Amis entrepreneurs, je continue le post "les métiers de chien" en vous livrant ci-dessous, de façon anonyme, le mail reçu d'un ancien participant à l'Atelier Entrepreneurs du printemps 2010 qui était...dans un métier de chien !
Bel exemple de lucidité, pragmatisme et adaptation !
"Bonjour Michel,
Tout d’abord, un grand merci, certes un peu tardif, pour l’envoi en début d’année des slides de l’atelier entrepreneur auquel j’ai assisté en juin 2010.
Je réagis à ton dernier billet sur les métiers de chien. En lisant le titre, j’ai tout de suite su que le contenu allait me concerner. Et je ne me suis pas trompé ! J’ai mis du temps à m’en rendre compte. J’ai modifié sans cesse mon approche commerciale, les détails de plus en plus poussés dans les contrats, les méthodes de travail de plus en plus cadrées, en me disant que si les clients n’étaient jamais contents, c’est que je devais sûrement faire mal quelque chose quelque part.
Et puis je me suis rendu à l’évidence : je travaille dans un domaine où les clients ne sont jamais contents, où ils ne se rendent pas compte du travail monstrueux effectué, où ils n’acceptent pas de payer le « vrai » prix et négocient tout le temps, même quand c’est terminé, où ils invoquent toujours telle ou telle micro différence d’exécution par rapport au cahier des charges pour demander des « cadeaux ».
Je n’avais pas mis de terme sur mon métier, mais métier de chien lui colle bien finalement. Mon métier, c’est .../...
Ceux qui s’en sortent dans mon métier, et ils sont très peu nombreux, sont ceux qui ne font pas ce qu’ils ont annoncé, mais qui s’en foutent. Qui partent parfois sans avoir le solde, mais qui en ayant travaillé de cette façon plus qu’aléatoire se sont bien débrouillés pour gagner assez d’argent même sans le solde. Aux US, on appelle ça des « trunk slammers ». Je ne suis pas capable de travailler comme cela. Trop honnête, pointilleux et jusqu’au-boutiste. Ces sociétés n’arrivent forcément jamais à faire de repeat business. En me tenant à mes méthodes et à ma vision, je me suis dit que même si c’était difficile, au moins avec le bouche à oreille j’aurai de nouveaux clients. Peine perdue, étant donné que même quand tout a été réalisé comme prévu les clients ne sont jamais contents, je n’ai pas plus de repeat business que les trunk slammers.
Lorsque j’ai pris un peu de temps pour étudier mes concurrents via leur bilan, je me suis aperçu que, concernant ceux que j’estime travailler honnêtement, aucun ne faisait gagner de l’argent à sa boite, aucun n’arrivait à se constituer une trésorerie, aucun n’arrivait à se payer correctement, aucun ne réussissait à construire et développer quelque chose. Tout le monde stagne, tout le monde vivote. Sans compter ceux qui coulent régulièrement parce qu’ils se sont fait planter par un client qui ne paye pas sur un chantier trop gros pour être amorti par les réserves financières de la boite.
Après avoir appliqué les commandements vus lors de l’atelier entrepreneurs, cela m’a finalement pris quelques mois pour me rendre compte de cette situation, décider et accepter d’arrêter. Arrêter m’a pris un peu plus de temps que prévu car je n’ai pas su stopper les projets en cours du jour au lendemain. Je suis allé au bout des contrats chez tous mes clients. Je n’ai pas su arrêter comme vous l’avez fait avec IS et ses premiers clients, alors que c’est ce que j’aurai dû faire ! Je n’en avais peut-être pas la possibilité financière non plus.
Aujourd’hui, je me suis repositionné en tant que consultant pour vendre cette expertise accumulée du terrain, des produits, du métier, et j’ai déjà un beau contrat en cours pour un fabricant. C’est une façon de me « reposer » pour commencer, car ces 4 dernières années ont été épuisantes en termes de stress et de déplacements. Mais aussi de tout remettre à plat pour reconstruire quelque chose dans un métier qui ne sera pas un métier de chien !
Et encore merci pour cet atelier. Les notes que j’y avais prises m’ont aidé plus qu’autre chose à ouvrir les yeux sur ma situation, à l’analyser et à réussir à arrêter au lieu de continuer à m’enfoncer sans fin".
A méditer !
Et ce qu'il m'écrivait aussi par la suite après ma réponse om je lui disais que selon toute probabilité il recommencerait bientôt à entreprendre :
"J’espère bien entreprendre à nouveau. C’était la deuxième fois. La première était réussie, j’ai vendu l’activité pour créer la seconde. La seconde beaucoup moins, mais je ne vais pas rester sur cet « échec ».
Echec qui m’aura appris bien plus que la première entreprise d’ailleurs, infiniment plus.
La première fois finalement, c’était presque trop facile, ça m’a aveuglé pour la seconde ! La vente de la première m’a permis de faire vivre la seconde sans me verser de salaire pendant 3 ans. J’étais tellement frugal, pour reprendre un de tes termes favoris, que je me serais presque habitué à trouver normal que l’entreprise ne gagne pas d’argent".
L'histoire de cet entrepreneur, ça illustre aussi selon moi qu'un entrepreneur c'est peut-être aussi comme un homme politique, ça se construit dans la durée ! Une vie d'entrepreneur est fait de succès et d'échecs (idéalement, juste des demi-echecs seulement !), mais le tout est toujours d'avancer, entreprendre, créer, défricher, aller de l'avant, surmonter et faire tomber les obtsacles, chuter puis se relever avec encore plus d'allant, etc...
"Le succès, c'est d'aller d'échec en échec sans jamais perdre son entousiasme !" (Churchill)
C'est quoi ce métier de chien, histoire qu'on se plante pas nous aussi ;)
Posted by: Mourad | October 05, 2011 at 08:41 AM
Très lucide ce témoignage !
Dommage, Michel, que tu aies pas cité le métier de ce participant. J'aurais aussi aimé savoir de quoi il s'agissait.
Bonne continuation à lui...
Posted by: Olivier | October 05, 2011 at 10:27 AM
Excellente cette contribution. Merci infiniment. D'observations, il n'est pas trop difficile d'imaginer son métier; genre web agency, proprietary softs/applications developper ou entrepreneur de travaux ou producteur, bref un métier exactement comme il le décrit, pris entre deux étapes d'un process qui l'écrase, qu'il ne peut maitriser totalement 'proprement' et avec une concurrence féroce, locale et internationale où tout tire vers le bas, avec des clients 'ruthless' qui en jouent et en profitent (logiquement) à mort. C'est le cas de le dire. lol. Bon bref, qu'est-ce que je vais faire moi alors? La citation de Churchill est grandiose mais nos banquiers ne sont pas si philosophes. Et pour eux comme pour nos pères, cet enthousiasme inébranlable frise l'inconscience artistique. Champagne!! A nos prochaines entreprises! Yeeha!
Posted by: Jacques-André Bondy | October 05, 2011 at 11:26 AM
@Mourad, Olivier : pas pu citer car le participant ne voulait pas....et je comprends fort bien car il a encore des clients...
Posted by: MdeG iPhone | October 05, 2011 at 11:29 AM