Actualité stratégique intéressante depuis quelques jours, ce qui me donne l'occasion de poser sur le papier certaines pensées. Alimentées aussi par mon quotidien à animer mon groupe de start-up Day One !
Début décembre, on apprenait le mariage entre CVS et Aetna (deal à 69Mds$), hier on apprenait le mariage entre Disney et la 20th Century Fox (deal à 66Mds$). Dans les 2 cas, c'est l'ombre et la menace des géants du Net qui motive ces rapprochements, même s'il y a aussi d'autres éléments.
Pour CVS, leader de la distribution de médicaments aux US (près de 10.000 points de vente), les rumeurs sur l'arrivée d'Amazon dans la distribution de médicaments, sont une des raisons qui l'ont fait se rapprocher d'Aetna, géant de l'assurance santé aux US.
Pour Disney, l'impératif était d'élargir son catalogue pour résister à Netflix notamment, qui dépense 8Mds$/an en création de contenus. Mais aussi à Amazon qui s'est lancé dans la production de contenus en y allouant plusieurs milliards. Et en plus du contenu, Disney veut aussi devenir un géant du streaming.
Dans les 2 cas, ces manoeuvres stratégiques sont des game changers qui peuvent propulser Disney et CVS bien plus loin, ou au minimum les empêcher de perdre en compétitivité vs de nouveaux entrants.
Disney et CVS ne sont pas vraiment des start-up, mais pour elles comme pour toute entreprise on doit toujours agir comme si c'était le 1er jour ("always Day One") avec la niak d'origine et le bon zeste de pananoia. Au risque de perdre du terrain, de la compétitivité et de finir par se faire racheter à bon compte en n'ayant plus vraiment de pertinence business.
Ce qui me fait penser que, si bien évidemment une entreprise doit d'abord être pilotée de près, avec un suivi des metrics pour construire un business model rentable et pérenne, la hauteur de vue et la vision stratégique créent au moins autant si ce n'est beaucoup plus de valeur à terme. D'ailleurs, une bonne exécution dans la mauvaise direction, c'est pas vraiment ce qui va créer une forte valeur actionnariale !
Prenons juste l'exemple de moultes retailers, ils maitrisent parfaitement leur métier de base, ils exécutent globalement bien ce métier, mais leur myopie pendant de nombreuses années sur les menaces et les risques engendrés par le digital et les géants engendrés (surtout Amazon) leur a fait perdre beaucoup de terrain et les rend aujourd'hui particulièrement vulnérables. Et Walmart, pour (tenter de) rattraper son retard a du mettre 3Md$ pour, de facto, s'adjoindre les services d'un vrai visionnaire du retail digital, Marc Lore, en lui rachetant sa start-up qui ne faisait que 100M$ de CA (août 2016).
Pour revenir aux start-up, le modèle de conduite des affaires que je privilégie en fait est celui-ci, on construit d'abord une coeur de business sain et rentable, et après on l'étend à un bon rythme avec une diversification judicieuse, des alliances et du M&A. Ce qui requière donc à la fois des compétences dans l'exécution, et des compétences dans la capacité à voir loin et grand, à s'extraire du quotidien pour se projeter dans le futur.
Cela ne veut évidemment pas dire qu'il faut faire du M&A une religion, et encore moins qu'il faille racheter n'importe quoi à n'importe quel prix, mais quand on sait par exemple qu'environ 80% du CA des entreprises du CAC40 sont le résultat de M&A à un moment ou un autre de leur histoire, on comprend l'importance de la chose. Dernières illustrations en date, l'acquisition de Westfield par Unibail cette semaine, et dans un passé à peine plus lointain Danone s'est offert Whitewave Foods en juillet 2016 pour 12,5Mds$, Air Liquide a racheté Airgas en novembre 2015 pour 13Mds$, Altice a racheté Cablevision en septembre 2015 pour 17,7Mds$. Atos veut aussi en ce moment racheter Gemalto, mais l'actionnariat de celui-ci n'est pas vraiment ravi...
Start-up du digital née fin 1999, le Groupe Photobox n'est pas un géant du CAC40 avec ses 400M€ de CA environ, mais le phénomène est le même : le Photoways d'origine que j'ai fondé et dirigé a d'abord avalé l'anglais Photobox en 2006, puis il y a eu les acquisitions de Moonpig (toujours UK), de PosterXXL (Allemagne), de Hartmann (Espagne), etc. Aujourd'hui, le noyau d'origine, donc Photoways, ne doit pas représenter plus de 20% du total, le reste provenant des diverses acquisitions.
A noter cependant qu'une pensée visionnaire qui n'est pas complétée par de l'analyse, de la logique et du pragmatisme s'apparente plus à une pensée de rêveur, ce n'est pas cela qui fait une bonne stratégie pertinente.
Je vois moultes doux rêveurs, qui croient que parce qu'ils ont une vision ce sont des stratèges, et je vois aussi des entrepreneurs qui exécutent bien, avec un oeil de bon aloi sur les metrics, mais qui ne savent que rester dans le court terme. Je déjeunais ainsi récemment avec le CEO d'une de mes start-up, qui m'avouait sans embages qu'il était incapable de réfléchir à plus de 12 mois, qu'il était juste focalisé sur l'exécution à court terme...
Dans la réalité, la grande création de valeur actionnariale est la résultante entre une exécution parfaite et une vision juste et ambitieuse, notamment réalisée avec du M&A et/ou des alliances stratégiques.
Recent Comments