J'écrivais lundi dernier, alors qu'il y avait 35.000 cas et 410 décès environ aux US :
"A la fin de la semaine, les US seront très probablement le pays avec le plus de cas recensés de contamination, on sera probablement autour des 100.000 cas, avec plus de 1000 décès. Vu leur système public de santé, et leur notion de "liberté individuelle", je m'attends toujours à de gros problèmes la-bas. Et aucun redémarrage du monde ne pourra vraiment avoir lieu sans un redémarrage des US".
Les US, qui semblaient suivre la courbe italienne, sont bien devenus le pays avec le plus de cas recensés au monde. Mais finalement, et malheureusement, leur courbe de contamination est largement plus pentue qu'en Italie : à hier soir, soit J+27 pour les US (J étant le jour où le 100ième cas testé positif est apparu) il y avait plus de 140.000 cas recensés aux US, 4 fois plus que la semaine précédente...contre 59.000 environ en Italie et 73.000 en Espagne au même stade. Certes, les politiques de dépistage différentes expliquent sans doute une partie du delta, mais pas tout.
Et 2500 décès, 2.5x plus que ce que je craignais...
Le pic des décès n'est pas attendu avant 15 jours aux US, soit à la mi avril. Et encore, c'est selon Trump, et son insouciance coupable...
Le graphe ci-dessous donne l'évolution du nombre de cas positifs testés aux US, France, Italie, Espagne et Allemagne :
New York, ville cosmopolite et carrefour de tourisme et d'échanges, est particulièrement et durement touchée : près de 75.000 cas déja recensés et plus de 1200 décès à hier soir dans les seuls 2 états de New York et du New Jersey. La-bas, le système public de santé a craqué comme je le craignais, lire ici : totalement débordés et saturés, les soignants doivent maintenant choisir ceux qu'ils peuvent et vont aider...Dramatique et cruel.
Si New York est actuellement l'épicentre de l'épidémie aux US, tous les 50 états sont bien touchés, tous les états ont des foyers de contamination, ce qui, en l'absence de confinement à l'échelle nationale (le 1/3 seulement des US a des consignes de lockdown) laisse présager des lendemains difficiles.
La propagation du virus dans le monde est proprement affolante, alors qu'il n'y avait que 90.000 cas recensés environ début mars dans le monde, et 340.000 dimanche dernier, on était hier soir dimanche à plus de 720.000 cas, soit plus d'un doublement en 1 semaine. Et encore il ne s'agit que des cas testés positifs, la réalité étant peut-être 10 ou 20x supérieure, voire plus...
60.000 nouveaux cas et plus de 3000 décès par jour au plan mondial...On devrait donc passer le million de cas testés positifs jeudi ou vendredi prochain...avec en parallèle autour de 50.000 décès. Décompte triste et macabre.
La réalité est que cette saloperie de virus, notre ennemi invisible et sournois, n'a pas un taux de mortalité très élevé et bien moins que ce qu'on pensait (peut-être 0,2 à 0,5% sur l'ensemble des contaminés, et de 2 à 10% sur les cas dépistés positifs), mais d'une part il affecte beaucoup les personnes âgées, et d'autre part il est d'une contagiosité incroyable, et c'est bien la son immense danger. On estime que chaque porteur peut en contaminer 4 autres au minimum, alors que ce taux de contagiosité n'est que de 1,2 pour la grippe saisonnière. Ce n'est pas un rapport de 1 à 3 ou 4 du tout, car au bout de 10 chainons, le rapport est de 1,2^10 vs 4^10. Faites le calcul, le rapport se compte en centaine de milliers. Et même avec un taux de létalité de 0,2% seulement, ça peut faire à l'échelle mondiale des millions de morts.
Et c'est d'ailleurs à ce stade mon avis : si on ne faisait pas ce qu'il fallait (confinement strict), cette saloperie de virus pourrait faire des millions de morts. Et dans le meilleur des cas, on finira à probablement 200 ou 300.000 (34.000 ce matin).
Ainsi, avec cette extrême contagiosité, on peut en effet être certain que le nombre de cas testés positifs n'est qu'une fraction de la réalité. J'ai plusieurs amis autour de moi qui ont clairement eu, ou ont encore, les symptômes du coronavirus, mais ils ne ne rentrent pas dans les stats car ils n'ont juste pas été testés...Sans compter un nombre incalculable de porteurs sains, asymptomatiques ou avec des symptômes extrêmement légers. Si on pouvait tous faire des tests, on le verrait bien...
Semaine dernière, on a vécu les décès de Patrick Devedjian, un ancien ministre, 75 ans, et le saxophoniste Manu Dibango, 86 ans. Boris Johnson et le Prince Charles ont eux été testés positifs (avec des symptômes légers). Harvey Weinstein aussi, mais la on ne va pas trop s'appitoyer.
Très logiquement alors, et heureusement, le monde se renferme et confine de plus en plus : aujourd'hui c'est plus du 1/3 de la planète qui est en confinement strict. Et la plupart des pays qui ne le sont pas encore ont aussi émis des restrictions à divers niveaux. J'appelais et j'espérais semaine dernière des mesures de confinement plus large, c'est en bonne voie.
Le confinement et les diverses mesures mettant alors une grosse partie de l'économie à l'arrêt forcé, poussant des millions de personnes a chômage, des plans de soutien colossaux ont été décidés par les Etats : 2000Mds$ aux US, 300Mds$ en France, etc.
Mais soyons clair, il n'est pas sûr que ces plans soient suffisants. Prenons par exemple les US où un soutien aussi massif qu'inédit de 2000 Mds$ à été décidé semaine dernière par Trump et ratifié par le Sénat. Le PIB US est de l'ordre de 22.000Mds$ de dollars, soit disons à la louche 2000$ par mois. On estime à 35% la baisse d'activité économique (certains secteurs tel la restauration sont à l'arrêt quasi total, d'autres tel le commerce alimentaire sont moins affectés), ce qui enlève environ 700Mds$ par mois. Autrement dit, un plan de soutien de 2000Mds$ compense bien pour 3 ou 4 mois, mais certainement pas pour 6 et plus...
Le raisonnement est évidemment quasiment identique pour la France avec nos 2800Mds$ de PIB annuel. A noter qu'à vendredi 220.000 entreprises avaient inscrit plus de 2M de salariés au chômage partiel. Un coût pour la collectivité de quelques milliards par mois...
L'INSEE a donné quelques chiffres : 30 jours de confinement, c'est 3 points de PIB en moins, et un coût de 70Mds€...Une facture colossale...
Par ailleurs, il faudra aussi les financer d'une façon ou d'une autre ces plans de soutien. Les américains ont la capacité de faire marcher la planche à billet, au risque certain de réveiller l'inflation, nous moins. Et globalement, dans tous les cas de figure, il va forcément y avoir des conséquences sur le long terme.
Cette crise sanitaire unique depuis 1 siècle a enclenché une crise économique très violente, sans précédent depuis la crise de 1929, à la magnitude et à la durée qu'on a cependant à vrai dire beaucoup de mal à calibrer à ce stade, si ce n'est que ça va de toute façon être très sévère, mais dont on sait d'ores et déja qu'elle sera pire que la dernière crise de 2008.
Goldman Sachs a prédit semaine dernière une contraction de 24% du PIB américain au Q2, la pire récession jamais connue aux US, plus violente encore que celle de la "Great Depression" de 1929-1933...
La courbe de la reprise va après elle dépendre de l'évolution de la propagation du virus de par le monde (je crois qu'il n'y existe plus aucun pays sans cas recensés à cette heure). Certains pays, plus touchés que d'autres, et avec des systèmes de santé moins développés et/ou moins efficaces, devront nécessairement se renfermer sur eux-mêmes plus longtemps.
Combien de temps va durer l'épidémie, est-ce qu'il y aura une 2ieme et une 3ieme vague dans les 12 mois à venir comme on a eu en 1918/1919 avec la grippe "espagnole" (elle ne venait pas d'Espagne), est-ce que la Chine, qui lève le confinement, ne va pas avoir un retour de bâton (ils ont du hier refermer leurs cinémas par peur d'un retour de la pandémie), est-ce que la chaleur de l'été va contribuer à le contenir, va t'on aussi avoir la chance - avec les effort inouïs en R&D de par le monde - de trouver un vaccin plus rapidement que prévu, etc, toutes ces questions sans réponse à ce jour conditionneront la reprise demain. On ne savait quasi rien du Covid19 il y a 1 mois, on en apprend un peu plus tous les jours, mais franchement on en sait toujours pas suffisamment.
A ce stade, il n'y a que des inconnues, donc on ne sait pas trop vers quoi on va, le pire peut arriver, mais il n'est pas certain. On peut, en regardant le Japon et la Corée du Sud notamment, avoir des espoirs légitimes, ou en Allemagne où il y a très peu de décès (quoi que, lire ICI), mais il existe aussi d'autres signes bien plus noirs, tels les US qui battent actuellement d'inquiétants records de propagation. Les "sachants" (ou pseudo sachants, il y en a beaucoup aujourd'hui), peuvent dire ce qu'ils veulent, on en sait strictement rien. Impossible de faire la moindre prévision.
Autre motif d'optimisme relatif, la politique de confinement d'Italie depuis le 9 mars (stricte avec également l'arrêt des activités de production non essentielles depuis le 22 mars), après maintenant 3 semaines, commence à porter ses fruits, le nombre de nouveaux cas et le nombre de décès quotidien n'augmentent plus, mais ils se stabilisent à un niveau élevé : 5 à 6000 nouveaux cas et autour de 800 décès par jour. Ci-dessous :
L'Espagne, 4ième pays le plus contaminé au monde, semble aussi aujourd'hui montrer des signes d'amélioration, la aussi avec une stabilisation à un niveau élevé :
Enfin, il semblerait aussi que chez nous en France, alors qu'on prévoyait vendredi un week-end difficile, on arrive à "aplatir" la courbe.
On a par ailleurs appris samedi que le confinement, en vigueur depuis le mardi 17 mars, était logiquement prolongé de 15 jours. Plus que probablement, on en a jusqu'à fin avril au minimum, et plutôt même mi mai...
Normalement, si on suit l'exemple italien et ses effets au bout de 3 semaines, on devrait commencer à vraiment voir chez nous les effets du confinement en fin de semaine, mais pas encore le pic, qui serait plutôt arriver vers la mi avril. J'espère pouvoir en parler lundi prochain. Le point, encore une fois, est d'éviter la saturation des hôpitaux.
Et d'ici la mi avril, on devrait pouvoir commencer à envisager et discuter des stratégies de déconfinement, sachant qu'il n'est certainement pas imaginable de ne pas le faire (très) progressivement. Pour se déconfiner de façon safe, et progressivement, il faudra des masques et des tests. Mais la, le Ministre de la Santé n'annonce qu'une capacité de 150.000 tests par jour d'ici à juin...alors qu'en Allemagne ils en auront 500.000 d'ici avril...
Selon toute vraisemblance, après un déconfinement progressif, je pense qu'on ne peut pas espérer de vrai retour à la normale avant 2021...Et pour des vacances lointaines durant l'été, je pense qu'on peut d'ores et déja oublier.
On a eu semaine dernière la polémique sur l'utilisation de la chloroquine, une molécule qui existe depuis des dizaines d'années et qui est utilisée contre le palud. Débat d'experts assez étonnant, est-on trop prudent en exigeant d'abord un échantillon de tests plus large et probant ? Toujours est-il que le Gouvernement a fini par l'autoriser par décret fin de semaine dernière. Le Professeur Raoult, grand promoteur de l'utilisation de la Chloroquine, ayant cependant claqué la porte du Conseil Scientifique dès mardi 24 mars dernier.
Cette épidémie du Covid19 a également mis en exergue les mauvaises décisions prises en France depuis 15 ou 20 ans, notamment quant aux capacité des hôpitaux. Les cures d'austérité successives leur ont fait perdre des dizaines de milliers de lits (le président des urgentistes, Christophe Prudhomme, évoque 100.000 lits supprimés depuis 20 ans, "nous avons crié dans le désert").
A noter aussi que 3 médecins ont porté plainte il y a une dizaine de jours contre Edouard Philippe et Agnès Buzyn pour ne pas avoir fait ce qu'il fallait et agir à temps avec des "négligences coupables"...
On a aussi eu un florilège de déclarations lunaires et inconséquentes en janvier et février, minimisant gravement le problème :
Michel Cymes déclarant "non non je ne suis absolument pas inquiet, bon c'est un virus de plus...", Christine Katlama, infectiologue à la Pitié -Salpétrière "c'est une infection bénine, on est parfaitement organisé dans les systèmes hospitaliers...", ou encore le Ministre de la Santé de l'époque, Agnès Buzyn : "l'importation de cas depuis Wuhan est modérée, il est pratiquement nul car la ville est isolée...Les risques de propagation du virus dans la population sont très faibles...", et la porte parôle du gouvernement Sibeth Ndiaye "on ne va pas fermer les écoles de France..." ou encore "...il n'y a aucun risque de pénurie de masques...".
Pourquoi diable certains éprouvent le besoin de parler et de donner un avis alors qu'ils sont loin des réalités ?
Question marchés financiers, c'est le reflet du n'importe quoi, de l'irrationalité, avec une volatilité hors norme :
- Lundi dernier le Dow commençait la semaine en perdant 3%, accélérant ainsi la baisse de 4,5% du vendredi précédent.
- Les 3 jours suivants furent les 3 meilleures journées depuis...1931, avec +21% en cumul !
- Vendredi dernier le marché consolidait avec -4%
- Et au global c'est la meilleure progression hebdomadaire depuis...1938, avec +13% !
Ironie, le marché US a pris +13% la semaine dernière, ce alors que le nombre de cas a quadruplé, passant de 35.000 à 140.000, et le nombre de décès a sextuplé entre 400 et 2400.
A 21.600 environ vendredi dernier (pour l'indice Dow Jones), le marché reste en repli de 25% environ sur ses plus haut de mi février, mais vu le contexte économique cela me semble encore bien haut...
A croire il me semble que la Bourse n'a pas vraiment pris la mesure du problème et reste assez optimiste. Ou alors c'est moi qui suis trop pessimiste ?! Les semaines à venir le diront. On va avoir à partir de fin avril les résultats du Q1 avec les anticipations du Q2, on verra bien.
Dans les faits, je crois que les américains sont à ce stade plus soucieux de leur économie et de leur portefeuille que de la propagation du Covid19, le stimulus plan de 2000Mds$ leur a donné de l'espoir pour leur économie, mais je préfère prendre le pari que l'implacable réalité du Covid19 va revenir frapper à la porte...et durement. Je crains que les américains n'aient pas encore mesuré le vrai coût du virus. Les 2000Mds$ injectés leur ont juste laissé du temps pour le réaliser, mais seront très loin de suffire...
Soyez prudent, si vous voulez profiter des prix discountés, soyez prêts à potentiellement encaisser sans broncher encore du -20%, ce avant que ça finisse par remonter. Car, oui, ça remontera, peut-être que le bottom sera atteint d'ici quelques semaines ou d'ici quelques mois...ou plus tard encore, et ceux qui ont acheté entre mars et mai 2020 feront je pense probablement du x2 au minimum en moyenne d'ici à 2025.
Pour rappel, ceux qui se sont positionnés au Q4 2008/début 2009 ont fait du x3 à x4 en 10 ans. Le creux a été atteint début février 2009, et il était à environ à -50% du pic atteint durant l'été 2007, 18 mois auparavant...
Cette fois-ci, la baisse est plus brutale, le marché américain a mis 22 jours seulement pour faire du -30%, battant ainsi le record historique de célérité à la baisse. Et oui, pire que durant la crise de 1929 et des années 30 ! Ci-dessous :
Fondamentalement, la grande question maintenant est de savoir comment le monde va se réveiller dans quelques mois, si et comment il changera, quelle prise de conscience va t'on avoir, comment vivra t'on et comment travaillerons t'on le jour d'après ?
On a encore je crois de nombreuses semaines pour y réfléchir...
Stay Home and take care
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