Comme je le postais il y a quelques jours, le 4ième trimestre 2011 a été hallucinant pour Apple, tant en croissance (+80% en CA) qu'en rentabilité (+120%), avec le 2ième plus gros bénéfice trimestriel de toute l'histoire économique (après Exxon).
Pourtant, la hausse du titre ne fut pas à la mesure des ces résultats exceptionnels, même si l'action a tout de même pris un peu plus de 5% vs les 420$ où elle était avant l'earnings report et qu'elle a redépassé Exxon comme 1ère market cap mondiale : hors cash disponible, Apple ne vaut aujourd'hui qu'environ 10x ses résultats 2011 (35$/action) et 8x les résultats 2012 anticipés (42$/action). Pour une société connaissant une telle croissance, c'est quelque part une aberration.
Les 2 raisons fondamentales principalement invoquées pour cette prudence (qui est chronique en fait, cf tout en bas *) :
- Avec déja près de 130Mds$ de Chiffre d'Affaires, Apple ne peut plus croître aussi vite.
- Apple est extrêmement dépendante de l'iPhone qui réalisé plus de la motié du CA et des 2/3 des profits, et on a vu à quelle vitesse RIM et Nokia avaient sombré.
S'en tenir là serait aller bien trop vite en besogne et ne tient pas compte de 2 autres réalités tout aussi tangibles :
1) Apple est positionnée sur des secteurs en forte croissance et en bénéficie naturellement :
- Il s'est vendu plus de 400M de smartphones en 2011 (plus que de PC), ce pour un marché total de 1,5Mds de téléphones. Le réservoir de croissance est donc encore extrêmement large. Apple n'a que 6% du marché mondial de téléphones contre 25% à Nokia.
- Tim Cook voit à terme un marché de la tablette (autour de 60M d'unités en 2011) dépassant celui des ordinateurs (soit 400M d'unités/an). Je le pense aussi tant la versatilité de la tablette permet un grand nombre d'usages dans des contextes très variés. La aussi, il reste un énorme réservoir de croissance. A noter aussi qu'Apple a vendu 15M d'iPad au Q4 2011 pour 5M de Mac...
- Apple est très bien positionnée en Chine, qui connaît une croissance explosive : la classe moyenne, de 300M de personnes actuellement, devrait doubler dans les 10 ans ! Dit autrement, un nouveau marché aussi important que les US ou l'Europe devait se créer la-bas !
2) Apple dispose d'avantages concurrentiels très forts :
- Un effet de taille, 1er acheteur mondial de semi-conducteurs, il bénéficie non seulement de prix meilleurs, mais peut aussi assécher le marché en réservant les productions à son profit, ce qui empêche tout simplement les autres constructeurs de produire les quantités qu'ils voudraient.
- Une R&D rodée, extrêmement efficace et focalisée. Le nombre de produits d'Apple est extrêmement réduit. Il n'y a par exemple aujourd'hui que 3 modèles d'iPhone (3GS/4/4S).
- Un puissant réseau de distribution propre (qui joue parfaitement sa complémentarité avec l'Apple Store Online) et une marque emblématique au fort pricing power.
- L'iPhone, plus qu'un téléphone, est un puissant eco-système, chose que ni Blackberry ni Nokia n'ont réussit à développer. idem pour l'iPad.
- Enfin, une balance sheet "pristine" comme dirait les analystes américains : 100Mds$ de cash et aucune dette...
Aussi, positionnée aujourd'hui sur des marchés à forte croissance, qui peuvent encore doubler ou tripler de taille dans les 5 ans (les smartphones, les tablettes et l'Asie notamment la Chine), jouissant d'avantages concurrentiels solides, je pense tout simplement que les chances sont extrêmement fortes qu'Apple double au minimum de taille dans les 5 ans.
Bien évidemment, on parle ici de potentiel, ce qui n'enlève rien aux risques d'exécution !
Et ce potentiel ne prend même pas en compte l'irruption sur d'autres marchés. On parle beaucoup de la télévision, marché de 200Mds$ au niveau mondial, même s'il reste à Apple à inventer la dedans un modèle lucratif (avec forcément de la valeur ajoutée via le contenu et l'interface).
Il y a 1 an, j'estimais qu'Apple réaliserait 200Mds$ de CA en 2015, aujourd'hui je crois qu'il faut plutôt viser 300Mds$. Le taux de marge nette, de 26% en 2011 (33Mds sur 128Mds$ de CA) ne devrait sans doute pas rester à ces niveaux (l'iPad est moins porteur de marge que l'iPhone), mais en tablant sur 20% par exemple cela donnerait tout de même 60Mds$ de profit net.
De quoi justifier une valorisation de 600Mds$ + le cash disponible à ce moment là. En supposant de façon extrêmement théorique qu'Apple garde tout le cash généré d'ici là, elle aurait certainement dans ses caisses bien plus de 300Mds$ en 2015, cela nous amènerait à 900Mds$, soit environ 1000$/action.
Bien entendu, il est plus que certain qu'à un moment donné Apple va retourner le cash aux actionnaires (en dividende et/ou stock buybacks), du moins en partie, mais in fine - modulo l'impact fiscal - la valeur reviendra dans la poche de l'actionnaire.
A 450$ l'action aujourd'hui, et dans une perspective de 1000$ en 2015 (si sans dividende d'ici là), il y a de quoi monter une belle stratégie d'investissement.
Disclaimer pour rire : je suis évidemment "long" sur Apple, et j'entends bien me renforcer très significativement dans les jours, les semaines et les mois à venir en fonction des dips que le marché ne manquera pas de m'offrir dans son court-termisme et son irrationalité classique !
Qui veut parier avec (contre) moi que dans les 4 ans le cours de Bourse d'Apple aura doublé (dividende-adjusted) ?
(*) De la prudence chronique des analystes avec Apple : Horace Dediu, l'un des analystes les plus fin et perspicace sur Apple, a publié sur son site Asymco le tableau suivant qui donne l'écart entre les estimations des analystes et les résultats réels, année après année (par exemple, ils prévoyaient 25% de croissance en 2011 alors qu'Apple a délivré 83% !) :
Le marché chinois et les débuts fracassants de l'iPhone 4S sur celui-ci me semblent en effet être de sacrées garanties sur le futur d'Apple, en offrant un très beau relais de croissance. Bref, su je devais acheter une valeur en bourse, il est clair que ce serait du Apple :)
Posted by: Jean | January 29, 2012 at 10:01 AM
Encore un billet très instructif, merci Michel.
Posted by: Michel | January 29, 2012 at 10:06 AM
Je suis long également sur Apple à moyen terme. J'aimerai ca tu élabores sur '' il y a de quoi se monter une belle stratégie d'investissement'' et quand tu dis se renforcer sinificativement c'est quel % du portefeuille ?
Posted by: Patrice B. | January 31, 2012 at 05:42 AM
Je ne crois pas qu'il faille considérer le % du portefeuille mais plutôt (et en ce qui me concerne) le % du patrimoine et l'objectif fixé à ce portefeuille boursier : plus value, rendement, etc.
Il faut aussi se rappeler qu'il ne faut jamais rien laisser en Bourse dont on aurait besoin à court terme. Il faut le voir comme un placement immobilier long terme. On investit sur des sociétés qui vont se valoriser overtime, ou qui rapportent avant tout du rendement (ie Pharma, Telecom, Utilities) mais qui peuvent aussi subir les soubresauts classiques, et parfois violents, du marché.
Donc il m'est très difficile de donner un % puisque cela dépend des situations de chacun, le cash qu'il aurait besoin à court terme, de son attitude par rapport au risque, des objectifs du portefeuille, et de ce qu'il a comme autre actions à côté (et de leur rendement).
En ce qui me concerne, Apple fait actuellement 20% de mon portefeuille, et je n'aurais pas de pbm à passer à 50%. Mais c'est parce que à côté j'ai un très gros paquet en Assurance Vie placé en fonds €, qui rapportent pas grand chose, mais de façon certaine.
Mais ce n'est en rien un conseil, c'est par rapport à ma problématique propre.
Posted by: Michel de Guilhermier | January 31, 2012 at 07:16 AM