Il y avait dans Les Echos du jour (9 décembre) un article intitulé "Le Vent Tourne pour l'eCommerce". ci-dessus (cliquez pour aggrandir).
Plusieurs choses dans cet article me font bondir :
- "Dans son étude annuelle... Deloitte souligne le grand retour des hypermarchés" : ça c'est une grande nouvelle mais la réalité est quand même que les français, habitués par l'eCommerce et le web de manière générale à ne plus perdre du temps et ne plus s'embêter à faire la queue, délaissent progressivement les hypermarchés, dont la clientèle - très logiquement - vieillit puisque les jeunes se portent plus vers d'autres canaux.
- L'article mentionne à la fois que "les français...délaissent de plus en plus l'achat sur Internet pour revenir en magasin" et "une croissance toujours à 2 chiffres de l'eCommerce". La logique et la cohérence m'échappent ! Enfin, soyons clair, la réalité la aussi est que canal eCommerce continue très clairement à prendre des parts de marché au retail.
- Pour étayer les problèmes de l'eCommerce, l'article cite pêle-mêle les pertes d'Amazon ainsi que les difficiles IPO de Zalando et Cnova (qui inclut CDiscount). Ami journaliste, il faudrait quand même ne pas réduire l'eCommerce aux pure players, très fortement minoritaires finalement dans le CA total de ce canal (on pourrait d'ailleurs argumenter sur le côté "pure player" de Cdiscount, filiale de Casino).
Une analyse plus conforme et précise des choses seraient :
- Non, le vent ne tourne pas pour l'eCommerce, ce canal va continuer à croître pour certainement représenter 20% en moyenne de l'ensemble des achats, et donc prendre des parts de marché aux autres canaux.
- Oui, ma conviction est que l'avenir n'est pas aux pure players. Cf d'ailleurs mon post de juin 2012 qui expliquait déja précisément les mécanismes économiques : "restera t'il encore des pure players dans 10 ans".
- Oui, certains retailers marchent bien voire très bien, mais surtout ceux qui ont une offre spécifique, qui modernisent leurs magasins pour offrir une expérience attractive aux consommateurs, et qui ont une approche omnicanal (désolé, le terme "cross canal" est maintenant dépassé !). Quand on a une offre indifférenciée, qu'on soit un retailer ou un eCommerçant, c'est juste une équation économique extrêmement compliquée. Internet a introduit une véritable transparence des prix, alors qu'on s'appelle Amazon, Darty ou Best Buy, le problème est entier, et il faut compléter le business model par autre chose que juste du "commerce" avec achat/vente de produits et marge au milieu. Ainsi, pour Amazon, c'est la place de marché, ce sont les web services, les services logistiques, etc. Mais des Ikea, Decathlon, Zara ou Apple marchent très bien, et en magasin, et dans leur canal eCommerce. Le problème n'est donc pas le canal mais le type d'offre.
Et à dire vrai, la question a-t-elle encore un sens ?
Il me semble quand même que pour les pure players généralistes, la partie n'est plus aussi facile qu'avant. MAIS :
- pour les sites de niches, c'est le contraire qui se passe (cf Motoblouz ou Pecheur.com)
- depuis quelques temps maintenant, les grands sites de e-commerce, sont des relais de marques ou de marques de distribution. Le e-commerce tend à prendre des parts de marché sur les modes de distribution classique, de manière assez naturelle, si on peut dire, mais sans créer de valeur ni en détruire
- les modes de distribution ou de commerce alternatif s'épanouissent bien sur le web (cf leboncoin dont on ne peut pas mesurer le CA, bien qu'il existe bien) ou alors des systèmes de réservation comme Uber ou AIRBNB
Donc, s'il y a essoufflement, je dirais que c'est surtout pour ceux qui n'ont pas la manne financière nécessaire pour soutenir une concurrence énorme sur des créneaux généraliste.
Posted by: Capitaine | December 09, 2014 at 05:33 PM
Pour nuancer, il y a malgré tout une part de vérité dans ce papier, qui met le doigt sur un double phénomène, qui s'accélère actuellement:
1- les taux de croissance du ecommerce amerissent doucement; la croissance du marché est largement captée par les nouveaux entrants, la croissance moyenne des gros acteurs est faible ou négative.
2- les enseignes en dur réagissent, en reprennant le layout magasin et plus largement l'expérience client, entre autres en se portant sur internet.
Je ne partage pas l'optimisme de notre ami commun gestionaire de centres commerciaux concernant la croissance future de l'activité retail park, mais il me semble que le match clic/mortar est beaucoup plus ouvert - et brouillé - qu'il y a quelques années.
Sur le fond, un point pour nous ecommercants: plus les choses vont aller, plus la croissance passera par une VRAIE valeur client différenciante; sur ce point, je rejoins entièrement votre conclusion/ analyse récurrente au fil de vos papiers.
Posted by: pascal Griot | December 10, 2014 at 11:43 AM
Oui, en ligne. J'insistais surtout sur le fait qu'en aucun cas le vent ne tourne pour l'eCommerce : pris globalement, le canal connait une belle croissance alors que le retail non, et donc pique à ce dernier des PDM...
Posted by: Michel de Guilhermier | December 10, 2014 at 11:58 AM