J'évoquais le sujet il y a quelques jours, ICI, et ce sera fait aujourd'hui quand la Bourse de New York ouvrira : Amazon va aujourd'hui largement dépasser Walmart en capitalisation boursière : 260Mds contre 235Mds$ environ !
C'est un nouveau milestone - certes symbolique - de l'histoire du retail qui s'écrit, 20 ans après l'ouverture du plus grand magasin virtuel du monde.
Les résultats trimestriels présentés hier soir par la pieuvre de Seattle furent meilleurs qu'anticipés, toujours en forte croissance (+20% globalement en terme de CA), mais surtout un léger profit a même été déclaré contre une perte attendue, et le business AWS (Amazon Web Services) caracole avec une croissance de +80%, ceci expliquant le fort jump de l'action (+18% en after hours).
Le modèle Amazon est redoutable et ses limites sont difficiles à cerner :
- Ils perdent une petite fortune sur le segment "retail" (achat et vente de produits). Rien que le shipping, offert la plupart du temps, leur fait perdre plus de 6Mds$ par an.
- Ils gagnent une fortune avec la place de marché et ses commissions qui leveragent leur trafic et leur base de clients (environ 300M de par le monde sans doute, dont 50-60M de premium).
- Ils gagnent beaucoup d'argent (marge opérationnelle de 20% environ) avec AWS qui est en très forte croissance et qui leverage leurs infrastructures IT.
Et au global, cela fait un modèle économique unique, cohérent qui se tient parfaitement, avec un potentiel de CA en centaines de milliards d'€, et également avec un sacré potentiel de rentabilité. Quand des retailers me disent qu'Amazon n'est pas rentable, je les exhorte à sérieusement réviser leur position et voir les chiffres différemment...S'ils ne prennent pas pleinement compte du danger, il est évident que leur futur va être compliqué !
On pourrait objecter que la place de marché finance le "commerce", c'est vrai sur les chiffres, mais les 2 activités sont intimement liées et inextricables.
Le qualificatif de "pieuvre" - dont j'ai affublé le géant de Seattle depuis plusieurs années - s'applique en fait plus que jamais à Amazon !
Le modèle Walmart a supplanté nombre de distributeurs aux US au cours de sa forte croissance dans les années 70, 80 et 90, aujourd'hui c'est le modèle Amazon qui met en péril moultes retailers, et pas des moindres. Borders, Circuit City et Radio Shack y sont déjà passés, en autres nombreux exemples.
Se les distributeurs physiquent conservent l'avantage de l'emplacement physique et des M2, il leur reste à voir comment utiliser ces M2 de façon attractive et différençiante pour le consommateur (pour qu'il vienne et revienne acheter) et rentable pour eux. Un colossal redéploiement rapide de ces surfaces doit impérativement avoir lieu, un gros travail sur l'offre doit avoir lieu, car certains produits sont économiquement plus efficacement desservis par le canal eCommerce, alors que pour d'autres, et pour moultes services, le retail est la solution la plus adéquate.
Et il n'est pas dit qu'un jour Amazon ne rachète pas un distributeur en faillite ou en sérieuse difficulté, pour lui aussi avoir une implantation physique et se rapprocher encore plus de ses clients. Une étude d'il y a 2 ans montrait que c'était la marque de distribution à la fois la plus aimée et la plus respectée, loin devant les autres grands distributeurs. Une proximité physique pourrait accroitre l'écart et pour ma part je suisien b convaincu que tôt ou tard ils auront une présence brick & mortar notable, d'une façon ou d'une autre.
De toute façon, le retail physique doit se réinventer rapidement, et ce pourrait très bien être Amazon qui montre comment, et en partant de 0, ce qui est souvent plus facile ! Alors que les retailers doivent revoir leur offre et le merchandising en magasin, allouer les surfaces de vente différemment voire les réduire, travailler sur le ROPO et l'omnicanal, Amazon lui partirait d'une feuille blanche...mais fortement aidé par sa base de 300M de clients fidèles avec qui il entretient dèja un lien numérique très étroit.
En terme de Bourse, j'ai écrit il y a 2 ans je crois que je voyais bien Amazon en 2018-2020 réaliser 300Mds$ de CA et gagner 15-20Mds$ net...de quoi justifier que la Market cap d'alors atteigne 300Mds$. Contre 265Mds$ déjà aujourd'hui. Ce pourquoi je pense que le potentiel d'appréciation intrinsèque dans les 5 ans n'est pas évident. Maintenant, vu la force du modèle, on peut avoir une foi différente !
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