Contre à toute attente, alors qu'on s'attendait à un marasme boursier profond et prolongé, y compris de mon côté, Wall Street a depuis 10 semaines repris du terrain avec une vigueur incroyable.
Ci-dessous l'évolution du S&P 500 depuis le début de l'année :
Après un plus haut le 19 février, le marché a violemment perdu 34% en l'espace de 5 semaines jusqu'au 23 mars (un record de baisse que j'avais évoqué), mais a depuis quasiment tout repris avec une croissance de +36% à vendredi dernier 12 juin.
Le S&P500 était même repassé positif sur l'année lundi dernier, et revenait donc à quelques encablures de ses plus hauts niveaux historiques, avant de chuter lourdement ce jeudi. Quant au Nasdaq, il a lui explosé ses records historiques et se situe à +7% environ sur l'année.
Phénomène assez étonnant donc, on est dans la pire crise économique depuis la Grande Dépression des années 30, une crise totalement inédite et qui ne fait que commencer, il va y avoir des faillites d'entreprises par centaines de milliers aux US, on ne retrouvera pas le niveau d'activité économique de 2019 avant 2022 (et peut-être même 2023 pour certains secteurs très affectés), mais le marché financier américain a jusque la fait mieux que résister.
Que se passe t'il ?
2 choses :
- D'une part d'énormes liquidités ont été injectés dans l'économie américaine, on parle en milliers de milliards. Et le meilleur c'est que les américains peuvent continuer à en injecter sans trop de problème si besoin.
- D'autre part, les GAFAM+Netflix, en ces temps de Covid qui accélèrent la digitalisation de l'économie et de notre vie, se portent finalement à merveille. Et vu leur poids dans l'indice (sans doute autour des 30%), ça le biaise fortement et il est tiré à la hausse par cette poignée de géants, et cela occulte aussi la réalité les milliers d'entreprises côtées qui elles trinquent bien (sans même devoir évoquer le worst case des entreprises du voyage, du tourisme et de la restauration).
Ces données factuelles ne devant pas changer, et bien qu'on reste dans une crise économique majeure dont les funestes conséquences ne pourront d'ailleurs s'apprécier qu'avec le temps (la crise sanitaire mondiale étant d'ailleurs aussi loin d'être terminée, cf ce qu'il se passe en Amérique du Sud, et un certain retour en Chine), on peut faire l'hypothèse raisonnable que :
- Tiraillé entre la dure réalité de la crise économique, l'espoir cependant d'une reprise en V, et l'abondance des liquidités, le marché pourrait faire du yoyo pendant encore pas mal de temps, oscillant entre peur et espoir. De nouvelles journées de forte baisse comme de forte remontée sont probable. Donc aucune raison de paniquer et sur-réagir si on refait un jour du -5% voire pire ! Mr Market est toujours un peu lunatique et excessif, maniaco-dépressif et bipolaire...
- Ca devrait continuer à bien se passer pour les géants du numérique, du moins bien mieux que le marché (et je suis d'ailleurs incapable, et je ne cherche pas, à deviner ce que celui-ci va faire dans les 3 mois à venir). Alors évidemment que les multiples sont élevés et donc les entreprises relativement chères, mais d'un autre côté elles sont rentables, en croissance et jouissent d'un cash considérable. Un tryptique unique par les temps actuels.
D'ailleurs, si on prend la semaine dernière, où on a assisté jeudi dernier à la pire baisse de l'indice depuis 3 mois (le Dow Jones a perdu 7% et le S&P500 6%), voila ce qu'on observe :
Variations depuis les cours du jeudi 4 juin au soir, je prends volontairement cette date car le vendredi 5 juin au matin je recommandais d'acheter Apple :
Pour l'anecdote, on notera que semaine dernière :
- On a eu les 4 entreprises tech Apple, Google, Amazon et Microsoft, au dela des 1000Mds$ de market cap.
- Apple fut la 1ère entreprise à atteindre les 1500Mds$ de market cap (ex Aramco)
- On a même eu à un moment 2 entreprises au dela des 1500Mds$ (Apple et Microsoft)
Il y a aussi un autre paramètre qu'on pourrait prendre en compte, mais dont les conséquences sont plus difficilement palpables, c'est qu'entre la baisse du marché en février et le temps libre qu'avait le public en étant confiné chez lui, des millions d'américains sont venus ou revenus "jouer" en Bourse.
A leur grande surprise, puisqu'en 2008 ils avaient assisté au contraire, les grands brokers de la place (Charles Schwab, Ameritrade et eTrade notamment) ont assisté à une flambée d'ouverture de nouveaux comptes, se comptant d'ailleurs en centaines de milliers par mois. Voire plus, Schwab a ainsi gagné 1,1M de nouveaux comptes rien qu'au mois de mai, 2x plus qu'avant le Covid ! Et on observe une explosion du volume d'actions et même d'options traitées par les particuliers.
Une population qui n'est pas forcément habituée aux crises de Mr Market, qui n'a pas forcément les nerfs solides, qui n'a pas la culture du pragmatisme et du rationnel à la Warren Buffett, qui a une perception du risque très différente, qui ne comprend pas toujours ce que "bon sens et patience" veut dire, et qui peut donc paniquer assez rapidement et venir fortement amplifier des tendances...
Et qui aussi et surtout voit certainement la Bourse comme un jeu et un casino en faisant du day trading !
Si certains voient la Bourse comme un mega casino en ligne ce sera à leurs risques et périls...En général, ce genre d'histoire finit mal, avec des larmes et du sang...
Mais ça laissera de toute façon certainement des opportunités à ceux qui ont les nerfs solides et voient un peu plus loin que la fin de la journée.
Je suis malgre tout surpris par la faible baisse des depenses publicitaires au cours de la crise. Aux Etats-unis, la publicite en ligne represente deja plus de la moitie des depenses publicitaires. Je suis receptif a l'idee que des gains de part de marche peuvent compenser en partie des baisses de depenses generales. Mais le resultat est surprenant quand on sait que parmi les industries les plus impactees (voyage,...) on trouve les plus gros annonceurs.
Posted by: George | June 16, 2020 at 01:51 PM