Apple a dèja débauché plusieurs responsables importants de constructeurs automobiles, et l'on suppute donc qu'il aurait pour projet de construire une voiture. Le projet aurait le nom de code "Titan", et une équipe de 200 personnes travaillerait sur le sujet...
Diversification qui en surprend plus d'un, on est en effet loin du consumer electronics, des smartphones et des ordinateurs, qui ont pour principale source de coûts des composants électroniques.
Pour ma part, je réponds "why not" et je propose d'argumenter sur les 3 points majeurs qui font débat :
- Qu'est-ce qu'Apple a à voir avec l'industrie automobile, trop loin de son savoir-faire actuel ?
- Comment ferait Apple pour construire la voiture ?
- Que diable Apple irait faire dans cette industrie à petites marges ?
I) L'industrie automobile est trop loin du savoir-faire d'Apple
Tout d'abord, il faut réaliser que, conceptuellement, l'industrie automobile, vu sa masse, est certainement la seule à même d'apporter un relais de croissance suffisant à Apple. Avec 300Mds$ de CA potentiel dans 5 ans avec ses lignes de produits actuelles (y compris la Watch), pour qu'une diversification fasse du sens pour Cupertino, elle doit être capable de ramener quelques dizaines de milliards de $ de CA potentiellement, et bien peu d'industries le peuvent.
Conceptuellement aussi, les consommateurs demandant à ce qu'une voiture deviennent de plus en plus connectée, elle se rapprochera de plus en plus du domaine que maîtrise Apple, surtout si évidemment elle est électrique. Apple n'a évidemment rien à faire dans les consumers goods alimentaires ou l'industrie pétrolière, 2 autres industries colossales, mais l'industrie automobile devenant de plus en plus électronique et connectée, c'est tout à fait crédible.
Enfin, Elon Musk, co-fondateur de Paypal, n'y connaissait strictement rien à l'automobile et a mis 5 ans depuis la création de Tesla en 2003 pour sortir sa 1ère voiture, en a produit 35,000 l'année dernière, et en vise 150,000 en 2016 ou 2017. On ne voit pas pourquoi Apple serait moins bon, moins efficace, moins rapide...
Apple n'y connaissait rien en retail et ils ont construit la plus rentable chaine de retail du monde, Apple n'y connaissait rien en téléphone et ils en vendent actuellement pas loin de 200 Millions (et accaparent quasiment tous les profits de cette industrie).
De facto, Apple a clairement un track record pour arriver dans une industrie qu'il ne connait pas...et la disrupter brillamment.
Avec 180Mds$ de cash aujourd'hui, Apple a largement les moyens financiers de s'attaquer à cette industrie. A titre indicatif, rien qu'avec son cash disponible, il pourrait par exemple racheter à la fois General Motors, Ford, Peugeot et Renault, et lui resterait encore alors assez d'argent de poche pour racheter BMW...
Ces mêmes moyens financiers lui permettent de s'acheter toutes les compétences humaines nécessaires pour designer une voiture de A à Z, en débauchant à prix d'or s'il le faut des talents à la concurrence (il paraîtrait qu'Apple aurait proposé des "signing bonus" de 250K$ à certains ingénieurs et executives de Tesla). Tesla a investit 3Mds$ à ce jour, avec des résultats significatifs (70 à 100,000 véhicules attendus en 2015), or cet investissement n'est qu'une petite goutte d'eau pour Apple !
II) Production
Apple ne connait rien au monde de la production automobile. Certes, mais Apple n'est plus non plus un producteur de produits électroniques depuis une quinzaine d'années, toute la production ayant été passée a des sous-traitants comme Foxconn. Si Apple laisse le savoir-faire de production à d'autres, la firme est cependant prête à largement financer l'outil de production, ce qu'elle fait avec Foxconn, son principal sous-traitant. Elle le maîtrise donc d'une certaine façon, de façon financièrement optimale.
On se rappelle aussi qu'Apple avait aussi commencé à financer son producteur de saphir synthétique, GT Advanced Technologies (celui-ci est tombé en dépôt de bilan il y a quelques mois, Apple a alors racheté les usines pour les convertir en data centers !).
De tels "contract manufacturers" existent également dans l'industrie automobile, y compris pour du haut de gamme. L'Autrichien Magna Steyr construit par exemple actuellement sous licence la Peugeot RCZ, la Mercedes Class G ou la Mini Countryman (et a également produit l'Aston Martin Rapide !). Le finlandais Valmet Automotive produit lui de son côté la Mercedes Class A et a dans le passé eu le contrat pour les Porsche Boxter et Cayman.
On imagine donc parfaitement Apple financer un contract manufacturer automobile, ce dernier amenant son savoir-faire, construisant une usine pour Apple...qui amène le cash pour l'outillage...Même modèle qu'appliqué actuellement avec Foxconn par exemple.
III) Industrie à petite marge
Il est exact que l'industrie automobile, dans son ensemble, a une rentabilité guère flatteuse. On parle de quelques % de rentabilité quand tout va bien pour les grands constructeurs généralistes.
Cependant, un constructeur premium comme Audi dégage lui 12% de rentabilité opérationnelle, et les meilleurs, comme Ferrari et Porsche (ce dernier, avec presque 200,000 véhicules vendus en 2014, n'est plus exactement un constructeur de niche), tournent autour de 15-18%.
Ces records (pour l'industrie automobile) deviennent appréciables, mais cela reste loin des 28-30% qu'Apple dégage avant impôts.
Ceci étant, j'ai 3 arguments principaux :
1) Ne pas se focaliser sur le taux de rentabilité opérationnelle
La rentabilité d'Apple - pour un constructeur de devices hardware - est totalement hors norme en raison essentiellement de l'incroyable et unique business iPhone, qui dégage des marges brutes sans doute proche des 60%. Par contre, aussi bien pour la ligne Mac que pour la ligne iPad, Apple tourne certainement avec des marges brutes de l'ordre de 30-35% seulement, qui doivent aboutir au final sur des rentabilités opérationnelles de 15-20%, semblables donc à celles des meilleurs constructeurs automobiles.
Je ne suis pas sûr qu'Apple escompte elle-même ne se lancer que dans des business "à la iPhone", trop consciente que celui-ci est réellement unique.
Tant que les profits marginaux dégagés sont appréciables, je ne vois pas de raison de se focaliser sur le seul taux de profit opérationnel. Si Apple finit par dégager en 2020 20% de rentabilité opérationnelle sur 500Mds$ de CA, soit 100Mds$, ce sera toujours bien mieux en absolu qu'aujourd'hui (52Mds$ de résultat opérationnel sur 183Mds$ de CA en FY2014, soit 28% de taux de rentabilité).
2) Le retour sur investissement est la seule metrics qui compte vraiment
Si le taux de rentabilité opérationnelle qu'Apple peut obtenir en se lançant dans l'industrie automobile sera très probablement inférieur à ce qu'il a aujourd'hui, et que cela n'est pas forcément un problème en soi, la seule vraie question pour eux est d'avoir un taux de retour sur investissement appréciable.
En FY2014, Apple a dégagé 39Mds$ de résutats net pour 111Mds$ de fonds propres, soit un rendement des capitaux propres de l'ordre de 35%.
Tout d'abord, avec 180Mds$ de cash qui dorment dans les caisses, en ne dégageant quasiment rien aujourd'hui, toute initiative de diversification qui ne rapporte ne serait-ce qu'un peu aura un effet marginal positif sur le rendement sur capitaux propres global d'Apple.
Si Apple investit disons 5-6Mds$ dans les 5 ans à venir pour attaquer l'industrie automobile, produire 400,000 voitures dans 10 ans à disons 40K$ chacune, soit 15-16Mds$ de CA, avec une rentabilité opérationnelle de 15%, soit disons un peu plus de 2Mds$, cela nous amènera bien à un taux de retour sur investissement de l'ordre de 35%.
A ce jour, Tesla a investit 3Mds$ environ pour réaliser en 2015 environ 6Mds$ de CA (prévisionnel), et on attend aussi 9Mds$ de CA en 2016, soit un ratio de 1€ d'investissement pour 2 à 3$ de CA pour un acteur commençant from scratch (et ayant une usine).
Apple ne commence pas tout à fait from scratch, va pourvoir leverager sa marque (l'une des 1ères au monde en terme de valeur, si ce n'est la 1ère, avec un impact mondial), mais aussi certaines technologies qu'ils ont déja (ie Carplay), et à mon sens ils sous-traiteront aussi la production en partenariat avec un Magna Steyr ou un Valmet, ce qui sera moins capital intensive.
J'en déduis donc que financièrement Apple a les moyens de dégager un taux de retour sur investissement tout à fait décent et acceptable en se lançant dans l'industrie automobile.
3) Apple travaille déja dans des industries réputées difficiles
Si Apple a réalise 90% des profits de l'industrie du smartphone en 2014, alors qu'ils n'ont que même pas 15% du marché global, c'est que forcément l'ensemble de 'industrie à part Apple n'en gagne pas beaucoup.
De même, l'industrie du PC est une industrie à petite marge, IBM l'a quitté, HP à pensé un moment revendre sa division, mais pour Apple ça reste très rentable (même si moins que pour l'iPhone).
Quant au retail de produits informatiques, CompUSA a fermé (dépôt de bilan), Circuit City également (dépôt de bilan), Best Buy n'est pas dans la meilleure des formes...alors le retail d'Apple bat lui tous les records (CA et rentabilité au m2 et par employé, etc)
En d'autres termes, Apple réussit à gagner de l'argent dans des industries difficiles ou d'autres en perdent ou n'en gagnent pas beaucoup.
Alors, je ne crois pas que la rentabilité très moyenne de cette industrie soit de nature à leur faire peur, ils vont plutôt chercher à la regarder avec un oeil neuf pour la réinventer from scratch et la redéfinir...à leur avantage !
De même que j'étais convaincu en 2006 qu'Apple allait se lancer dans la téléphonie, je suis donc pour ma part totalement convaincu qu'Apple va débouler fortement dans cette industrie, de même que je suis convaincu qu'ils ont de très fortes chance d'y réussir et d'ygagner pas mal d'argent !
Evidemment, ceci est un projet de très long terme, mais il n'est pas impossible qu'Apple produise 1 Million de véhicules dans les années 2030.
Prenons date, j'approcherais les 70 ans...
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