On ne peut pas dire que le parcours d'Apple en Bourse sur ce début 2013 soit brillant (graphe ci-dessus)! L'action, qui a commencé à 540$, est aujourd'hui à 440$ environ soit presque du -20%, ce alors que le marché a pris environ +10%.
Comme toujours, si je suis incapable de prédire l'avenir à court terme, je pense toujours qu'il y a de très bonnes raisons de penser qu'il y a beaucoup plus d'upsides que de downsides potentiels sur Apple et qu'aux niveaux actuels on ne prend quasiment aucun risque sur le moyen terme.
La capitalisation boursière d'Apple est de 420Mds$ aujourd'hui, ce qui, avec sans doute maintenant pas loin de 150Md$ de cash dans ses caisses (137Mds$ fin 2012), et une capacité de génération de cash opérationnel de l'ordre de 60Mds$ (en 2012), donne un multiple inférieur à 5x, ce qui est extrêmement bas.
Ce genre de multiple affecte les sociétés dont on craint que le business dépérisse fortement. Une grosse multinationale au modèle solide et prévisible dans les grandes lignes comme Coca Cola par exemple, qui connaît une croissance de son bénéfice de l'ordre de 10%/an, a un multiple de l'ordre de 14 sur son cash flow.
Alors, la question fondamentale, peut-on vraiment craindre le pire pour Apple ?
Revenons aux fondamentaux, la croissance de la rentabilité d'une société dépend de 3 facteurs :
- La croissance des marchés sur lesquelles elle opère
- Ses avantages concurrentiels pour se maintenir ou gagner des parts de marché ainsi qu'imposer des price premium.
- Les economics qui caractérisent l'industrie, notamment l'évolution des marges
Reprenons donc :
1) LES MARCHES
Apple dépend fortement de ses 2 marchés phares, celui des smartphones et celui des tablettes.
En ce qui concerne les smartphones, 750M d'unités vendus en 2012, on en attend 900M en 2013, 1300M en 2016 et 1700M en 2020. Bref, un marché qui va encore faire plus que doubler dans les années à venir...
On a du vendre 100 à 110M de tablettes en 2012, et on en attend 250M en 2016. Donc la aussi un marché qui va doubler.
Conclusion : les 2 marchés principaux sur lesquels Apple opère devraient encore doubler dans les années à venir. Apple continue de surfer sur de puissantes vagues !
2) AVANTAGES CONCURRENTIELS
Personne ne pourra nier que l'incroyable avance qu'Apple avait lors de la présentation de l'iPhone en 2007 a fondu. Samsung sort des produits au moins aussi sexy, Nokia tente un comeback avec ses Lumia tout à fait acceptables, etc.
Dans le même temps, si la concurrence a bien technologiquement rattrapé Apple, cette dernière jouit toujours d'un superbe ecosystème parfaitement intégré, d'une marque forte, de consommateurs très fidèles et d'un puissant réseau de distribution propre.
Il serait unfair de comparer Apple à Nokia ou Blackberry, qui avant leur chute n'avaient aucunement les mêmes avantages concurrentiels.
Conclusion : même rattrapé par la concurrence, Apple jouit toujours de solides avantages concurrentiels spécifiques.
Evidemment, on pourra aussi ajouter qu'avoir des avantages concurrentiels intrinsèques c'est bien, mais que le futur d'Apple dépendra toujours quoi qu'il arrive des innovations et des produits. La concurrence a rattrapé Apple, il ne faudrait pas non plus maintenant que celle-ci se fasse distancer. C'est un scénario noir auquel je ne crois pas, l'innovation engine d'Apple me semblant assez solide.
A noter aussi que en raison de ces mêmes avantages concurrentiels (ecosystème, réseau de distribution, marque, base de clients fidèles, etc), Apple pourrait théoriquement débouler avec succès dans moultes nouveaux marchés. Reste évidemment à imaginer ces produits, les concevoir, les produire...Et il n'y a plus le Steve Jobs visionnaire...
ECONOMICS
Apple gagne énormément d'argent (quasiment 25% de rentabilité nette et a affiché en 2012 les 2ième plus gros profits jamais gagnés par une société au monde !), surtout grâce aux colossales marges de l'iPhone, proche des 60%. Un peu moins avec l'iPad, et beaucoup moins avec l'iPad Mini au price point inférieur.
Plusieurs menaces pèsent objectivement sur les marges d'Apple :
- Avec une avance technologique qui a fondu, Apple avec l'iPhone peut maintenant difficilement et de moins en moins imposer un premium susbtantiel vs ses concurrents avec. Ceci dit, les prix de l'iPhone aujourd'hui ne sont pas significativement différents de ceux de ses concurrents directs.
- 1/3 des smartphones vendus en 2013 seront en Chine (et encore plus dans le futur), à des price points bas, ce qui fait le bonheur des acteurs locaux comme Huawei. Si Apple veut bénéficier de la croissance de ce marché, elle devra bien proposer un produit significativement moins cher et moins margé. Ou alors voir ce marché et sa croissance lui échapper, ce qui est un choix qu'elle pourrait faire (Audi ne s'est pas mise à faire du Dacia ou du Skoda).
- L'iPad Mini vient cannibaliser significativement son grand frère puisqu'on estime qu'aujourd'hui bien plus de la moitié des ventes d'iPad sont avec le Mini. Comme je le mettais il y a quelques mois lors de son introduction, le Mini fait les mêmes choses que son grand frère, mais dans un format bien plus pratique (bien plus léger et plus fin) et suffisant pour la plupart des applications.
- Et si l'iPad garde bien encore à mon avis une avance vs ses concurrents (ce qui n'est plus vraiment le cas de l'iPhone), la concurrence est très agressive question prix. Amazon en particulier a déboulé avec un business model différent : elle vend ses tablettes 2x moins cher qu'Apple, sans marge snas doute, dans le but d'accrocher des clients à son ecosystème.
Ainsi, une baisse des marges d'Apple me semble logiquement inéluctable, et elle a d'ailleurs déja commencé :
- Au Q4 2012 Apple a eu une marge brute de 38,6% contre 44,7% au Q4 2011 (-6,1%)
- Au Q1 2013, Apple anticipe une marge brute de 38% contre 47% au Q1 2012 (-9%, mais ils devraient faire un peu mieux)
Après de très belles années, il est probable qu'Apple revienne aux marges brutes qu'elle avait en 2009, et les 25% de rentabilité nette devraient sans doute finir sur 20%, ce qui reste de toute façon très élevé. Au Q4 2012, Apple a ainsi vu son CA augmenté de +20% sur le Q4 2011, mais son bénéfice était flat du fait de la compression des marges. Il est probable que 2013 soit à l'image de ce qu'il s'est passé au Q4 2012.
Bottom Line :
- Volumétrie : je prends le pari qu'Apple va continuer à connaître une très belle croissance, porté par des marchés eux-mêmes en forte croissance : 160M d'iPhone au minimum en 2013 (vs 135M en 2012, donc +20%) et 100M d'iPad (vs 66M en 2012, donc +50%)
- CA : sauf à voir le lancement d'un iPhone low cost pour les pays émergents et la Chine notamment (ce qui boosterait alors les volumes), je ne pense pas que son ASP baisse substantiellement. Par contre, pour l'iPad, on va assister à une forte baisse de l'ASP en 2013 (sans doute du -20%, résultante de la cannibalisation de l'iPad à 499€ par un Mini à 339€), si bien que la croissance en CA de la ligne iPad sera plus modérée cette année (environ +25%). Au final, Apple devrait encore croître de 20% en CA cette année (à 195Mds$ CA), et certainement encore de 10% en 2014.
- Bénéfices nets : en tablant de manière un peu conservatrice sur des marges brutes en forte chute de 6-7% en 2013 (stabilité après en 2014), on arrive à un profit net en 2013 équivalent à celui de 2012 (42Mds$) pour après remonter de +10% en 2014.
Au final, je ne vois pas du tout un Apple en déclin dans les 2 années à venir, même si selon toute probabilité 2013 ne devrait pas être une grande année question bottom line avec un bénéfice net qui devrait être plus ou moins stable vs 2012 (pour après regrimper en 2014).
Une telle situation ne mérite pas d'après moi la "punition" d'un multiple de seulement 5 ! Apple va de nouveau générer au moins 50Mds$ de free cash flow sur 2013 et 2014, si bien qu'elle pourrait se retrouver fin 2014 - si elle ne fait rien de son cash (fortement improbable) - avec 250Mds$ dans les caisses, soit 270$ par action...
Donc, au prix actuel de 440$, je maintiens que le risque moyen terme est quasiment nul et qu'il y a bien plus d'upsides que de downsides potentiels.
Mais incapable de prévoir ce qu'il peut se passer dans les semaines ou les mois à venir...Ce n'est pas parce qu'Apple est manifestement sous-évaluée que l'action va monter demain, dans les semaines ou les mois à venir. Il peut se passer une longue période avant que la "fair value" d'une société soit reconnue par le marché.
Un bon catalyseur de l'action serait évidemment l'annonce de nouveaux produits excitants, que ce soit un nouvel iPhone (vraiment différent), ou le développement d'une nouvelle catégorie et d'un iDevice révolutionnaire !
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