Le post d'hier sur la perspective à 10 ans des eCommerçants a peut-être du réchauffer le coeur de certains puisqu'on peut parfaitement imaginer construire un petit niche player rentable et viable (sous réserve de...).
Alors pour ceux qui tentent l'aventure, je vais donner la règle des 3Cs en eCommerce que j'ai évoqués lors de la 1ère conférence eCommerce et Rentabilité de mai 2010, les 3 paramètres sur lesquels vous devez absolument vous focaliser et qui vont orienter vos actions et votre stratégie. Vous ne la trouverez nulle part ailleurs puisqu'elle est "maison" !
Comme toujours, la réussite est fonction de focus, mais il faut se focaliser sur les bonnes choses (ce que très peu de personnes savent faire !). Et ma vision est que vous devez construire votre business autour des 3 grands paramètres spécifiques ci-dessous.
- Customer Life Time Value (CLTV).
La 1ère donnée à calculer, c'est quelle est la valeur totale d'un client pour votre business. La formule est simplement Marge Nette/commande x Nombre de Commandes par an que le client est susceptible de passer x Nombre d'année où il peut venir commander.
Si la marge nette est relativement facile et directe (marge brute - tous les coûts variables associés à la commande), le nombre de commandes que le client peut faire sur sa durée de vie est évidemment une hypothèse énormément plus "tricky". Est-ce que le client va revenir 1x, 2x, ou 5x par an chez vous, est-ce qu'il va rester 2 ans, 5 ans, 20 ans ?
Cela dépend bien évidemment de la largeur de votre offre (plus il y a de produits, plus il y a des raisons de revenir), de la nature des produits et de l'utlisation que les clients en font (on achète pas un matelas tous les 6 mois), mais aussi de votre position concurrentielle et de la satisfaction de vos clients (cf plus bas le CNPS).
Amazon a une vision très long terme, et a d'ailleurs insisté à plusieurs reprises sur le fait que ça ne le dérangeait pas de perdre de l'argent à court terme, car il n'a en tête que la Life Time Value d'un client. La pieuvre du Seattle estime que si elle fait du bon boulot (le plus vaste choix, les meilleurs prix et le meilleur service, "start from the consumer and work backward") il n'y a pas de raison, vu que c'est le plus grand hypermarché de la terre, que le client ne revienne pas des centaines de fois durant les prochaines décennies, et que la valeur moyenne potentielle du client peut donc être de plusieurs milliers d'euros. Hypothèse parfaitement légitime.
J'aime bien vendre des chaussettes et du champagne, ce sont des besoins assez récurrents qu'on garde durant des dizaines d'années !
- Cost of Customer Acquisition (CoCA)
Fort de ce qu'un client peut potentiellement représenter comme valeur pour vous, vous avez de quoi décider combien vous êtes prêt à le payer ! Le CoCA est le total des dépenses marketing d'acquisition divisé par le nombre total de clients acquis.
Si vous êtes convaincu que votre client peut avoir pour vous une Life Time Value de 1000€ sur la distance, il ne faut pas hésiter à le payer 100€ par exemple, même si sur sa 1ère commande il ne vous rapporte que 50€.
Mais, évidemment, une erreur d'appréciation sur la Life Time Value vous influencera sur le CoCA acceptable, et peut alors très lourdement vous induire en erreur et vous couler.
Si le CocA par SEM est supérieur à la CLTV, il vous reste à vous décider si vous voulez prendre le risque d'investir opur le futur façon Amazon, ou si, plus prudent, vous en restez par exemple au SEO, au bouche à oreille, etc.
Lors d'une de mes conférences eCommerce & Rentabilité, Xavier Garambois, le CEO d'Amazon France, insistait sur le fait de ne pas chercher à être rentable tout de suite avec un payback de l'investissement marketing immédiat. Attention, ce n'est pas aussi simple que cela, sauf en effet pour Amazon qui en effet avec ses millions de produits sur les linéaires vous fournit des centaines d'occasions par an de revenir acheter chez eux, et qui de plus a les moyens financiers de jouer le long terme...
- Company Net Promoter Score (CNPS)
Metrics fondamentale pour moi, moins connue et moins utilisée, développée il y a une douzaine d'année par un partner de Bain & Company, le Net promoter Score est une mesure de la satisfaction client.
Le principe consiste à demander à vos clients de noter de 1 (en aucune façon) à 10 (sans aucune réserve) le degré selon lequel ils vous recommanderaient à leurs amis. Ceux qui notent 9 ou 10 sont les "promoteurs", ceux qui notent de 1 à 6 sont les "détracteurs" et le NPS étant la différence entre les promoteurs et les détracteurs (on oublie alors le ventre mou, ceux qui notent 7 ou 8).
Cette question "notez de 1 à 10 comment vous nous recommanderiez à vos amis" est la "question décisive".
Il faut savoir que dans un certain nombre d'industries (la banque et les opérateurs téléphoniques par exemple) le NPS est négatif. Ainsi, il ne faut pas être étonné si, quand un trublion arrive (Free), il prend en 2 temps 3 mouvements quelques millions de clients : il y a une telle base d'insatisfaits que le terreau est propice !
Il y a un lien totalement direct entre le NPS et la rentabilité, ce qui est parfaitement logique :
- Plus le NPS est élevé plus la société bénéficie d'un très fort bouche à oreille positif ce qui diminue ses coûts d'acquisition marketing
- Plus le NPS est élevé plus vous avez des clients fidèles, un faible churn, donc avec une forte Life Time Value, et avec le temps vous bénéficiez d'une base de plus en plus importante qui revient régulièrement. Ainsi, c'est uniquement avec un NPS excellent qu'on peut rendre "concret" une Life Time value théorique. Le client ne reviendra réellement que s'il est totalement satisfait de votre service, et ce bien plus qu'avec des produits/solutions concurrents.
Apple a l'un des meilleurs NPS (le meilleur même je crois), toutes industries confondues...et sa rentabilité nette est juste extraordinaire avec 27% ! Amazon possède également l'un des meilleurs NPS du monde.
Attention, j'insiste sur une chose, un client juste "satisfait", ie qui note 7 à 8 seulement à la question décisive, à savoir qu'il ne recommande que mollement votre service, est très insuffisant. Il faut vraiment qu'il soit totalement conquis pour le recommander sans réserve. Car c'est ce même client qui reviendra sans hésitation chez vous au 1er besoin, alors qu'un client vous ayant donné 7 pourra revenir chez vous comme aller chez le concurrent.
Un NPS très important est aussi quelque part le reflet que l'entreprise bénéficie d'une position concurrentielle extrêmement forte, et c'est bien cela qu'il faut rechercher sur sa niche, son segment, son marché. Avantage concurrentiel = rentabilité, équation assez simple.
Je ne vais pas faire un cours ici sur comment utiliser à fond le NPS, il faudra vous inscrire à mes Ateliers "Ecoute Client", voir ICI.
On pourrait compléter en trouvant d'autres "C" pertinents (churn, conversion rate, cash conversion cycle par exemple), mais je crois que ces 3 grands paramètres là sont de loin les plus essentiels.
Alors focalisez vous dessus !
Bravo ! Retour aux billets de fond sur ton blog, bonne nouvelle ! 3 metrics à la fois clairs et pertinents. Souvent oubliés :)
/Olivier
Posted by: WebAnalytics eCommerce | June 06, 2012 at 08:34 AM
Merci pour ces notions de bases qui nous font tous fare des parallèles avec notre business.
Posted by: Stephane | June 06, 2012 at 09:49 AM
G.E.N.I.A.L car simple et profond
C'est le vademecum de tout entrepreneur, pas uniquement pour l'e-commerce
Posted by: Thomas | June 06, 2012 at 09:57 AM
Merci Thomas, indeed, c'est parfaitement valable pour tout business.
- Combien rapporte un client sur la durée ?
- Combien il coûte à acquérir ?
- La position concurrentielle et la satisfaction totale de ses clients
Posted by: Michel de Guilhermier | June 06, 2012 at 10:31 AM
Merci Olivier, mais ne te sens pas obligé de faire à chaque fois de la pub pour Altics...
Posted by: Michel de Guilhermier | June 06, 2012 at 10:32 AM
Mois ça me rappelle les 10 Bessemer's laws.
http://venturebeat.files.wordpress.com/2010/12/bessemer_top_10_laws_ecommerce_oct2010.pdf
sur le fond c'est hyper intéressant en tout cas !
Posted by: Simon | June 06, 2012 at 01:33 PM
Merci Simon,
Je connaissais bien.
Les Bessemer top 10 eCommerce Laws sont en effet une excellentissime lecture qui d'ailleurs énonce 6 C et non pas 3 (j'ai préféré me concentrer sur l'essentiel). Et l'ensemble des 10 règles qu'ils citent est à lire et relire.
Mais, ceci dit, en terme de paternité, ces 3C (Life Time Value, CoCA er NPS) ont été énoncés lors de la 1ère conference eCommerce & Rentabilité de Mai 2010, ANTÉRIEUR à l'article de Bessemer !!
De même, dans les 10 laws, ils parlent de "what would Amazon do", ce alors que j'ai fait un post sur le blog début octobre sur ce sujet là (re, avant eux), et que j'en parlais aussi lors de la conférence eCommerce er rentabilité.
http://micheldeguilhermier.typepad.com/mdegblog/2010/10/what-would-amazon-do--1.html
De là à dire que Bessemer me lit et s'inspire, il n'y a qu'un pas que je ne ferais pas !! Ca montre juste qu'ils connaissent en effet très bien leur sujet eCommerce !
Posted by: Michel de Guilhermier | June 06, 2012 at 02:03 PM
Merci pour les précisions, c'est toujours intéressant d'avoir plusieurs experts qui se complètent.
Posted by: Simon | June 06, 2012 at 03:53 PM
Merci Michel!
Article transmis à mon équipe. Ça donne un peu de recul ;-)
Posted by: Tatiana | June 06, 2012 at 03:56 PM
Merci Michel pour ces précieux conseils, c'est le type d'article dont je raffole :)
Posted by: SH | June 06, 2012 at 10:21 PM
Excellent article comme d'habitude Michel!
Tu parle d'un atelier "ecoute client", c'est prevu? Je pensais que tu avais mis cela en stand by avec L'accelerateur?
Bien a toi,
Mohamed
Posted by: Mohamed | June 06, 2012 at 11:02 PM
Ce que j'adore avec Michel, c'est la clareté de ses explications, merci pour ce beau billet !
Posted by: Cyril | June 07, 2012 at 09:45 AM
Lumineux, merci
Posted by: Marc | June 07, 2012 at 10:20 AM