Amazon a publié jeudi soir ses résultats trimestriels, et contrairement à Apple ou Microsoft par exemple, a aussi donné ses anticipations pour le Q2.
Key points :
- CA en très forte croissance de +26% à 75,5Mds$, donc la plus forte croissance des GAFAM, un peu supérieure aux attentes des analystes. En terme "d'unités", la croissance fut de +32%, reflétant la ruée des consommateurs vers des produits plus basiques avec un petit ASP, délaissant les articles plus coûteux avec plus de marge. A comparer au +10% seulement du Q1 2019 ! Il est clair que sur ce plan Amazon est l'un des grands gagnants du Covid.
- Mais une rentabilité nette en berne, à 2,5Mds$, en baisse de 30% vs les 3,6Mds$ du Q1 2019, et inférieure aux attentes des analystes. EPS de 5,01$ vs les 6,27$ qu'avaient estimé les analystes et vs les 7,05$ de2019. Le Covid coûte en fait cher : plus de personnes dans les entrepôts (Amazon a recruté 170.000 personnes de plus et a augmenté de 2$ le salaire horaire pour attirer des collaborateurs) et une flambée de 49% des coûts de shipping. Le shipping en % du CA pour de petites commandes est en effet assez ruineux. En clair, les ventes d'Amazon explosent, mais ses coûts aussi, et encore plus.
- AWS en hausse de 33% environ à 10,2Mds$ (1ère fois que cette milestone est franchie), soit 14% du CA total, dégageant un résultat opérationnel de 3,1Mds$, en croissance de +40% (2.2Mds$ en 2019), représentant donc plus des 3/4 du résultat opérationnel global d'Amazon (4Mds$). A noter que la croissance en % est inférieure à ce que font Microsoft (+59%) et Google (+52%) dans le cloud, mais sur une base bien supérieure (la croissance en $ restant donc quand même très supérieure pour l'instant). AWS reste clairement LE bright spot d'Amazon, et avec 40Mds$ de CA annuel en tendance, c'est plus gros que SAP ou Salesforce par exemple, et ça représente aussi plus de la moitié d'IBM.
- On a donc 87% du CA global qui ne rapporte pas grand chose, et si on exclue les revenus (donc les profits) de la pub, on peut en conclure que les 60Mds$+ réalisés en commerce et eCommerce n'ont strictement rien rapporté. Comme d'habitude je dirais presque, même si pas mal de dépenses sont un impact direct du Covid.
- Le Q2 sera de la même tonalité, mais en pire : Amazon attend une très belle croissance entre +18 et +28% (CA cible entre 75 et 81Mds$) mais une rentabilité nette entre -1,5 et 1,5Mds$, avec 4Mds$ minimum de coûts supplémentaires liés au Covid. A comparer aux 3,1Mds$ de rentabilité au Q2 2019. Vu que le Cloud est de toute façon structurellement très rentable, on peut en déduire que Amazon perdra donc beaucoup d'argent sur le reste. Et vu que les revenus de la place de marché et de la pub sont par nature très rentables, on peut donc en déduire au final qu'Amazon va perdre une vraie petite fortune sur son eCommerce pur...Morale de l'histoire, si le Covid se révèle bien une aubaine pour la pieuvre de Seatlle question topline, il n'y a pas vraiment de modèle économique positif derrière. Servir efficacement des centaines de millions de petites commandes sur lesquelles on a déja de faibles marges brutes, il ne fallait pas s'attendre à ce que ce soit vraiment rentable.
On a jamais vu dans l'histoire économique une société de cette taille connaissant une telle croissance, mais je crois qu'on a jamais vu non plus une société de cette taille gagnant chroniquement aussi peu, pendant aussi longtemps ! En fait, on est sur un paradigme hors norme.
Le Covid a renforcé la dominance commerciale d'Amazon...mais cela a eu un prix !
La Bourse a mal réagit à ces résultats et l'action, qui avait fortement progressé ces dernières semaines et était même la veille jeudi à son record historique, a chuté de 7% vendredi.
Je ne me risquerais pas à prévoir l'évolution du cours dans les mois à venir, mais on peut être confiant sur les fondamentaux. Si servir les commandes pendant le Covid coûte cher et ne rapporte rien ponctuellement à Amazon, il aura de toute façon donné un sacré boost d'usage à la pieuvre de Seatlle, et Amazon devrait être à même de dégager 30Mds$ minimum de profit net en 2022 (peut-être même 40Mds$), sur un CA qui devrait se situer entre 450 et 500Mds$.
Reste évidemment qu'on continue toujours à payer très cher ces profits futurs, et ce bien plus qu'Apple : Amazon est valorisée aujourd'hui 1150Mds de $ pour donc peut-être 30Mds$+ de profit net en 2022, alors qu'Apple est aujourd'hui valorisée 1260Mds de $ pour un profit net qui sera sans problème très au nord de 60Mds$ en 2022.
Mais en même temps, vu le reach et la colossale infrastructure commerciale, IT et logistique d'Amazon, il y a un fantastique levier pour le futur.
Avec Amazon, on parie toujours pour le trèsssssss long terme ! Et ça devrait quant même payer, au moins un peu !
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