Il y a depuis quelque temps une véritable prolifération des "accélérateurs" de start-up en France, et j'observe aussi que des incubateurs se renomment rapidement sous ce terme pour être vraisemblablement plus dans le coup !
D'aucuns parlent de "mode" voire de "bulle" des accélérateurs...Et c'est (malheureusement) probable...
Tout récemment, un business angel de 1er plan, proche des start-up depuis de nombreuses années (et en avoir lui-même crée une ribambelle) m'avouait aussi qu'il était inquiet devant la communication exacerbée et arrogante d'un certain accélérateur de start-up, alors que sa crédibilité et sa légitimité étaient très questionnables, et il craignait donc que son "explosion en vol" (dixit) entâche et affaiblisse l'ensemble du secteur.
Les termes sont lâchés : crédibilité et légitimité.
Accompagner sur la distance et aider des entrepreneurs à bâtir et réussir leur projet, tout spécialement quand celui-ci est encore très en amont, balbutiant et largement imparfait, est pour moi l'un des métiers le plus excitants et des plus gratifiants du monde !
Mais, en effet, pour véritablement l'exercer correctement et délivrer aux entrepreneurs la valeur qu'ils sont en droit d'attendre, il faut réunir un ensemble de choses.
L'Accélérateur, que j'ai co-fondé il y a maintenant près de 3 ans, reflète parfaitement ma vision pragmatique sur l'accélération de start-up, qui s'articule autour de 3 piliers nécessaires :
1) UNE VERITABLE COMPETENCE ENTREPRENEURIALE
Je ne crois pas qu'on puisse prétendre coacher globalement et aider une très jeune start-up à se développer si on a pas soi-même effectué ce chemin.
Un entrepreneur aguerri sait, parce qu'il l'a vécu, que le succès vient en êtant particulièrement à l'écoute et agile, qualités nécessaires pour in fine trouver une proposition commerciale, un positionnement et un modèle économique pertinent.
Un entrepreneur aguerri et successful saura faire la différence entre une saine et nécessaire ténacité et un entêtement vain, il saura faire rapidement un diagnostic juste et pointer sur ce qui doit être adapté ou modifié, sur les compétences complémentaires à acquérir, sur la stratégie de levée de fonds adéquate, etc. Il saura apporté son expérience et sa petite touche qui, parfois, pourront faire toute la différence.
Ma conviction est que pour vraiment accélérer, accompagner efficacement et créer une vraie valeur, il vaut mieux avoir soi-même crée, dirigé, développé, financé, et éventuellement revendu avec succès une ou plusieurs start-up. La 1ere des légitimités est certainement celle-ci. Comme toujours, il y a des exceptions, mais elles sont rares, et quand elles apparaissent il faut comprendre le contexte.
Il y a de brillantissimes cadres sup de grandes sociétés, il y a de brillants énarques inspecteurs des finances, mais l'entrepreneuriat est une discipline spécifique à part entière. Un expert pourra aider et conseiller ponctuellement une start-up sur une dimension particulière (organisation, marketing, commercial, levée de fonds, etc) mais quand il s'agit de coacher globalement et d'amener méthodiquement au succès sur la durée, là je pense que c'est autre chose.
Si de nombreuses personnes peuvent utilement conseiller des start-up, le "métier" de l'accompagnement de jeunes entrepreneurs et de la construction de start-up - et je dissocie bien clairement les 2, conseil d'un côté vs accompagnement et construction de l'autre - nécessite bel et bien une réelle expérience et légitimité en la matière.
Au dela de la compétence entrepreneuriale issue de leur propre expérience réussie, un bon coach d'entrepreneurs doit également être animé d'une flamme et avoir chevillé en lui la volonté de partager, de créer de la valeur, et de faire réussir ses "protégés", avec son expérience, sa méthodologie, sa ténacité et sa pédagogie, etc.
Dernier point, évidemment aussi lié à la seniorité et l'expérience des partners d'un accélérateur, celui-ci se doit de posséder un très large carnet d'adresses, dans tous les domaines, afin de pouvoir apporter aux start-up une expertise ponctuelle sur un sujet donné et ouvrir les bonnes portes au bon moment, ce qui facilite et accélère souvent bien des choses.
2) PROXIMITE ET IMPLICATION
Plus une start-up est jeune, cherchant son sweet spot et son modèle économique, plus elle a aussi besoin d'une écoute impliquée et réactive.
Cela n'est à mon sens possible et/ou n'est optimal qu'avec en face des entrepreneurs qui :
- Se dédient et se dévouent totalement, exclusivement, à cette tâche. Ils peuvent donc être sollicités non stop, soirées, week-ends et vacances compris. L'un de nos accélérés de la 2ième promotion de l'automne 2012, Cuisishop, disait ainsi très justement que "nous sommes corvéables et malléables à merci", affirmation sur laquelle je n'ai aucune objection ! A noter aussi qu'imaginer un pivot demande beaucoup de créativité, d'analyse et de rigueur, donc du temps.
- Suivent une véritable méthodologie de création de valeur, en posant les bonnes questions au bon moment, et en aidant à trouver les solutions pertinentes.
- Sont personnellement motivés à la création de valeur, avec par conséquent une relation strictement win/win. Pas de facturation comme une société de conseil, mais un apport de cash de la part de l'accélérateur et un apport en temps qui ne seront rémunérés que par la valorisation (éventuelle) de la start-up !
- En filigrane, cela veut aussi dire qu'au delà de la compétence entrepreneuriale les coachs doivent avoir une sincère passion du partage, et être évidemment animés par une bonne dose de pédagogie. Il y a parfois des messages pas toujours simples à faire passer.
- Donnent un engagement long terme : accompagner, faire réussir des entrepreneurs et co-bâtir une success story n'est pas l'affaire de quelques mois ou de quelques semestres, c'est l'affaire de longues années. Aussi, au delà de pouvoir s'impliquer full time, il faut aussi idéalement que les coachs s'engagent sur la durée, et une longue durée, pour être présent au côté des entrepreneurs pendant de longues années.
Je ne crois donc pas trop dans l'efficacité d'un système de mentors part-time et bénévoles. Ce système rencontre très rapidement ses limites et est selon moi très loin de maximiser la création de valeur dans les start-up.
Une organisation composée d'entrepreneurs 100% dédiés à l'accompagnement entrepreneurial et s'engageant dans cette mission sur le long terme me semble très largement plus efficace. C'est le système même de L'Accélérateur qui se positionne en véritable "co-bâtissseur" de start-up aux côtés d'entrepreneurs talentueux.
3) DU CASH !
Le cash reste le nerf de la guerre. S'il faut évidemment pousser les start-up à se bootstrapper, être très frugales et malignes, il y a des limites.
Non seulement il est parfois nécessaire de leur fournir au départ quelques dizaines de milliers d'euros, mais pour celles qui ont mis le doigt sur un concept, un produit et un marché très prometteur, avec une équipe de qualité, il est alors nécessaire de remettre plus ou moins rapidement des capitaux de manière significative. Cela peut être fait directement (de la part de l'accélérateur) et/ou indirectement avec un accès au cash apporté par des BAs ou des VCs.
A titre d'exemple, comme le montre les copies d'écran ci-dessus, les 2 principaux accélérateurs US, le Y Combinator et Techstars, mettent maintenant surtout en avant les 120K$ qu'ils apportent initialement à leurs start-up. On est aux US, avec ses excès, mais en divisant par 2 ou par 3 ces montants on arrive à ce qu'il faut dans le contexte français.
Et Seedcamp vient pour sa part de lever 30M$, en expliquant qu'accompagner en donnant de bons conseils n'est pas suffisant, il faut aussi du cash, et pas seulement en seed funding ! C'est évident...
L'Accélérateur a déja levé plusieurs millions d'€, et se positionne aujourd'hui de facto comme le 1er et sans doute le seul fonds de pré-amorçage et d'accompagnement long terme en France, capable d'arriver extrêmement tôt dans le cycle d'une start-up, avant les fonds d'amorçage tels que ISAI, Jaina ou Partech (par ailleurs partenaires fondateurs de L'Accélérateur), mais capable également de co-investir au 1er tour aux côtés des VCs et des BAs, et pouvant parfois remettre des centaines de K€ (ie avec Elaia sur 1001Menus).
A vous les jeunes entrepreneurs, quand vous rencontrez des structures qui se définissent comme des "accélérateurs", posez simplement les questions suivantes et insistez pour avoir des réponses claires :
- Quelle est votre légitimité et crédibilité entrepreneuriale, quel est votre track record, vos succès, quelles sont les sociétés que vous avez vous-mêmes créées, développées et revendues avec succès, donnez des exemples précis ?
- Quel est votre degré d'implication par start-up, répondez-vous bien aux sollicitations avec une grande réactivité ? Peut-on vous déranger non stop, y compris le soir et le week-end, pour partager une analyse, un problème, une décision, et avoir votre feedback et input ?
- De quels moyens financiers disposez-vous, quel est votre réseau d'investisseurs ?
Et bien entendu, comme dans toute due diligence, ne prenez jamais ce qu'on vous dit pour argent comptant, allez à la rencontre des start-up passées par l'accélérateur en question et questionnez les sur la valeur ajoutée concrètement apportée, sur l'implication donnée ou pas, sur leurs résultats concrets, etc.
Posez aussi la question sur la réelle proposition de valeur de l'accélérateur en question. Est-ce qu'ils sont dans l'accompagnement impliqué long terme, ou juste dans le conseil, l'ouverture de portes et la mise en relation pour notamment trouver des investisseurs ? Intention louable, mais proposition de valeur plus limitée.
Bref, soyez lucide, gardez un sens critique, allez au dela des discours, des affirmations et des rhétoriques...
Je me rappelle encore d'un entrepreneur passé par le Camping, qui me disait en substance: "c'était génial, j'ai rencontré plein de gens intéressants, j'étais au chaud pendant 6 mois, mais on ne m'a pas appris l'essentiel, on n'a pas mis le doigt sur ce que je devais faire pour réussir, et j'ai échoué...".
En synthèse, quand on prétend "accélérer" des start-up, il faut réellement savoir de quoi on parle en matière de création et développement de start-up (parce qu'on est aussi passé par la de manière successful), il faut être totalement impliqué et réactif (parce qu'on aime l'accompagnement et la pédagogie et qu'on est réellement full time), et il faut aussi avoir du cash !
J'aime les entrepreneurs et j'aime la France, il faut des entrepreneurs successful pour contribuer à redresser la France, aussi j'applaudirais à 2 mains toutes les initiatives qui se lanceront pour accompagner les entrepreneurs et les faire réussir en réunissant bien ces 3 aspects - expérience/légitimité, implication totale et cash.
Je suis d'ailleurs régulièrement consultés par des personnes ou des organismes qui souhaitent monter des "accélérateurs" en province, à qui je réponds que le plus complexe est clairement de trouver les partners adéquats.
Trouver des entrepreneurs de qualité est relativement simple, il y en a heureusement pas mal, mais trouver des entrepreneurs expérimentés et successful, avec donc la nécessaire légitimité, qui se dédient et se dévouent full time pour faire réussir d'autres entrepreneurs, en acceptant en plus d'être surtout rémunéré à la performance (via la prise de capital), la c'est bien plus rare !
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