On a connu le dépôt de bilan et la mise en liquidation de Pixmania, les difficultés de RueduCommerce (racheté par Carrefour 5 fois moins cher que ce que l'avait payé Alterea), de Grosbill (revendu par Auchan à Mutares, qui avait acheté Pixmania...), de Mistergoodeal (revendu 1€ symbolique par M6 à Darty)...
Des sociétés aux CA conséquents (Pixmania était monté à plus de 1 Milliard d'€, RueduCommerce à plus de 300M€...), mais dans les affaires ce n'est évidemment pas la seule volumétrie qui est le gage d'un modèle de qualité et pérenne, qui est au final la seule chose qui compte vraiment pour moi. Je sais, il y en a qui cherchent avant tout à grossir pour après vite revendre la patate chaude à qui en aurait bien besoin, ce n'est juste pas mon trip de faire ça.
Surtout que dans le digital, grossir vite en injectant des millions ou des dizaines de millions en marketing pour se rendre visible et attirer du trafic, c'est assez simple et rapide dès lors qu'on a les capitaux, en tous cas beaucoup plus que de devoir trouver, négocier des baux et ouvrir des dizaines de magasins.
En ce qui me concerne, la croissance en absolu ne m'impressionne pas du tout, il faut toujours la relativiser et la comprendre de pair avec l'investissement marketing. Que valent des gains de part de marché obtenus en dégradant fortement le P&L, avec un marketing colossal et/ou des dégradations de prix et de marge ?
Sur le moment, une forte croissance peut impressionner, à long terme ça ne vaut rien si on ne trouve pas un véritable modèle sain et pérenne, avec des marges suffisantes et un marketing sous contrôle. Plain & simple.
La croissance est la metrics sur lesquelles la plupart se focalisent, c'est vrai que c'est la plus simple à appréhender et de belles courbes font toujours une bonne impression, ça excite les journalistes et ça peut faire les gros titres des journaux, mais ce n'est certainement pas elle seule qui fait la pérennité et la force future de la société.
Je me rappelle encore d'une conférence il y a 5 ou 6 ans où un VC annonçait fièrement son investissement dans XXX, leader sur le segment online, et connaissant une très forte croissance...Il se trouve que je connaissais parfaitement cette société, dont le modèle économique me paraissait tout simplement vicié fondamentalement. Quelques années plus tard la société a été cédée à un industriel, le VC n'a rien gagné, et au sein de l'industriel cette société perd aujourd'hui beaucoup d'argent et pourrait même fermer...
Quel monde superficiel, ou en tous cas court-termiste, quand on se gargarise d'une forte croissance sans voir la qualité fondamentale ou pas d'un modèle, permettant justement une croissance long terme pérenne, permettant d'aller vraiment très loin et pas juste de faire un coup...
Mais peut-être suis-je trop "buffettien", entendez par la "vieux jeu", à chercher avant tout à construire des modèles économiques rentables et pérennes (rappel aussi, Photobox c'est aujourd'hui 350M€ de CA et 60M€ d'EBITDA). Mais en tous cas je le vis et je l'assume très bien, et mieux, je défends cette vision des affaires !
Ce qui m'amène à Motoblouz, pépite qui 12 ans après sa création (2004) connait toujours une forte croissance, mais sous contrôle, avec pour le coup un bottom line à faire pâlir nombre d'eCommerçants de la terre.
Je n'avais pas eu le temps d'en parler, mais il est tout de même assez remarquable et symptomatique que le patron du Medef lui-même, Pierre Gattaz, ai retweeté le 13 avril dernier un article des Echos mettant Motoblouz à l'honneur : "Motoblouz accélère dans la vente en ligne européenne".
Si l'eCommerce "pure play" est un secteur où il est extrêmement difficile de gagner de l'argent (ie les acteurs cités ci-dessus), Motoblouz réussit la performance rare d'être en forte croissance et (bien) rentable.
Quand Inspirational Stores a décidé en 2009 de fusionner avec Motoblouz, qui ne faisait alors que 4M€ de CA à peu près, nous avions bien senti le sacré potentiel de la société, admirablement dirigée à l'époque par le tandem des fondateurs, Thomas Thumerelle (toujours CEO) et David Thiry (qui vit lui maintenant une superbe aventure séparément avec Cuir City).
Et je peux le dire aujourd'hui, ce qui m'a séduit quand j'étais monté voir les fondateurs début 2009, ce n'était pas tant leur croissance et leur EBIT (à l'époque ils doublaient de CA tous les ans et étaient déja rentable), mais le fait qu'ils avaient bien les pieds sur terre, de bons ch'tis pragmatiques qui ne se "la pétaient pas" mais cherchaient avant tout le bottom line, et la qualité intrinsèque du modèle économique de la distribution d'articles de moto sur Internet. J'avais même fait à l'époque une slide pour mes investisseurs (Atlas Ventures et OTC Asset Management, toujours présents au capital d'Inspirational Stores) pour expliquer la qualité long terme du modèle en utilisant les "5 forces de Porter" !
7 ans plus tard l'aventure Inspirational Stores - Motoblouz continue, le Chiffre d'Affaires a été multiplié par 10, et avec une base clients de 1M de motards, le Groupe Motoblouz (* puisqu'il y a aussi le site Access Moto qu'on a racheté en 2010, aventure étonnante que je relate plus bas) est une force colossale dans le secteur en France avec autour de 50% de Part de Marché online et sans doute plus de 12% du secteur global en France si on l'exclut le pneu dans lequel nous n'oeuvrons pas vraiment (un segment de 80M€, mais sans marge...).
Au dela des ces chiffres d'affaires et de parts de marché, Motoblouz est aussi et surtout une véritable machine de guerre, avec une équipe de management au top, des collaborateurs motivés et loyaux, et une infrastructure IT et logistique de tout 1er plan, permettant ainsi d'engranger encore de nombreuses années de forte croissance. A tel point d'ailleurs que dans le passé un grand groupe a même voulu utiliser sous licence notre plateforme IT !
D'ailleurs, loin d'être uniquement un eCommerçant, Motoblouz est aussi un site de destination communautaire inspirationnel fortement apprécié par le million de motard client !
Comme le met l'article des Echos, l'expansion européenne a commencé il y a quelques temps et l'objectif est clair, largement dépasser la barre des 100M€ de CA sous 4 ans dans le secteur de l'équipement moto, tout cela bien entendu en améliorant encore la rentabilité. Et ce n'est qu'un volet, qu'un début, car la plateforme en place permet moultes autres possibilités.
Surtout que ça bouge beaucoup dans le monde de l'équipement moto en ce moment : Berkshire Hathaway a racheté il y a 15 mois l'allemand Louis (lire ICI et ICI "I like the fact that we have cracked the code in Germany, Warren Buffett"), leader européen en terme de CA (270M€), en Allemagne toujours le fonds d'investissement Equistone que je connais très bien a racheté au même moment le n°2 Polo (ICI), qui a lui-même racheté il y a 9 mois l'anglais SportBikeshop. et aux US le pure play leader Revzilla a mergé il y a quelques semaines avec le retailer leader Cycle Gear et ses 112 magasins (lire ICI), sous l'égide du Private Equity américain (encore un) JW Childs.
C'est un métier de distribution typique dans lequel il faut de la volumétrie, bien souvent the bigger the better, ce qui amène logiquement à combiner off et online. Je m'attends donc à une activité M&A mondiale abondante dans les années à venir, car le build-up sera forcément clé, aussi bien au niveau de la distribution que de la production.
A noter d'ailleurs en ce qui concerne les producteurs que des leaders comme Shark ou Dainese sont aussi possédés par des Private Equity, le français Naxicap et l'italien Investcorp respectivement (pour ce dernier, c'est le Bonomi qu'on avait vu à l'oeuvre dans l'OPA sur le Club Med, finalement gagnée par Fosun).
Motoblouz, fort de sa position dominante et incontournable en France, et aussi en Espagne, est aujourd'hui au centre d'un secteur passionnant, en pleine ébullition !
Et pour rêver plus loin, si l'on prend tout l'ecosytème au sens large de la moto (vente de scooter et moto, vente d'équipement, assurances, pièces détachées, équipement, essence, etc), on arrive à un marché total de l'ordre de 6Mds€ par an, rien qu'en France...Un terrain de jeu intéressant...
Go Motoblouz !
(*) L'histoire du rachat d'Access Moto est assez amusant : quand nous avons décidé de fusionner avec Motoblouz en 2009, j'ai immédiatement pensé à gagner en volume en rachetant Access Moto, qui à l'époque était n°1 du secteur avec pas loin de 5M€ de CA. J'ai appelé le patron fondateur, Alain Basirico, qui m'a gentiment éconduit, sans même qu'on puisse se voir. Leader, il se sentait assez sûr de lui...
1 an plus tard environ, je reçois un appel sur mon portable, je vois s'afficher le numéro d'Alain Basirico. Avant même de décrocher je me dis que s'il m'appelle c'est qu'il doit être "mûr" pour une discussion. Et la suite ne fait en effet que le confirmer : il commençait à sentir la pression du marché et la baisse des marges, était passé n°2 derrière Motoblouz, et pour couronner le tout il devait faire face à de multiples problèmes personnels...Bref, une conjonction de facteurs le rendaient subitement ouvert à la discussion. 2 jours plus tard je descendais le voir à Montpellier et 3 mois plus tard on le rachetait (pour 4x moins que ce qu'il voulait initialement !).
C'est souvent le cas dans les acquisitions, il faut savoir planter une petite graine puis être patient en attendant que le fruit soit mûr...
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