Aujourd'hui à 10h s'est enfin achevée chez le notaire une longue histoire rocambolesque qui m'en aura fait voir de toutes les couleurs pendant plus de 8 ans, des vertes et des pas mûres...
Le mauvais point c'est que j'aurais perdu beaucoup de temps et pas mal d'argent aussi, le bon point c'est que j'aurais énormément appris dans cette histoire, sur de nombreux plans. The "hard way" comme on dit en anglais, mais mon expertise du contentieux juridique s'est notamment considérablement renforcée !
Je crois utile de relater ici toute l'histoire, en cachant bien sûr les noms des protagonistes, ainsi que de la société en question en Belgique (elle existe toujours, et marche pas trop mal maintenant grâce à un top manager expert).
En distillant ci et là quelques conseils au passage pour ceux que ça intéresse !
C'est de loin le plus long post de l'histoire de ce blog (qui, ouvert en mars 2004, est forcément très vintage, puisque je n'en ai jamais changé le design web 0.0 de l'époque !). Je recommande de lire ce "roman" jusqu'au bout, car non seulement il est truffé d'événements cocasses voire comiques, mais il fourmille aussi d'éléments qui pourraient vous être utiles à un moment ou un autre de la vie des affaires.
Fin 2010 une "connaissance" (loin d'être un ami) qu'on appellera ici Arthur, que je connais et fréquente depuis 2-3 ans, me parle d'une société "N", en Belgique, qui existe depuis 2005 ou 2006 et a conçu un produit qu'il me dit fantastique (un logiciel B2B dans un certain secteur, que je tairais aussi car c'est un microcosme). La société rencontre néanmoins de sérieux problèmes car d'une part le management n'est d'après Arthur pas très bon, et d'autre part les actionnaires d'alors, minoritaires cependant au capital, qui ont déja remis plus de 5M€ au total, ne veulent plus remettre dans la société, de fait quasiment exsangue avec des dettes qui se creusent...
La situation est donc délicate, mais Arthur me dit qu'il aimerait bien racheter "N" et m'expose comment en tirer toute la valeur, avec un nouveau plan commercial. Arthur, diplômé MIAGE de Dauphine qui approche de la cinquantaine, est crédible sur le papier : ancien Directeur Commercial d'une importante société informatique assez connue, il opère alors à l'époque à la fois comme agent commercial pour la société "N" dans l'Océan Indien, et aussi comme apporteur d'affaires pour une autre société opérant dans ma dématérialisation des factures, dont il me dit qu'il a été instrumental dans son redressement. Il présente bien, toujours en costume-cravate, a une réelle l'empathie, parle bien, de façon posée, a une vraie stature physique, et quand il me dit qu'il est prêt à investir 300K€, ça montre qu'il y croit vraiment et a des moyens...
Je lui dis alors que je suis prêt à étudier l'affaire, et pourquoi pas monter un tour de table pour racheter la société, et qu'après il puisse la gérer et la développer. Moi je me contenterais de mettre 200K€, jouant ainsi simplement au gros business angel...
Détail à ce stade, Arthur est franc-maçon. Il ne me l'a jamais caché, au contraire il a cherché à me recruter dans sa loge. Mais ce n'est pas pour moi. Ce détail aura son importance plus tard à 2 reprises, vous comprendrez...
Début 2011, je rencontre le management de "N", qui m'explique que les actionnaires sont en mode panique, que c'est très dommage et aussi une grosse erreur car le produit est aujourd'hui fin prêt, avec une belle V2 dans le pipe, et qu'il faut juste mettre un peu de pression commerciale pour le déployer à grande échelle. Eux seraient partisans de changer d'actionnaires et voit donc mon initiative d'un très bon oeil...
Je rencontre ensuite certains actionnaires de "N", en effet très mécontents de la situation et qui me confirment qu'ils ne veulent pas remettre au pot, n'ayant plus aucune confiance dans le management qui les a balladés depuis tant d'années.
Je suis d'ailleurs une fois dans un diner à Bruxelles où il y a à la fois le management fondateur de "N" et l'un des actionnaires : diner tendu avec des noms d'oiseaux qui fusent des 2 côtés, et moi au milieu à compter les coups !
L'un des actionnaires, qu'on appellera William, est lui-même utilisateur du logiciel pour l'une de ses entreprises, et le fait que "N" coule serait pour lui un problème coûteux : il devrait changer, ça lui coûterait cher, plusieurs centaines de K€.
Il venait donc juste d'ailleurs de proposer aux autres actionnaires de racheter les actifs pour une bouchée de pain...Quelque part, William, déja actionnaire, a donc un projet de reprise concurrent... Pas forcément simple pour nous de se positionner contre cela.
C'est dans ce contexte de guerre entre le management et les actionnaires, avec l'un d'entre eux jouant la montre et la faillite pour racheter les actifs pour pas grand chose, que je commence en février/mars 2011, avec le Arthur en question, une due diligence sur le marché et la société. Je prends l'initiative, contacte des clients et de gros prospects potentiels, qui me confirment que le logiciel est de bonne qualité et qu'ils pourraient en acheter plusieurs milliers de licences sur les années à venir (à 1000€ pièce tout de même). Je rencontre aussi plusieurs distributeurs et apporteurs d'affaires qui sont globalement positifs sur le produit.
Le marché semblant être la, je me dis qu'il y a bien peut-être une vraie opportunité. Le Arthur en question, toujours prêt à mettre 300K€, m'explique les erreurs commises par le management actuel, et ce que lui ferait s'il était CEO. Il me confirme aussi qu'il est prêt, dans un hypothétique tour de table de reprise, à ne pas prendre de salaire en tant que CEO pendant 1 an. Il sait être convainquant le Arthur, wow...
Je commence alors à négocier avec les actionnaires de "N", et c'est très compliqué à cause du William qui souhaite lui racheter les actifs pour pas grand chose. Mais comme le management reste majoritaire au capital, William ne peut de facto pas forcer quoi que ce soit. Situation de "je te tiens, tu me tiens" jamais très simple, surtout avec dans un contexte de menace de dépôt de bilan.
Je propose aux actionnaires de racheter la société pour 2M€ (rappel, plus de 5M€ avaient été investis, surtout en développement produit, il y en avait pour une vingtaine d'années-homme de dev), avec 600K€ de cash frais supplémentaire pour ensuite développer les ventes. Prudent cependant, je leur explique que je veux qu'ils remettent le 1/3 de ce qu'ils touchent dans le pool de rachat.
Après une négo très pénible pendant plusieurs semaines, car il faut chercher un équilibre délicat avec le management en place (CEO et CTO), indispensable pour le futur et faire la transition, et les actionnaires investisseurs, on se met d'accord sur les grandes lignes...et l'avocat commence alors à drafter le protocole d'accord.
En parallèle, je fais le tour de quelques amis, et assez rapidement je réunis les capitaux nécessaires : Arthur est crédible, il met 300K€ de sa poche, on paye une fraction du coût de développement du logiciel, les anciens actionnaires remettent aussi, le logiciel est réputé bon, et le marché semble bien être la. Par ailleurs, Arthur ramène lui comme co-investisseur le distributeur du logiciel sur l'Algérie, autre signe de confiance dans le produit et son potentiel. Il ramène également un contact sur Maurice, client potentiel du logiciel. Je me dis pragmatiquement que si clients et prospects du logiciel sont prêt à miser, c'est qu'il y a bien derrière quelque chose de qualité...
Par ailleurs, Arthur, qui est donc le distributeur du logiciel de "N" sur l'Oceéan Indien, me dit que niveau commercial il cartonne, "chaque visite commerciale c'est une vente potentielle..."
Sur le papier, il y a donc a priori tout ce qu'il faut pour estimer faire un deal raisonnable. Le seul problème quand même, c'est que je suis très loin de mes bases. Un monde que je ne connais pas du tout, de surcroit dans une boite en Belgique, et à majorité flamande...
Du simple bon business angel prêt à aider, j'ai finalement négocié le rachat, monté le pool d'investisseurs, discuté avec l'avocat le protocole de rachat, et suis ainsi devenu de facto le chef de file de la reprise...pour aider Arthur à prendre le contrôle et gérer "N".
Fort des intentions du pool d'investisseurs que j'ai réunis, on se met d'accord avec les acheteurs pour un closing début mai 2011. Dans le protocole, l'avocat a bien stipulé une condition suspensive, que nous ayons bien réuni concrètement les capitaux.
1er coup de théatre, le jour du closing, William, qui a toujours en tête certainement de racheter les actifs pour une bouchée de pain, refuse de signer, disant qu'il ne comprend pas la condition suspensive : si nous avons l'argent, cette clause ne sert à rien, et si nous n'avons pas l'argent, il n'y a pas de deal...William est un bon flamand pragmatique, très successful dans les affaires. Un sens inné de la négociation, un travailleur dingue avec une énergie folle, un regard rusé et...une résistance hors norme à l'alcool !
Après 5 ou 6 mois d'étude et de négo sans fin avec les uns et les autres, cela en est trop. Je ne vais pas m'engager dans ce deal si je n'ai pas l'argent. J'ai déja mis trop d'énergie dans un secteur que je ne connais pas, de surcroit en Belgique, tout cela est loin de mes bases. Je suis plus que lassé, j'arrête...
Histoire close, je passe à autre chose, et je me dis qu'on verra plus tard pour les frais d'avocat déja à payer.
Cependant, quelques jours plus tard , alors que je marche dans la rue, l'avocat me rappelle et me convainc après pas mal de palabres que cette condition suspensive ne sert à rien. Le pool d'actionnaires étant constitué, on peut s'en passer, l'idée est de signer le protocole de rachat de la société, puis de se donner quelques jours pour réunir les capitaux des uns et des autres, et payer plus tard. Les vendeurs seraient d'accord pour ne recevoir l'argent que 2-3 semaines plus tard. D'abord sceptique, je me laisse convaincre.
Et on reprend rendez-vous pour un closing fin mai 2011. Et cette fois, c'est bon, le rachat est acté, les investisseurs signent tous leur bons de souscription dans le holding français de reprise des actifs, donc leur engagement à mettre l'argent qui permettra ensuite de déboucler l'opération. Je suis en 1ère ligne, Président du holding de reprise...
Et à partir de la...catastrophe sur catastrophe, galère sur galère...pendant 8 ans...jusqu'à aujourd'hui 4 juillet 2019, belle date par ailleurs !
Je commence à recevoir les capitaux des investisseurs du deal, mais le distributeur algérien ne donne lui plus signe de vie. Arthur et moi le relançons maintes fois, en vain. Amené dans le deal par Arthur, je ne le sentais pas très bien. Il était fuyant, jamais très clair, et m'a demandé de signer le bulletin de souscription à sa place en m'envoyant un pouvoir avec une signature qui ressemblait plutôt à une croix qu'autre chose...Il faut bien se rendre à l'évidence, ce gars n'est pas crédible et il n'avait pas de cash.
Il faut donc remplacer son apport, donc j'y vais de ma poche, 200K€ de plus, seul moyen d'aller vite.
Mais il y va alors y avoir plus grave et dramatique...Je ne le sais pas encore, même si je commence à me poser des questions, car Arthur, porteur du projet, n'a pas non plus lui encore mis l'argent...
Le Arthur, et bien non seulement il n'a finalement pas d'argent, et aucune banque n'a voulu lui prêter, ni aucun ami, mais il m'envoie aussi subitement un simple petit mail un samedi matin pour me dire "pour moi, "N" c'est fini, j'ai des choses plus importantes dans ma vie...".
Wow, wow, wow : j'ai négocié pendant des mois pour racheter la société et qu'Arthur la gère, pour lui j'ai monté un pool d'actionnaires avec des gens qui m'ont fait confiance, j'ai moi même investi plusieurs centaines de K€ et voila que le porteur du projet disparait, me laissant seul avec une société en Belgique dans un secteur de logiciel B2B que je ne connais absolument pas, incapable de la gérer ! Bigre, le ciel m'est tombé sur la tête. Je me rappelle encore de ce samedi de mai 2011 où j'ai reçu ce mail, j'étais très très mal...
De facto, je dois admettre que je suis tombé sur un sacré zozo, capable de signer un bon de souscription, équivalent à une engagement ferme, puis de se retirer comme si de rien était, avec juste un petit email...Léger et grave à la fois...Le gars a du se rendre compte au dernier moment qu'il faisait une énorme connerie, et de toute façon il était sans le sou...
Un peu interloqué par ce comportement, je vais voir l'ancien boss d'Arthur, CEO de la boite de logiciel dont il était alors apporteur d'affaires. Je l'avais déja rencontré dans le passé, car c'est lui aussi un ancien de Bain & Cie, on s'y était croisé il y a 25 ans environ. Je tombe des nues, je m'en veux, car il me décrit un Arthur totalement mythomane, à qui il n'aurait jamais confié un kopek. Il me précise qu'Arthur ne jouait plus qu'un rôle marginal dans la société, bien loin de ce que ce dernier m'avait raconté (cf plus haut, il s'était érigé en "sauveur" de l'entreprise).
Un mythomane est la 1ère victime de ses illusions, mais il peut faire beaucoup de dégâts collatéraux !
Quel con j'ai été de ne pas avoir fait une due diligence sur le Arthur en question. Il faut toujours faire des due diligences approfondies sur les hommes, leur moralité, leur sens des affaires, leurs aptitudes et leurs qualités et défauts. Quel con, vraiment. J'ai fait confiance à un gars sans creuser un minimum et prendre des références. Quelle erreur...
Et attention, un vrai mythomane sait être très convaincant, car en fait il ne ment pas, il est dans son trip, il croit juste aux énormités qu'il sort. Il ne veut pas voir le factuel, il ne voit pas le factuel, il ne voit que ce qu'il veut croire. Il y avait déja eu plusieurs signaux faibles qui auraient du me mettre la puce à l'oreille, mais je ne les ai pas écoutés. Un exemple, alors qu'on cherchait à rassembler le tour de table, Arthur m'a une fois demandé d'appeler un investisseur potentiel, me disant qu'il lui avait parlé, que la personne était bullish sur le dossier et pouvait mettre plus de 500K€. Etonné, je lui avais demandé si le gars avait bien reçu tous les éléments et était vraiment partant. Arthur m'avait alors dit "oui oui, c'est sûr, il a tout vu, il m'adore, il a confiance en moi, appelle le pour boucler". J'appelle l'investisseur qui bien sûr infirme tout de suite, me disant qu'il avait juste dit "pourquoi pas, ça dépend, à voir, si si et si...", façon polie en fait de dire non.
Arthur avait compris à sa manière, à savoir il avait compris ce qu'il voulait comprendre...Et oui, Arthur est bien certainement mythomane, s'inventant des histoires et y croyant lui-même avec la meilleure foi du monde...Et je me suis laissé embarqué dedans...
Dans le livre "je sais que vous mentez, l'art de détecter les menteurs et les manipulateurs", que je recommande fortement (je ne l'ai lu qu'après cette histoire), l'auteur reconnait que les vrais mythomanes...on ne peut pas les détecter. Car, justement, ils ne mentent pas. Un menteur conscient se coupe généralement tôt ou tard si on essaye de recroiser les faits, ce qui permet de le repérer (à l'exception des maitres menteurs-manipulateurs). Mais un mythomane, à fond dans son histoire, reste lui toujours assez cohérent.
Le CEO de la boite de logiciel me raconte aussi qu'Arthur n'est finalement pas un bon commercial, qu'il rapporte rarement des affaires, mais que parfois ça tombe bizarrement, et on ne sait pas comment. Il me cite 2 ou 3 noms, et la je comprends : ces contrats qui tombent miraculeusement, ce sont des noms de clients que m'avait aussi donnés Arthur, me disant que c'était "ses frères"...Et oui, l'aide et la préférence maçonnique, réseau invisible, mais bien réel...
On le verra aussi encore plus tard.
Pour revenir au deal, je palpe évidemment l'option de tout arrêter, de ne pas respecter le protocole d'engagement de rachat, de déboucler l'opération, rendre l'argent à ceux qui avaient déja fait le virement, et laisser "N" avec ses actionnaires passés, quitte à essuyer un procès des vendeurs.
Il y a aussi 100K€ de frais d'avocat à payer pour le deal...Un avocat qui m'a fait enlever une condition suspensive, quelle énorme erreur...qu'il ne veut évidemment pas reconnaître. On peut attaquer un avocat, mais c'est jamais trop simple...
Mais d'abord ne pas respecter un engagement n'est vraiment pas dans ma façon de faire, il faut assumer ses conneries, même si ça coûte. Ensuite, après avoir relu mon audit, et consulter quelques amis dans le logiciel, je me convainc qu'il y a vraiment du potentiel avec cet actif. Et on a 600K€ de cash pour le développement, de quoi être à peu près serein pour au moins 12 mois.
Et il y a un sacré challenge..j'adore les challenges...
Je poursuis donc le projet...L'argent est remis pour compenser le défaut de souscription du fou mytho Arthur : je remets moi-même la plus grande partie au bassinet, avec 2 ou 3 autres actionnaires.
Juin 2011 est évidemment très compliqué. Je passe beaucoup de temps en Belgique à essayer de comprendre un minimum le business, mais aussi surtout à chercher un CEO, en activant de nombreuses pistes, en France, et localement où j'y ai de nombreux amis.
A noter qu'un investisseur potentiel du deal auparavant, spécialiste du logiciel, qui aurait pu miser mais ne l'avait pas fait à cause d'Arthur qu'il avait rencontré et qu'il ne trouvait pas du tout crédible (j'aurais du l'écouter...), m'avait alors dit que la seule façon de m'en tirer serait que je passe 12 mois dans la société en permanence...
Mais cela était impossible.
Par chance (ou pas, on verra plus tard), de fil en aiguille, je trouve en juillet 2011 un gars en Belgique, on va l'appeler Yves, juste la cinquantaine, manager commercial dans une grande entreprise d'un secteur connexe, qui cherchait déja à racheter une entreprise dans le logiciel. Il parait crédible, je prends de bonnes références, et il accepte aussi de fortement baisser son salaire de cadre sup pour un job entrepreneurial chez "N", avec du capital.
Je le présente aux collaborateurs de "N" et à mes co-actionnaires, il fait bonne impression, on a de toute façon pas beaucoup de choix, on l'embauche, et de mémoire il commence son job de CEO de "N" début septembre 2011.
Anecdote au passage, présent sur le terrain donc en Belgique durant le mois de juin, j'apprends que les nombreuses ventes que m'avaient fait miroiter Arthur sur sa zone de l'Océan Indien ne se sont jamais conclues. Pipeau intégral, la aussi il avait voulu croire ce qu'il voulait.
Et c'est aussi en étant présent physiquement dans la société que je me rends compte que l'ancien management n'est en effet vraiment pas très bon. Un manager doit constamment prendre des décisions pour avancer, mais quand vous constatez que ces décisions sont dénuées de logique et de bon sens...Je comprends alors pourquoi la société a en effet végété durant de nombreuses années et que les anciens actionnaires étaient excédés. Il n'y avait rien à tirer de cette équipe, il fallait bien la remplacer. Reste à voir si Yves sera lui l'homme de la situation...
Passons rapidement sur les 12 mois qui suivent, pendant lesquels je me rends en Belgique régulièrement, normal je suis l'actionnaire principal et j'ai misé pas mal de centaines de K€. Yves, malheureusement n'était clairement pas l'homme de la situation, ou alors l'affaire était vraiment trop compliquée, ça ne décolle pas, les 600K€ de cash injectés initialement disparaissent progressivement...Entre un bon cadre sup d'entreprise gérant dans un environnement rodé, et un entrepreneur sachant naviguer dans un environnement incertain, tant au niveau du produit, des ventes que du business model, il y a une énorme différence.
Et en juillet 2012 voyant que ça sent sérieusement le roussi, qu'il n'y arrive pas et qu'il n'y a plus de cash dans la boite, Yves me dit assez logiquement qu'il démissionne, et disparait bien vite, la queue basse...
Et la, je me retrouve donc de nouveau seul avec une boite encore au bord du dépôt de bilan, sans CEO...
Je tente d'aller voir le grand concurrent du secteur, français lui aussi, plus ou moins leader mondial de ce micro segment. Je rencontre le CEO dans ses bureaux à l'Etoile à Paris, il connait très bien "N" puisque l'équipe fondatrice sont des anciens de chez lui. Il me glisse au passage : "alors, XX, toujours porté sur l'alcool ?". Le XX en question étant le CTO de "N"... Je suis cash, je lui dis que je suis prêt à lui vendre "N", ce qui lui faira un concurrent de moins. Même petit concurrent, "N" était une nuisance pour lui et faisait pression sur les prix. Bizarrement, il me dit qu'il a déja parlé à son Conseil d'Administration et qu'il a le feu vert pour racheter "N" pour 400K€. Pipeau en fait que tout cela, le gars n'était pas très net non plus. Haut en couleur, roublard, ne s'embarrassant pas trop de principe, vraiment pas le genre de gars avec qui j'avais de toute façon envie de faire des affaires.
Néanmoins, le gars a une solide intuition business, et je comprends l'erreur que j'ai faite en rachetant "N". Lui est leader mondial, et même si son logiciel n'est pas forcément toujours au top, il fait bien le job. Pour arriver à le déboulonner, il faut soit venir avec un logiciel très significativement supérieur et qui en offre vraiment bien plus, soit fortement casser les prix quitte à l'offrir carrément, mais alors dans ce cas la le business model n'est pas évident. La force du leader en place..."N" était peut-être meilleur sur certains plans, mais à la marge.
A cours de solution, je me tourne alors vers William, l'actionnaire flamand qui n'avait dèja pas envie de voir la boite disparaitre en 2011 car il en utilisait le logiciel pour l'une de ses entreprises. Il est toujours dans les mêmes dispositions, intéressé par reprendre l'actif, et en octobre 2012, après une courte négociation, on est contraint de lui revendre la société pour une bouchée de pain : "N" était déja bien endetté, plus de cash dans les caisses, plus de CEO, c'était ça ou bien me taper un dépôt de bilan qui nous aurait mécaniquement amené à la liquidation. On vend, et on acte alors bien concrètement qu'on perd 95% de la mise de mai 2011...
Certes je perds pas mal d'argent, mais me débarrasser de ce boulet était ma priorité, il faut savoir tirer des traits pour avancer. L'Accélérateur/Day One avait été lancé en mars 2012, il prenait son envol, je négociais avec la famille Leclercq leur entrée au capital (effectif début 2013), il fallait donc tirer un trait sur mes mésaventures en Belgique.
Point important pour plus tard, la cession se fait par la vente du holding français de reprise que j'avais monté 18 mois auparavant et dont j'étais le Président, et qui possède l'actif opérationnel en Belgique.
On négocie toutefois un earn-out si la société fait plus de 2M€ de CA dans les 3 ans.
Surtout, maintenant que la perte est bien avérée concrètement, on décide d'attaquer Arthur en justice, pour dol et non respect de son engagement de souscription. Lui ainsi que le distributeur algérien. C'est le holding français de reprise qui porte la procédure, l'éventuel argent qui serait versé reviendrait alors ensuite aux actionnaires du pool que j'avais monté, donc la société doit impérativement rester ouverte. William ne l'accepte pas de gaité de coeur, il n'a que faire d'un holding en France, simple coquille juridique, mais il accepte.
Je suis bien sûr seul en charge de la procédure, devant tout gérer pour les compte des investisseurs, ce qui est aussi normal vu que d'une part j'étais allé les chercher et les avais mis dans cette galère, et d'autre part en tant que plus gros actionnaire j'avais le plus à récupérer...
Mais ça va demander un travail dingue cette histoire...Je regardais récemment ma boite email liée à cette histoire, elle regorge de 1500 emails !
Tout début 2013 je rencontre enfin un avocat recommandé pour ce genre de procédure. Il est en province (ça a aussi son importance). Devant les éléments que je lui fournis, il m'explique que récupérer les sommes que Arthur aurait du mettre est assez simple, un bon de souscription est un engagement ferme, donc c'est du pain béni, il ne voit pas comment le Tribunal ne pourrait pas nous donner gain de cause. ll est par contre plus dubitatif sur le dol. Dont acte, je comprends, on verra bien.
On se parle 2 ou 3 fois à intervalles rapprochés, pour lui passer diverses pièces, et à chaque fois aucun problème, procédure simple... Mais, lors d'un appel un jour, je lui glisse je ne sais pas pourquoi ni comment qu'Arthur est franc-maçon...
Et à partir de là, bizarrement, plus de nouvelles pendant plusieurs semaines, je n'arrive plus à le joindre... Je finis par l'avoir, et là il m'explique qu'il a réfléchit, cette procédure est finalement bien plus compliquée que cela, ça va prendre du temps, et lui n'en a pas. Il se retire purement et simplement de l'affaire...
Hum, hum...J'apprendrai plus tard que dans la Justice, en Province, et notamment en contentieux, il y a beaucoup de franc-maçons...Un réseau invisible, qui s'entraide, se file des coups de mains, etc.
2-3 mois de perdus, je trouve alors un autre avocat, rebelotte, je ré-explique le tout, et fournis de nouveau toutes les pièces. La procédure est cette fois bien lancée et le process juridique suit son cours : assignation, multiple jeu de conclusions des 2 parties (que je dois relire à chaque fois), etc. Les tribunaux sont engorgés, le process est lent, très lent, on ne passe au Tribunal que début 2015.
De manière absolument incompréhensible, nous perdons en 1ère instance, nous sommes déboutés de toutes nos demandes ! Je veux bien comprendre pour le dol, mais pour l'engagement de mettre les fonds via le bulletin de souscription, pourtant considéré comme un engagement ferme et irrévocable, et ce qui a du être payé au CEO remplaçant, Yves, la c'est du factuel patent...Vraiment incompréhensible...
Au passage, notons que dans les pièces apportées par la partie adverses, il y avait des témoignages de personnes qui vantaient ses qualités professionnelles. Presque toutes des "frères" d'Arthur qu'il m'avait présentées auparavant...
Je pense cependant que la jeune avocate en charge du dossier n'a pas fait du bon travail. Je le voyais à ses conclusions, qui ne me plaisaient guère, compliquées et confuses, alors que les points à faire étaient simples et clairs. Je demande à faire appel et demande aussi au partner du cabinet d'avocats (un ami de 30 ans) de la remplacer par un collaborateur plus senior, plus rigoureux et pitbull, avec des références, et nous faisons bien appel.
Heureusement cela se passe cette fois plus rapidement (relativement), et nous repassons au Tribunal début 2016.
Le 14 avril 2016, encore sur mon lit d'hôpital après mon opération cardiaque, j'apprends de mon avocat la bonne nouvelle, nous gagnons en appel contre Arthur ! Yeah ! Dur d'éclater de joie, mon thorax a tout de même été coupé en deux un mois auparavant !
Arthur est condamné à nous rembourser l'argent que nous avons mis à sa place, lui qui n'a pas honoré son bulletin de souscription, et il doit aussi payer ce que Yves, le CEO embauché à sa place, avait coûté sur l'année où il avait travaillé, car Arthur s'était engagé à travailler un an sans salaire.
Au total, quelques centaines de K€ quand même...Ce n'est jamais qu'une fraction de ce que nous avons investi, mais c'est déja ça et justice est faite.
Le distributeur algérien s'en tire lui, il a réussi à faire croire que le pouvoir qu'il m'avait fait parvenir, avec une croix pour toute signature, était un faux...
A partir de la, le procès étant gagné, on pourrait considérer que l'affaire est presque fini, que ce n'est pus qu'une formalité pour se faire dédommager ! Et bien non, il va encore falloir plus de 3 ans pour récupérer un (tout petit) peu d'argent, et finalement bien moins que ce que le Tribunal avait alloué car les frais juridiques et divers vont s'allonger ! Et entre temps je vais encore avoir des déconvenues et vivre des épisodes rocambolesques.
Une fois qu'on a gagné en justice, il faut faire exécuter la décision. Et la, ce n'est pas simple, c'est même plutôt "technique". Il faut d'abord communiquer la "grosse" de la décision de Justice à l'autre partie, par voie d'huissier. Pour diverses raisons, et notamment des renvois de responsabilités entre avocats et huissiers, ce n'est que fin août 2016 qu'Arthur reçoit enfin la décision de justice et doit alors s'exécuter...s'il ne se pourvoit toutefois pas en cassation. Ce ne sera pas le cas, heureusement.
Mais bien évidemment, Arthur est incapable de payer quoi que ce soit. Il fait par ailleurs le mort, ne répond à aucun courrier. Il faut alors activer les huissiers pour qu'ils saisissent ce qu'il y a à saisir, ce qui prend comme toujours un temps fou.
Ils passent chez lui, font l'inventaire du mobilier, mais il n'y en a que pour quelques milliers d'€ de valeur marchande. On récupère aussi 13K sur les comptes bancaires qu'Arthur avait laissés par imprudence. Cependant et surtout, dés le début de la procédure juridique en 2013, on avait aussi mis par précaution sa maison dans l'Oise sous séquestre, ce qui me rassure un peu sur le fait de récupérer un peu d'argent à terme (elle ne vaut que quelques centaines de K€, mais c'est aussi le montant de notre créance).
A noter qu'une mise sous séquestre n'est en rien automatique, il faut prouver pourquoi au Juge (insolvabilité potentiel du débiteur), et en plus ça coûte. On y était arrivé, l'avocat avait été bon sur ce coup.
Arthur étant insolvable, ne voulant ni ne pouvant pas exécuter la décision de Justice, nous décidons fin 2016 d'actionner le séquestre de sa maison pour ensuite la vendre. Mais en l'état, le droit français est extrêmement protecteur de la veuve et de l'orphelin devant les méchants créanciers, la procédure pour mettre en vente une maison sous séquestre est extrêmement lente et pointilleuse : il faut passer devant le Juge, qui va d'abord proposer au débiteur de la vendre lui-même pour maximiser le prix. Et avant il faut vérifier qu'il n'y a pas d'autres créanciers privilégiés.
L'audience est alors fixée quelques mois plus tard, courant du 1er trimestre 2017. Arthur, ne se présente même pas à l'audience, et le Juge décide donc de sa mise en vente immédiate (le concept "immédiat" est assez relatif).
La vente est fixée pour la mi juin 2017. Une semaine avant, une quinzaine d'acheteur potentiels visitent la maison, encore occupée par Arthur et sa femme (ses enfants sont adultes et hors du domicile familial je crois). La maison de 140m2 habitable, avec un grand sous sol et un jardinet, est estimée autour de 450K€, et nous avons décidé de la mettre à prix à 300K€, ce qui semble raisonnable.
Arrive le jour de la vente, de mémoire le 20 juin 2017. Je me dis le matin qu'on touche enfin le bout, que ce n'est plus qu'une affaire de quelques mois pour après signer chez le notaire...
Mais la c'est la douche froide incroyable : aucun enchérisseur, malgré le très bon prix en apparence ! Et que prévoit la loi dans ce cas là ? Et bien la maison revient aux créanciers. Me voila, ou plutôt nous voila, nous le pool de créanciers, co-propriétaires d'une petite maison en lointaine banlieue parisienne, encore occupée par Arthur !
Juridiquement, avant qu'il ne soit acté que la maison est bien à nous cela prend du temps, il y a beaucoup d'administratif juridique et d'allers-retours avec les huissiers et avocats. Et il faut d'ailleurs payer les frais d'adjudication, près de 20K€...que je dois débourser.
Je commence à trouver le temps très long et je sens que mon avocat, qui avait brillamment gagné le procès, n'est pas forcément le plus spécialiste et efficace pour gérer ce domaine très particulier et spécifique qu'on appelle "l'exécution immobilière".
J'en change alors, sur les recommandations d'un autre ami avocat. Le nouveau prend rapidement les choses en main et m'explique que nous avons fait une erreur : à Paris, les maisons saisies sont vendues au prix du marché, mais en banlieue et en province, il faut diviser par 2. La clientèle qui se presse pour visiter est la pour acheter très peu cher, il aurait fallu lancer l'adjudication à 200K€...
Peu importe maintenant...
Ce n'est que dans le courant de l'automne 2017 que le nouvel avocat en charge de l'exécution fait acter que la maison appartient bien juridiquement au collectif de créanciers. Mais on est alors entré dans la trêve hivernale, impossible d'expulser Arthur de "chez nous", il n'y a rien à faire que d'attendre la fin de la trêve au 1er avril prochain. Ceci étant, comme la maison est à nous, nous devons l'assurer, et également en payer les charges d'eau et d'électricité, la taxe foncière, etc ! Arthur est donc logé gratuitement...
Nous pourrions bien entendu lui facturer un loyer pour la forme...mais tondre un oeuf n'est pas très utile ;-)
Avril 2018, fin de la trêve hivernale, je reprends la procédure d'expulsion. La aussi, cela ne se fait pas comme cela. Il faut prendre un huissier qui doit au préalable avertir le débiteur de la procédure et également se mettre d'accord avec un commissaire de Police qui doit être obligatoirement être présent, avec un serrurier. Ce n'est clairement pas immédiat, personne ne se presse...
L'expulsion est alors fixée pour juin 2018.
Histoire de me faire vivre de nouvelles péripéties et de jouer la montre, Arthur saisit dès en mai 2018 le Tribunal en jouant le désespéré, invoquant qu'il serait sans toit, sans travail et sans ressource, et demande 12 mois de plus dans la maison. Du bon pipeau, le gars est souvent à Maurice et Madagascar, avec des comptes la-bas, donc échappant aux radars...
Une audience est fixée en plein milieu du mois d'août 2018, ce qui entre temps gèle la procédure d'expulsion. Je suis au loin, mais par chance mon avocat en charge de l'exécution du Jugement est sur Paris et s'y rend. A noter qu'il est vraiment excellent, précis et diaboliquement efficace, un vrai plaisir de travailler avec lui, je le recommande chaudement, voir ICI
Expérimenté et habitué à ce genre de choses, il est assez confiant cependant sur le fait que mon débiteur, condamné à nous payer depuis avril 2016, soit depuis plus de 2 ans, sera bien débouté par le Juge.
Et en effet, début septembre 2018, quelques semaines après, la décision tombe, Arthur est débouté, il doit quitter les lieux sous 1 mois, sinon nous pouvons l'expulser. Evidemment il ne quitte pas les lieux, et mon avocat toujours aussi efficace missionne aussitôt l'huissier pour l'expulser après le mois en question, ce qui est fait début octobre 2018 : l'huissier se présente et oblige alors Arthur à quitter, il part en scooter avec seulement une petite valise, les serrures sont changées par le serrurier présent sur place.
Arthur perd ainsi sa maison...qu'il avait depuis plus de 25 ans...C'est aussi dur pour lui.
L'huissier garde les nouvelles clés de la maison. Il fait également un état des lieux exhaustif de tout ce qu est dans la maison, y compris ce qui n'a aucune valeur marchande. Extrait :
La loi stipule qu'Arthur a alors 1 mois pour venir reprendre ses meubles et affaires, sinon ils seront réputés abandonnés. A noter que ce même huissier avait dés 2016 saisi les meubles, ce qui veut dire en faire juste l'inventaire, mais de fait on ne peut nous rien en faire. Ce n'est pas à nous à les vendre, il y a une procédure d'enchères stricte. L'avocat me conseille de laisser Arthur prendre tous ses meubles, et qu'il les débarrasse, cela nous coûterait plus cher sinon et ce serait aussi bien plus rapide que de passer par une procédure d'enchères pour récupérer quelques milliers d'€ au maximum...
Nous demandons à Arthur de venir débarrasser toute la maison avant début novembre sinon ils partiront à la benne (j'avais fait évaluer la chose à quelques milliers d'€). Nous nous mettons d'accord et je missionne un ami qui a du temps pour superviser tout cela, et fin octobre 2018 Arthur vient faire le grand déménagement et vide la maison à 90%, nous laissant gentiment tout de même un paquet d'affaires (je lui demande de bien signer que ce qu'il laisse est réputé abandonné),
Nous allons enfin pouvoir la mettre en vente...
Mais ce après d'abord une mise en forme : la débarrasser de tout ce qu'il y a encore dedans, la nettoyer, faire quelques réparations, et la mettre au carré. Encore quelques milliers d'€ à débourser, j'en suis dèja depuis 2013 à près de 50K€ en huissiers, avocat, frais d'adjudication et frais divers, hors les honoraires d'avocat pour le procès (80K€ tout de même), dont on a convenu que nous ne les payerions qu'après avoir touché l'argent du débiteur...
Courant novembre 2018 la maison est fin prête pour la vente, je choisis un agent immobilier, après un beauty contest avec 4 agences locales.
L'agent missionne tous les diagnostics obligatoires, et on découvre au passage que l'assainissement n'est pas conforme, il faut modifier avant la mise en vente (et encore quelques K€ à débourser...).
L'agent immobilier s'avère ensuite assez efficace puisqu'il trouve un acheteur en quelques semaines et fin décembre 2018 je reçois une offre, plus basse que ce que nous estimions, mais pas si loin, nous l'acceptons donc.
2019 s'annonce donc sous de meilleurs auspices, je pense être arrivé dans la toute dernière ligne droite, il faut juste passer devant le notaire pour signer le compromis...
Mais une péripétie majeure va encore survenir...
Comme on est tout de même un pool de plus d'une demie douzaine de créanciers co-propriétaires, la plupart étrangers, éparpillés entre la Belgique, le Luxembourg, la France, le Vietnam et le Portugal, le plus simple c'est que je reçoive un pouvoir de tous pour signer le compromis.
Mais un notaire c'est bien sûr rigoureux et strict, et demande à ce que chaque co-propriétaire montre patte blanche pour les pouvoirs : pièce d'identité des individus et des dirigeants, et pour les personnes morales, Kbis, mais aussi certificat de non dépôt de bilan établi par un expert comptable et un avocat, et que la signature du donneur de pouvoir soit aussi certifiée par un notaire ou un officier public ! Rien que ça, pas très simple pour les sociétés étrangères !
Mes co-actionnaires s'exécutent très lentement...C'est un enfer de réunir tout ces documents. Ayant encore moins à récupérer que moi dans cette histoire, puisque j'étais le plus gros actionnaire et également le plus gros créancier (50% environ de la créance totale), mes co-créanciers ne montrent pour la plupart aucune réactivité. Je passe un temps dingue à les relancer.
Enfin muni de tous les pouvoirs des co-créanciers/co-propriétaires, on se cale avec les notaires sur une signature de la promesse de vente pour mi février 2019.
Mais la tombe une bombe, encore une, une de plus...Les emmerdes n'en finissent plus...
L'un des co-créanciers est le holding français de reprise de la société belge que j'avais constitué en 2011. Si vous avez suivi, ce n'est qu'une coquille juridique en France, qui devait juste être laissée ouverte le temps de la procédure. Le William ne s'en était jamais occupé, et n'en faisait même pas de comptabilité.
Le notaire m'apprend que cette société...a été radiée par le Greffe ! Elle n'existe donc plus juridiquement, et donc impossible de signer quoi que ce soit en l'état. C'est une procédure très classique : le Greffe envoie des courriers, et si au bout de plusieurs fois il n'y a pas de retour, il radie d'office. Mon avocat me précise que c'est juste une mesure administrative, il faut simplement la ré-immatriculer, simple formalité qui prend juste une dizaine de jours en général.
Obligé, je repousse la signature du compromis, sans expliquer la vraie raison, puisqu'il ne s'agirait que d'une dizaine de jours, et je demande à mon avocat de contacter le greffe pour la ré-immatriculer en vitesse.
Mi mars 2019 tombe encore une mauvaise nouvelle qui complique davantage les choses et va occasionner de nouveaux soucis et du boulot : le Greffe refuse de ré-immatriculer au motif que le dirigeant n'a jamais déposé aucun compte. La seule façon de reprendre l'immatriculation serait de déposer tous les comptes depuis...2012.
Je contacte d'urgence William, toujours Président du holding, pour lui expliquer ce qu'il se passe et qu'il doit faire la comptabilité qu"il n'a jamais faite. Etant en Belgique, il ne peut pas faire grand chose, je lui propose donc de m'en occuper, de trouver un comptable en France et de superviser tout cela de Paris.
Le comptable qui s'occupe dèja de pas mal de mes sociétés accepte sur le principe cette mission commando, mais il lui faut des pièces comptables, des relevés bancaires...Et la, surprise, il n'y a strictement rien, nada ! William ne s'est jamais occupé de rien, cette coquille juridique vide ne servait à rien pour lui, et en tant que Belge il ne se sentait pas spécialement concerné par les obligations administratives françaises, déclaration de TVA ou autre. Il n'a strictement aucun élément, il n'a pas les relevés bancaires, personne ne les a d'ailleurs, ils étaient envoyés à une adresse où il n'y avait personne...
Nous voila dans de beaux draps, devant faire une comptabilité sans aucun élément. Pas de compta, pas de ré-immatriculation, pas de vente de la maison...pas d'argent...
En parallèle, depuis janvier il s'est écoulé plus de 2 mois, mon acheteur montre clairement et très logiquement des signes d'impatience, ne comprend pas ce qu'il se passe et visite donc d'autres maisons. L'agent immobilier m'apprend cela, je lui dis que je comprends et qu'il doit lui alors ré-ouvrir les visites pour potentiellement trouver un nouvel acheteur si le nôtre venait à ne pas confirmer.
Petit miracle quand même : quand j'avais crée le holding de reprise en 2011, et en étais encore le Président, j'avais choisi ma banque historique, la Société Générale, comme partenaire pour "N". J'appelle mon contact à la SG, qui me confirme, oh surprise, que je suis toujours mis comme interlocuteur et que j'ai toujours le pouvoir de signature sur le compte ! Je lui demande alors de me transférer par email tous les relevés bancaires depuis 2012.
Je les fournis ensuite immédiatement au comptable, avec pour mission de faire à partir de la des comptes à peu près crédibles. Ce n'est pas forcément très compliqué, vu que la société n'a aucune activité. Il y a juste quelques prélèvements de commissions bancaires et quelques rares mouvements qu'il arrive à comptabiliser. A noter que si on a ne obligation de déposer des comptes au Greffe, lui ne vérifie pas qu'ils soient justes, ça c'est un autre problème...
Le comptable, avec qui je travaille depuis plus de 20 ans, sort donc 7 années de comptes en moins d'une semaine ! On se retrouve alors fin mars 2019, je dois les amener au plus vite au Greffe. A une nuance près, il faut aussi auparavant faire une AG d'approbation des comptes, et déposer les PV d'AG en même temps au Greffe.
Et depuis 2012, ça fait 7 années d'AG à faire...En accord avec William, donc toujours Président officiel du holding, qui m'autorise à imiter sa signature, j'auto-organise les AG de cette société pour laquelle je n'ai pkus aucun rapport juridique, je rédige à la va vite les PV en prenant un modèle standard pour approuver les comptes...d'une société dont personne ne s'occupe !
Et fin mars, muni des comptes et des PV d'AG, je dépose le tout au Greffe, qui me dit que le récépissé sera envoyé par email dans la foulée. Il le fallait ce récépissé pour l'avocat et qu'il reprenne la ré-immatriculation.
Rien dans ma boite email le lendemain ni le surlendemain, j'appelle le Greffe (pas facile à avoir), qui me dit que finalement rien n'est envoyé par email, uniquement par la poste...C'est sûr, pourquoi faire simple et efficace quand on peut compliquer ! Ce n'est en effet que 8 joues plus tard que je reçois par courrier ce fameux récépissé. Je préviens alors immédiatement l'avocat de reprendre la procédure de ré-immatriculation en lui envoyant (par mail) ce précieux document !
Les emmerdes comme disait Chirac volent souvent en escadrille, mais la, début avril 2019, enfin une bonne nouvelle, on obtient le nouveau Kbis de ré-immatriculation. La société existe de nouveau juridiquement !
Je préviens aussitôt mon notaire, l'agent immobilier et l'acheteur qu'on peut bien enfin signer le compromis.
Mais la, l'acheteur ne répond plus...visiblement il est sur un autre coup. J'appelle l'agent immobilier, qui me dit qu'entre temps il a trouvé un autre acheteur, au même prix. Je tente un coup de pression, en donnant 48h au 1er acheteur pour se décider sinon nous passerions à l'autre acheteur...
Cela motive bien l'acheteur, et nous signons donc la promesse de vente le 24 avril 2019, sous condition suspensive d'obtention d'un prêt. Je n'ai pas trop d'inquiétude, l'acheteur est ingénieur dans une société informatique, jouit d'un bon salaire, son épouse aussi. Mi juin nous avons la confirmation qu'il a bien eu son prêt. Les autres éléments (ie pré-emption de la Mairie) sont purgés, nous pouvons donc signer la vente finale.
Celle-ci était fixée à aujourd'hui 4 juillet 2019, date de l'indépendance américaine, qui sera donc aussi pour moi la libération d'une affaire datant de 8 ans..
Et ce matin, comme convenu, j'ai bien signé chez le notaire à 10h30 !
L'argent est pour l'instant bloqué sur le compte Carpa d'un avocat et sera reversé prochainement.
Depuis 2 semaines, j'avais du passer de très nombreuses heures à organiser les règles de répartition aux uns et aux autres du peu d'argent récupéré. Ce n'était pas forcément trivial, car d'une part il y a eu énormément de frais à prendre en compte (140K€ de frais juridiques, huissiers et autres depuis 2013, il fallait regrouper et classer les dizaines de factures), et d'autre part il y a plusieurs niveaux de reversion, puisque la société "N" a également reçu un dédommagement (le salaire versé à Yves qu'elle avait du payer alors qu'Arthur s'était engagé à travailler 1 an sans salaire), qu'il faut ensuite reverser à tous les anciens actionnaires...
Mais enfin, tout cela est maintenant derrière, une vraie délivrance, l'accomplissement d'un long chemin de croix !
Petit point cocasse pour finir, sur la vente de la maison, nous devons payer des plus-values ! La logique de l'Etat est simple : le prix de départ d'adjudication de juin 2017 étant de X, et vendant aujourd'hui la maison à Y, cela fait Y-X de plus-value, end of story. Mais le prix d'adjudication, c'est nous qui l'avions fixé, il était purement arbitraire, on aurait pu le mettre bien plus haut, et la il n'y aurait eu aucune plus-value. La règle fiscale étant la règle fiscale, on ne peut pas ici la contester.
Cette histoire recèle de nombreuses leçons que l'on peut tirer, en autres :
- La justice est toujours extrêmement longue, quoi qu'il arrive. C'est parfois à en devenir fou.
- Et obtenir justice, et faire exécuter les décisions est coûteux. Au total, entre les frais d'avocat pour le procès, puis tous les innombrables frais derrière, il y en a eu pour 150K€. Des frais d'avocat encore pour faire exécuter la décision, et un nombre incalculable de frais d'huissier, les frais d'adjudication, l'assurance de la maison, les charges (électricité, gaz, etc), les travaux pour la débarrasser, la remettre en état, la mettre en conformité, etc, etc. Que la maison soit revendue à 200K ou 2M€, ce sont des frais quasiment fixes et incontournables.
- J'ai mis autant de temps à gagner le procès qu'à récupérer l'argent une fois le procès gagné : 3 ans à chaque fois !
- Toujours faire une due diligence approfondie sur les hommes, leur éthique et leurs compétences réelles. Attention aux mythomanes, extrêmement compliqués à détecter si ce n'est par des signaux faibles, ou alors la confrontation avec les faits.
- Attention aux réseaux informels et invisibles...
- Quand un dossier devient vraiment trop compliqué, avec des points noirs et des résistances de partout...c'est probablement qu'il ne faut pas le faire. Cette affaire n'aurait pas du se faire. Le 1er avocat en charge du deal initial, quand on était en plein milieu des negos, m'a dit "je vais te le sortir au forceps ce deal". Il l'a sorti...et ça m'a coûté cher !
- Toujours rester, quoi qu'il arrive, même indirectement, dans son cercle de compétence. Ou, comme dit Warren Buffett, en substance "if you don't know jewelry, know the jeweler". En l'occurence, la non seulement je ne connaissais rien du tout au secteur, mais je ne connaissais pas vraiment le fond d'Arthur.
- Toujours prévoir ce qu'il peut se passer si les choses vont mal. Pourra t'on réellement se retourner, comment, pourra t'on attaquer en justice ? Au dela du timing, est-ce que le partenaire est solvable ? On ne peut pas tondre un oeuf...
- Attention à mettre des conditions suspensives qui vous protègent...et ne pas les enlever !
- Il faut prendre les avocats spécialistes dans chaque compartiment du droit. Le 1er en charge du contentieux n'était pas bon, pas assez expérimenté et pugnace. Celui qui a pris après en charge l'appel était très bon pour le contentieux...mais pas pour l'exécution, et encore moins l'exécution immobilière, domaine très très particulier où il faut respecter moultes règles sous peine de nullité de procédure.
Beau récit d'une histoire qui a du cramer pas mal d'énergie au-delà du cash !
Bravo pour la pugnacité
Posted by: Daniel Broche | July 04, 2019 at 02:52 PM
Bravo pour la ténacité !
Une formation juridique onéreuse mais fort instructive ...
Posted by: Pierre-Dominique Henry | July 04, 2019 at 05:07 PM
Contenu intéressant et témoignage assez rare, merci Michel.
Je me pose néanmoins cette question : est-ce que tu attaquerais Arthur en justice aujourd'hui, en prenant en compte tes investissements temps/énergie/argent et soucis...
Posted by: Baptiste DUPUCH | July 04, 2019 at 05:30 PM
Magnifique recit! Merci Michel!
Cette procedure vous a permis de recuperer combien au final?
Si c'etait a refaire, feriez-vous differement?
Posted by: Arthur | July 04, 2019 at 06:20 PM
@Arthur, on a récupéré le 1/5 de ce qu'on a investit. Mais rien à refaire, je n'aurais jamais du m'embarquer la dedans
Posted by: Michel de Guilhermier | July 04, 2019 at 06:48 PM
Vous êtes tenace en affaire ! Votre persévérance a fini par "payer".
Une histoire très instructive tant au plan juridique, professionnel et personnel.
Merci pour ce récit.
Posted by: YPOU LOMÉ EGUE | July 04, 2019 at 09:13 PM
Wow. quelle histoire Michel :/
Je n'étais pas au courant de cette histoire de fou (qui est derrière toi maintenant) !
En tout cas, belle combativité.
Au plaisir,
Pierre-Yves
Posted by: Pierre-Yves | July 04, 2019 at 11:27 PM
Merci pour ta reponse Michel!
Je pensais plus au cours de la procedure judiciaire si cette experience te pousserait a faire les choses differement aujourd'hui.
Bravo pour ta tenacite!
Posted by: Arthur | July 05, 2019 at 12:37 AM
OK !
Sur le plan juridique, j'aurais pu en effet optimiser et raccourcir le timing en prenant :
- Un avocat contentieux de meilleur niveau au départ
- Un spécialiste de l'exécution immobiliere dés le Jugement gagné
Posted by: Michel de Guilhermier | July 05, 2019 at 07:23 AM
Merci Michel pour ce témoignage très instructif.
Par curiosité, qu'est devenue la société en question ?
Posted by: Ludovic Chevalier | July 05, 2019 at 10:22 AM
Salut Ludovic, elle se porte pas mal, car le William a mis un très bon CEO et il lui a filé 25% du capital, il est donc motivé.
Bon et motivé, ça permet de faire des choses !
Posted by: Michel de Guilhermier | July 05, 2019 at 02:54 PM
Bonjour Michel,
Merci pour ce récit extrêmement instructif !
Il faut également faire attention à l'escalade d'engagement (ou pied dans l'engrenage). Quand la situation devient objectivement compliquée, mieux vaut abandonner (c'est toujours plus facile de le constater à posteriori ceci dit).
On en revient au conseil du bouquin de Barenton "Ne jamais faire affaire avec quelqu'un qui a moins à perdre que vous quand les choses tournent mal".
Merci encore pour le post !
Posted by: Benjamin | July 05, 2019 at 04:08 PM
Le principe de Barenton est en effet excellent. C'est un principe auquel je pense toujours.
Ceci dit en l'occurence, la le gars a fini par perdre bien plus que moi !!
Moi j'ai perdu pouillièmes de mon patrimoine, lui a perdu sa maison, qui était toutes ses économies en fait (et au passage, comme c'est souvent le cas, sa femme a demandé le divorce)
Posted by: Michel de Guilhermier | July 05, 2019 at 04:14 PM
Bonjour Michel,
Tu imagines que j'ai lu tout ceci avec intérêt.
Je complète un épisode au Printemps 2011: Tu m'avais contacté et l'affaire m'intéressait beaucoup. Tout semblait "top" et j'étais d'accord avec toi sur le potentiel et sur le fait que la "situation" était intéressante.
Je voulais mettre 500K (en Mars 2011).
Mais tu te rappelles que j'ai rencontré Arthur (il était venu dans mes locaux) . J'ai vraiment eu l'impression qu'il racontait n'importe quoi. Mais vraiment n'importe quoi.
J'étais assez ennuyé par rapport à toi car tu étais au taquet. Et tout semblait parfait (mis à part Arthur).
Tu m'as mis a l'aise très vite en me disant "Si tu ne le sens pas, Alain, ne fais pas. Aucun problème" .
Je t'en remercie......
A bientôt,
Alain
Posted by: Alain | July 05, 2019 at 06:04 PM
En effet Alain, cette boite avait bien du potentiel, tout était bon à part le Arthur...
Toi qui est dans un secteur connexe, tu pouvais ressentir qu'Arthur racontait n'importe quoi, comme moi je pourrais sentir qu'un gars raconte n'importe quoi en B2C, eCommerce ou Consumer goods...
Mais moi, loin de mes bases et de mon cercle de compétences, je ne pouvais pas voir à quel point le Arthur déconnait !
En tous cas, heureux que toi tu n'es pas fait cette bêtise.
Cela me fait penser que je vais rajouter ce que tu m'as dit en juin 2018, suite au rachat et à la cata :
En substance : "la seule façon de t'en tirer serait que tu t'immerges à fond et que tu y passes 12 mois non stop"...
Posted by: Michel de Guilhermier | July 07, 2019 at 06:05 PM
Quel récit, et quelle ténacité ! Mais quelle débauche d’énergie...
D'ailleurs Baptiste plus haut te pose la question à laquelle, il me semble, tu n'as pas répondu: "... est-ce que tu attaquerais Arthur en justice aujourd'hui, en prenant en compte tes investissements temps/énergie/argent et soucis...". En gros si la procédure était à refaire tu la referais ?
Mais bon difficile d'imaginer et quantifier toutes ces galères au départ...
On en reparle dans quelques semaines pendant tes vacances ici si tu as toujours prévu de venir :o). Tu les auras bien mérité
Posted by: stephane HERVE | July 09, 2019 at 03:28 PM
En droit comme en affaires, si t'as pas de trésorerie t'es mort !
J'ai lu avec bcp d'intérêt ton récit, peu de gens auraient été jusqu'au bout comme tu l'as fait...
En tous cas, t'as du verser plus de sueur que pour l'ascension du mont blanc ;)
Posted by: BAUDOUIN | July 09, 2019 at 08:58 PM
Stéphane,
Oui oui, je ferais de nouveau la procédure, juste en sachant que ça dure 6 ans au total.
Au final j'ai quand même récupéré 25% de ce que j'ai investi. Donc pas de raison de ne pas les prendre ;-)
Sinon, oui, je suis chez toi entre le 22 et le 3 aout. Comme d'hab, j'ai juste changé de n° de villa, ce sera la n°1
Posted by: Michel de Guilhermier | July 10, 2019 at 05:09 PM
@beaudouin, le Mont Blanc était en effet une partie de plaisir à côté !
Je n'aime par perdre et, oui, je suis sacrément tenace, je ne lâche pas jusqu'à ce que jusrtice soit faite
Posted by: Michel de Guilhermier | July 10, 2019 at 05:11 PM
t'es un vrai pitbull qui ne lâche jamais j'ai l'impression
Posted by: Luc d | July 10, 2019 at 05:34 PM
Super récit, très instructif, merci beaucoup pour le partage. Certains passages font froid dans le dos.
Posted by: charles | July 26, 2019 at 10:06 AM
Récit captivant pour tout entrepreneur. A enseigner !
Merci.
Posted by: Gwen | August 07, 2019 at 04:19 PM