Petit follow up de mon post du 18 juillet, où je posais qu'in fine c'est toujours l'entrepreneur qui fait la différence et qui explique le succès ou l'échec d'un business. Il a d'ailleurs été repris hier par le magazine Entreprendre.
Finalement, ce qui est vraiment le problème et la source des complications, ce n'est ni le contexte extérieur, ni la difficulté du modèle économique, ni même l'imperfection de l'offre à un instant t, ça ce sont juste des "données", mais simplement l'attitude adoptée face à cette situation, face à ces problèmes. Attitude aussi bien des entrepreneurs eux-mêmes d'ailleurs, que des co-investisseurs, bref des acteurs de l'aventure.
Comme dans la vie en général, on reçoit tout un chacun son lot de difficultés, voire de malheurs, mais l'important n'est pas ce qui nous tombe dessus, mais ce qu'on en fait et comment on réagit. Et de même, tout le monde reçoit également son lot d'opportunités, et ce qui va compter c'est le fait de savoir les sentir puis de les saisir correctement.
Et dernier point, il faut se dire que la chance, ou la malchance, ça n'arrive jamais totalement par hasard...
Et la loi du succès est donc simple à formaliser : de la lucidité quant aux paramètres de business (taille de marché, economics, concurrence, ressources disponibles, capacité à en lever d'autres, qualité de l'offre, timing et ressources nécessaires pour l'adapter si besoin,etc), mais aussi de la ténacité pour avoir l'indispensable résilience, de la niak, de la créativité, voire une vision long terme qui drive l'ardeur, le tout saupoudré d'un petit peu de méthode. Avec tout cela, même une situation compliquée peut finalement s'avérer, au bout du compte et avec du recul, être une opportunité.
Dans le monde de l'innovation, où par définition les réalités de marchés sont au début inconnues et incertaines, où la qualité des business models également, où l'intensité de la concurrence est forte et mouvante, il faut être particulièrement créatif, tenace, flexible et réactif pour avoir une chance, au bout du compte, de transformer une idée en un business lucratif à terme, ou du moins qui crée une belle valeur au fil des années avant d'atteindre la rentabilité.
Et donc, pour illustrer mon post du 18 juillet dernier, voici quelques situations concrètes et bien réelles que je rencontre autour de moi parmi les dizaines d'entrepreneurs que je côtoie actuellement régulièrement (évidemment, je laisse dans l'anonymat).
On retrouvera systématiquement les éléments ci-dessus...
Cas 1 : la start-up n'a pas encore de product/market fit, il faudrait certainement 18 mois avant d'y arriver, et disons 1,5M€ de cash, mais il n'y en a quasiment plus dans les caisses. L'entrepreneur garde son enthousiasme et montre une belle ténacité et créativité, il propose de pivoter sur un marché connexe, où le product/market fit pourrait se faire en 6 mois grâce aux actifs déja en place, avec 5 fois moins de capital. Ténacité+créativité+réalisme, on maximise les chances de réussite.
Cas 2 : start-up où ce n'est pas le covid le problème (au contraire même), mais le modèle économique et la profondeur du marché de l'offre telle qu'elle est aujourd'hui. On a une Life Time Value à 5 ans (déja long et hardi comme hypothèse) qui est autour du coût d'acquisition client, donc on ne crée pas vraiment de valeur. Après avoir essayé plein de choses, le management n'y croit plus vraiment et reconnaît que le secteur est intrinsèquement compliqué (en regardant les autres entreprises du secteur, compliqué de dire autre chose !). Le management partage ses analyses et ses doutes avec les investisseurs, suggérant alors un adossement malgré le cash disponible car il y a des actifs intéressants, mais ce légèrement pour ne pas trop montrer qu'il baisse les bras. Réaction de certains investisseurs : il faut dépenser plus, c'est chicken & egg, on a pas assez dépensé et c'est pour ça que ça ne marche pas. Manque de réalisme des investisseurs, perte de niak du management, on maximise clairement les chances de se planter, on va très probablement brûler le cash sans créer de valeur, . SI j'avais été le management, j'aurais mis les points sur le i !
Cas 3 : start-up où le Covid a eu un effet dramatique, même s'il y a un vrai product/market fit un, un produit de qualité et un modèle économique sain, ils vont faire le 1/4 de ce qui a été prévu au BP et les données objectives ne pointent pas pour une reprise rapide, loin de la. Comme il y a pas mal de cash, le management refuse de couper drastiquement les coûts, ce afin d'être "prêts quand le marché repartira", mettant avant tout l'accent sur "la croissance", allant même jusqu'à dire qu'une entreprise sans croissance ne les motive pas ! Wow...Manque de lucidité sur l'environnement, refus de gérer les coûts de près, refus de faire face à une crise dure, déni de réalité en somme. Le cash va être cramé bien plus rapidement que voulu, et l'entreprise n'aura plus les moyens de saisir les opportunités. Ils vont mécaniquement dans le mur, même si le timing de crash reste inconnu !
Cas 4 : start-up où le Covid a également eu un effet négatif, mais elle a des actifs vraiment intéressants. Elle est gérée par un excellent manager qui a les pieds sur terre, mais la niak commence à tomber avec la lassitude des années. Le cash aussi manque, et la probabilité de lever est elle quasi nulle. L'équipe coupe alors les coûts de façon à se rapprocher du breakeven et tenir le temps qu'il faut...tout en reconnaissant qu'un adossement fait tout le sens du monde et qu'il faut le chercher ASAP. C'est pas gagné, on ne sait pas combien on récupèrera, mais au moins des décisions pragmatiques sont prises.
Cash 5 : la covid a la aussi eu un impact négatif, mais surtout sur le fond l'équipe n'a pas encore trouvé de product/market fit. Elle a cependant la chance d'avoir du cash, et la start-up a sur certains paramètres une belle traction et surtout l'équipe garde sa vision et sa niak. Pragmatiquement, elle coupe les coûts sans pour autant se couper des forces créatives et d'exécution permettant de faire des tests, ce afin de se donner suffisamment de run way (12-15 mois) pour in fine trouver un produit qui marche. Elle convient avec ses investisseurs de se voir régulièrement afin de faire le point et d'affiner la stratégie en fonction des remontées du terrain et des tests. Attitude pragmatique, la aussi on ne sait pas de quoi demain sera fait, on ne sait pas si ça va marcher, mais l'équipe se donne avec méthode un maximum de chance pour cela.
Et pour finir sur une note de réalisme voire d'ironie, message reçu à l'instant d'un entrepreneur successful, qui n'est pas du tout dans la tech :
"...La tech est un mystère pour moi, je dois dire. Demander à d’autres de perdre de l’argent, et leur promettre des profits futurs, une fois que l’on aura atteint une taille critique, ça m’échappe… Vous devez aimer le risque ! Sachant qu’un bon modèle économique n’est pas suffisant, et qu’il faut un bon entrepreneur à la tête d’une société pour qu’elle se développe, le taux de réussite ne doit pas être mirobolant et la sélection doit être drastique !..."
Bah...oui !!!
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