertholet | August 18, 2010 at 03:45 PM
l'echec entrepreunarial est jugé mauvais par beaucoup en france, ce qui n'est pas le cas dans d'qutres pays ou le gout des essais et la conviction passent outre la notion d'echec. en tant qu'entrepreneur, ce que j'ai le plus eu du mal a digérer de mon dernier echec c'est le jugement exterieur. plutot que d'encourager a recommencer en tenant leçon du passé, on commente l'echec...
Posted by: sylvain | August 18, 2010 at 04:03 PM
@Michel D et Guilhem, en effet, ce ne sont pas les concurrents de la délégation e-commerce qui sont en cause ici ni d'ailleurs l'incapacité à se différencier. Celle-ci existe dans le métier, si on sait s'y prendre...
Allez, encore quelques semaines pour qu'on explique tout.
Quant à nos concurrents de la délégation e-commerce, je leur souhaite juste bonne chance. Mais à ce que je vois, je crois que la plupart ne créeront aucune valeur pour leurs actionnaires sur la distance.
Posted by: Michel de Guilhermier | August 19, 2010 at 07:53 AM
Quel teasing ! :)
Posted by: Guilhem Bertholet | August 19, 2010 at 10:21 AM
Bonjour, si j'avais lu un billet comme celui-ci il y a 1 an de cela, j'aurai perdu un peu moins de temps... (l'argent était déjà englouti) peu importe, je suis passée par là et votre réflexion me parle évidemment : j'ai l'impression d'avoir beaucoup plus "appris" et "grandi" durant tout la période où je décidais d'arrêter que lors de la création de mon entreprise.
Posted by: Julie Aubert Desbouvries | August 23, 2010 at 06:22 PM