Un graphique remplaçant mille mots, voila ci-dessous la raison financière à notre décision de nous mettre sur un autre terrain de jeu, ce dès la fin 2008 !
De quoi s'agit-il, des comptes (officiellement déposés) d'un ex confrère, en K€. Pas loin de 8M€ de pertes cumulées depuis 2007 à ce jour (sans même compter 2010). Ouch.
Ces pertes ne sont en fait qu'une partie de la problématique. Peu importe à la limite celles-ci si en contrepartie on crée sur la durée un actif "valuable" qui sera revendu pour bien plus que les pertes. En exemple, les actionnaires de Diapers avaient je crois investis 80M$, et la boite était certainement encore en perte quand elles fut rachetée par Amazon pour 540M$.
Et c'est donc là où rentrait une autre considération : comme je le mettais il y a un peu plus de 18 mois, je crois que pour faire la différence dans ce métier il ne faut pas des millions mais des dizaines de millions d'investissements, ce pour créer de vrais actifs tangibles : une belle logistique intégrée, une plateforme technique pointue hyper rodée et performante, s'intégrant d'ailleurs parfaitement aux SI des partenaires, du m-commerce, du multi-canal, etc.
Le problème n'est pas la réalité ou la crédibilité du marché de la délégation e-commerce (avec les 3 ou 4Mds$ de CA généré par GSI Commerce avec une grosse centaine de marques en portefeuille, il est évident que la demande est bien là), mais que pour bien le faire, avec une rentabilité et une création de valeur notable, il faut juste des actifs considérables.
Sinon, question "fond de commerce", que possède t-on ? : un portefeuille de quelques contrats s'étalant sur 3-5 ans, comme une société de conseil ou d'ingénierie après tout, certains n'étant d'ailleurs même pas rentable (voir tout en bas), et cela ne se valorise pas terriblement !
GSI Commerce, après 10 ans d'activité, une centaine de contrats très diversifiés générant plus de 1Mds$ de revenus nets (et près de 4Mds$ en CA généré pour les partenaires), de colossaux actifs logistiques (500.000M2 d'entrepôts) et techniques (800 techos en interne), a bel et bien une valeur. Mais la taille critique pour vraiment valoir quelque chose nous est apparue très élevée, et aurait pris du temps. Et est-ce que j'avais envie d'aller m'emm... avec des marques jouant les divas et m'imposant de faire ceci ou cela, pas faire ceci ou cela, la réponse et juste non !
Quand une marque a l'arrogance de dire "tu sais Michel, la raison de notre échec en Allemagne, c'est que les consommateurs allemands ils n'ont pas compris notre marque" ou que "mais Michel, tes clients Internet ce ne sont pas des vrais clients de la marque", on pense très fort qu'on est certainement pas en ligne...
Soit on est un tout petit, on se la joue frugal, malin, et on finit par se revendre une belle somme sans avoir trop investi, et la belle création de valeur actionnariale, soit on est très gros et on vise un actif pérenne sur le temps, mais cela demande alors beaucoup de capitaux. Entre les 2, on est dans le ventre mou...
Au final, je suis prêt à prendre le pari que la création de valeur qui sera in fine réalisée par ce confrère pour ses actionnaires sera quasi nulle, c'est à dire at best équivalente aux capitaux qui auront été investis. Et ils devront certainement relever encore des capitaux dans le futur vu qu'ils feront encore des pertes en 2010 et 2011.
Dès la fin 2008, ayant donc bien compris les difficultés et implications financières de ce métier pour créer une vraie valeur actionnariale, la décision était prise de totalement quitter l'axe originel, et nous nous en félicitons aujourd'hui. Nous n'avons rien dit initialement pour laisser nos confrères continuer à investir dedans et nous laisser tranquille. Pire, je l'avoue, j'ai même volontairement crée un écran de fumée avec l'accord GSI Commerce, bien réel, mais mis en avant bien volontairement et très opportunément pour "cacher" notre repositionnement et notre vraie activité...
Et nous nous m'amusions alors en coulisse de voir le confrère en question se glorifier des contrats qu'il signait ainsi que de sa belle assurance. Assurance devenue arrogance quand il m'écrivait que nous n'aurions "que les miettes" du métier. Pas très sympa du tout, mais je peux maintenant le rassurer, je lui laisse bien volontiers les gros morceaux, les plus indigestes !
Ce même confrère, à qui quand j'écrivais mon mécontentement après avoir été spammé sur mon blog par des IP en provenance de chez lui, me disait sans rire que personne de chez lui n'avait le "talent de plume" pour écrire cela. Belle considération de ses collaborateurs !
Ceci étant, sur le fond, il faut parfois savoir changer de terrain de jeu et allouer capitaux, énergie et talents dans ce qu'on croit peut apporter les meilleures chances de création de valeur. Bifurquer est selon moi bien plus un signe de réalisme et de pragmatisme de bon aloi qu'un signe d'échec cuisant ! Une vie d'entrepreneur n'est pas un long fleuve tranquille ni une belle autoute qu'on suit aveuglément selon le plan initial. C'est plutôt une petite route de montagne étroite passant par des sous-bois verglacés et des précipices à droite et à gauche !
Et comme le disait en off un client de cet ex confrère "je préfère passer les pertes chez lui plutôt que de les garder chez moi" !
Sympa la relation de dupe...
MAJ 28 Mars 2011
Le rachat de GSI Commerce par Ebay pour 2,4Mds$ montre bien que GSI Commerce, malgré sa faible rentabilité, disposait bel et bien d'un actif de qualité ! Ebay paye cher, mais c'était un actif sizable.
A l'inverse, je ne vois pas vraiment qui serait intéressé par l'actif d'un délégateur qui ne ferait que 10M€ de CA avec une dizaine de contrats par exemple et sans rentabilité.
un beau dessin vaut mieux qu'un long discours. belle illustration !
Posted by: Daniel | January 06, 2011 at 09:24 AM
Et pourtant c'était un concept extrêmement intéressant et je comprends que tu t'y sois frotté. Ce que j'aime chez toi Michel (c'est pas une déclaration hein ...) c'est que tu communiques sur tes succès mais également sur tes échecs. Tous le monde fait des erreurs (même si celle là n'en est pas vraiment une) l'important étant de ne pas pas la répéter et surtout de ne pas s’entêter.
Posted by: Jérôme | January 06, 2011 at 10:29 AM
Salut Michel,
question bête : c'est pas pour ca aussi que ce genre de boites lève de gros fonds ? A "terme", c'est vraiment pas rentable ?
Posted by: Thierry | January 06, 2011 at 11:06 AM
Très intéressant. Ça aide à prendre du recul par rapport à son propre business.
Merci.
Posted by: Damien | January 06, 2011 at 11:19 AM
@Thierry !
Oui, ce métier demande au final beaucoup de capitaux si on veut prendre les grosses marques. c'est pour ça qu'initialement on avait choisi les petites marques à petite volumétrie, sciemment, voyant l'exemple coûteux de GSI Commerce.
De fait, le confrère en question, dont bcp auront compris de qui il s'agissait, se met aussi à faire des petites marques maintenant.
Maintenant, je ne dis pas que ce ne peut pas être rentable, mais je dis que :
1) La voie de la rentabilité est étroite
2) Pour les grosses marques, il faut bcp de capitaux
3) On est pas sur de recouvrer à termes les capitaux investis.
A titre personnel, ce qui n'a rien à voir avec plus haut, je n'avais vraiment pas de plaisir du tout à faire du B2B avec des marques qui imposent et brident...et je n'avais pas envie de passer encore 3 ou 4 ans de vie à ne pas créer bcp de valeur.
La vie est courte, il faut mettre énergie, talent et capitaux vers ce qui rapporte mais aussi vers ce qui apporte du fun
Posted by: MdeG iPhone | January 06, 2011 at 12:22 PM
@Jérôme,
Tu sais, quand on a compris que le chemin de la réussite c'est d'essayer, tester, parfois échouer, puis rebondir avec succès, il n'y a AUCUN problème !
Les français ont un vrai pbm avec l'échec, or ça fait totalement partie du risque entrepreneurial. Evidemment qu'il faut minimiser les risques, mais on ne peut jamais tout contrôler, tout assurer, et c'est tant mieux, sinon ça n'aurait pas de sel.
C'est ce que j'aime en entreprenariat, on prend des risques, dont celui de se planter. Parfois ça arrive, et alors ? On rebondit, en tirant les leçons...
Le plus compliqué au final c'est de rester psychologiquement froid et lucide et de tirer les vrais bonnes leçons du pourquoi de l'échec.
Bien souvent on cherche des raisons externes, or c'est bien interne...
Posted by: MdeG iPhone | January 06, 2011 at 12:25 PM
a ajouter peut etre deux elements:
- on a sous-estime la faible appetence de l'internaute sur des marques de qualite tier II (non pejoratif, mais ni gucci ni prada). Le metier marche soit sur de l'ultra-niche soit sur la tres grosse volumetrie. Des marques qui ont un ressenti fort en offline transferent tres mal sur l'online, pas juste en terme de search volume (ca c'est mesurable et on peut attirer les clients differemment) mais aussi en terme de conversion.
- On a sous-estime la difficulte a garder l'alignement avec les marques dans un marche en difficulte. Grey market, ventes privees, l'inventaire part dans tous les sens a faible marge.
Effectivement on a tres bien fait de tout remettre en cause meme si c'etait tres dur pour l'equipe en place qui avait ete recrutee avec beaucoup de soin. Je pense que tout le monde a ete replace (et bien) suite au gros travail d'Emrik Bion et de Martin Genot.
Eric Plantier nous a aider a screener une ribambelle de segments et de societes jusqu'a la rencontre avec les entrepreneurs de motoblouz et la nego menee par Michel. So we live to fight another day, avec le market leader sur le segment de l'equipement moto.
Posted by: Fred Destin | January 06, 2011 at 01:42 PM
Indeed Fred !
Posted by: MdeG iPhone | January 06, 2011 at 01:51 PM
@Michel "mais aussi vers ce qui apporte du fun"
J'aime cette phrase. On oublie bien souvent que la raison de devenir un entrepreneur est d'être heureux :)
Heureuse année à tous !
FX
Posted by: fx | January 06, 2011 at 02:33 PM
Bravo aux investisseurs d'avoir accepté ce gros virage.
Dans ma première startup, où on avait levé nos 14 millions d'euros, nos investisseurs n'ont pas suivi quand ca commencait à mal tourner.
Comme tout le monde on n'arrêtait pas de chercher un vrai modèle qui ramenait vraiment des sous en caisse.
Les investisseurs en ont eu marre, et on prit peur. Maintenant, l'équipe dirigeante (dont je faisais partie) n'avait peut-être pas non plus réussi à les rassurer suffisamment.
Autre époque.
Posted by: Thierry | January 06, 2011 at 02:38 PM
Fin 2008, quand on a décidé de bifurquer, on a aussi proposé en toute transparence "on ferme tout et on rend l'argent aux actionnaires", solution qui n'a pas été retenue par nos 2 principaux actionnaires (Atlas avec Fred Destin, et OTC AM avec Jean Marc Pahlon).
On a eu la chance qu'il continue à nous faire confiance pour créer de la valeur différemment de ce qui leur avait initialement proposé.
La question de la confiance est en effet très importante. Les VCs ne sont parfois pas très doués pour être patient quand ça va mal, mais nous avons la chance d'avoir de bons VCs !
Posted by: MdeG iPhone | January 06, 2011 at 02:45 PM
Bonjour Michel,
Je ne comprends pas du tout la phrase 'Nous n'avons rien dit initialement pour laisser nos confrères continuer à investir et s'enliser dedans'.
Si tu changes de business , quel problème est-ce que ça pose de communiquer sur le sujet ? Ces confrères ne sont plus des concurrents à qui il peut être nécessaire de masquer sa stratégie ,
Amicalement,
Alain
Posted by: Alain | January 06, 2011 at 10:37 PM
Hello Alain,
En fait 2 raisons :
1) Ce confrere aurait pu venir là où on était. Inutile d'avoir plus de concurrents que nécessaire !
2) Vu son comportement ("tu n'auras que les miettes")...
A vite
Posted by: MdeG iPhone | January 06, 2011 at 10:53 PM
Bonsoir Michel,
Question simple peut être mais peux-tu préciser sur "tout petit"..
C'est à dire, agir avec des acteurs très locaux, petit périmètre..?
Car, j'imagine que même pour un petit, les coûts restent importants (à son niveau). Bien que l'entreprise cliente puisse être plus souple (vs. le cas IS avec des marques pas toujours en phase avec les réalités du e-commerce)
Posted by: Charles C. | January 06, 2011 at 11:41 PM
Tout petit : une équipe réduite de qq personnes tres compétentes, du variable, dans un vertical spécifique, etc.
Posted by: MdeG iPad | January 07, 2011 at 12:01 AM
Bonsoir,
Cette histoire date, tant mieux si vous avez pu changer
De memoire ce qui m avait plu c etait toutes ces marques avec une veritable valeur ajoutee sur les produits, de belle choses .. le luxe quoi. Par contre ce qui m avait gene a l epoque c etait les differenes criantes entre ces marques.
Je trouve complique de faire du business sur de l alimentaire et de la fringue par exemple, ce qui etait le cas.
Maintenant je reste persuade qu une marque comme Laduree aurait fait un carton enorme avec un site performant. Ok pour la logistique lourde, mais pour cette marque par exemple vous aviez les moyens de gerer sans depenser des millions.
Bon courage pour la suite, un fidele lecteur!
Posted by: Etienne ONPP | January 07, 2011 at 12:32 AM
Bonjour Etienne, oui, il était possible d'opérer avec des coûts bien plus réduits !
Posted by: MdeG iPhone | January 07, 2011 at 06:48 AM
C'est Mixcommerce.... (CENSURE 2/02/2011)
Posted by: XXXXXXXXXX | January 29, 2011 at 07:18 PM
Je tiens à préciser que le commentaire/l'opinion ci-dessus n'engage que son auteur.
A la demande de Philippe Rodriguez de MixCommerce, j'en ai d'ailleurs censuré la fin.
Comme je l'exprimais dans le post, et dans d'autres aussi, le modèle de délégation e-commerce est un modèle très délicat, demandant énormément d'investissement si on veut avoir des grosses marques, et la voie de la rentabilité est étroite.
Elle est d'ailleurs tout autant pour nos amis de GSI Commerce, l'américain leader mondial du secteur, que pour les autres opérateurs, localement en France ou ailleurs.
GSI Commerce est d'ailleurs aussi en perte en 2010 au niveau du résultat net (EBITDA positif cependant).
Il faut parfois savoir investir pour le long terme.
Le risque est cependant que l'investissement ne soit pas recouvré, that's all. IS a quitté ce secteur car on pensait simplement qu'on pouvait allouer capitaux et énergie plus efficacement.
Le secteur de la délégation e-commerce est chaud en France. IS l'avait inauguré dés début 2007, et depuis il y a bien plusieurs dizaines de concurrents, directs et indirects, qui se sont mis dans ce métier.
Pour moi, il est loin maintenant. Mais maintenant qu'on l'a quitté, les regards se tournent naturellement vers l'autre opérateur qui a levé de façon significative.
Posted by: Michel de Guilhermier | February 02, 2011 at 05:09 PM
Bonsoir,
Juste une précision pour dire qu'il existe effectivement de nombreux concurrents. Je travaille personnellement chez Neeetcommerce (http://www.solucia.fr/neeetcommerce) qui fait de la délégation e-commerce en étant rentable. Parmi nos références en délégation totale ou partielle, nous comptons :
- du hard discount : lancement réussi de vetaffaires.fr comme en témoigne son président : http://www.labourseetlavie.com/Videos/L-interview/video-Remy-Lesguer-President-du-Directoire-Vet-Affaires
- du B to B (Vif Furniture), du crédit (CentralFinances)...
Nous avons également participé au lancement e-commerce de Made In Sport ou Galeries Lafayette
Posted by: Ryndak | February 03, 2011 at 09:33 PM
Bonjour,
Il semble que la délégation attire les marques qui souhaitent "tester" l'e-commerce sans stratégie forte d'association au réseau de vente existant.
Une telle démarche est alors difficile à accorder aux évolutions du marché qui sont tournées vers le multi-canal, le cross-canal, la mobilité; et donc une véritable mise en relation des canaux entre eux, ne serait-ce que pour le retrait des articles en magasin.
Je rejoins donc votre analyse sur ce plan.
Posted by: JM Salaün | June 08, 2011 at 10:13 AM
Vous semblez avoir été trop optimiste sur la récupération de l'investissement par les actionnaires de Mix commerce, ce serait donc 15m€ de perdus ?
Posted by: Philippe | April 26, 2012 at 05:32 PM
C'est peut être un poil plus compliqué car il doit t avoir un earn-out. La Postr à déjà fait le coup : achat pour une bouchée de pain et earn-out si....
Posted by: MdeG iPhone | April 26, 2012 at 05:59 PM