Les lecteurs de ce blog connaissent la règle du 10/10 que j'ai érigée il y a quelques années, illustrant qu'une société très bien née crée 10x plus de valeur durant sa 2ième décennie que durant sa 1ère.
Les exemples sont innombrables, et j'en avais d'ailleurs reparlé en juillet dernier ICI.
Et lors du rachat de Slack par Salesforce il y a quelques jours, le relisais la performance historique de la société fondée par Marc Benioff (lui aussi un ancien d'Oracle comme ce fut la cas des 2 fondateurs français de Business Objectifs, Denis Payre et Bernard Liautaud) :
- En 2008, soit 9 ans après sa création en 1999, la société atteignait 1Mds$ de CA.
- 9 ans plus tard, en 2017, elle atteignait 10Mds$
Salesforce confirme donc elle aussi la règle du x10 en 2ieme décennie vs la 1ère décennie ! Et je pense qu'elle est bien partie pour faire encire du x10 au cours de sa 3ième décennie de vie. Tout comme Amazon l'a fait.
Durant la 1ère décennie, on définit progressivement son offre, on cherche son marché qui est originellement balbutiant, on cherche et on affine aussi son modèle économique, on met progressivement en place une belle organisation, puis lors de la 2ième décennie la boule de neige se déroule en grossissant de façon exponentielle, et presque mécanique. Avec à la clé énormément de M&A.
Ce fut d'ailleurs bien le cas de Salesforce : rachat d'ExactTarget en 2013 pour 2,8Mds$, de Demandware en 2016 pour 2,5Mds$, de Mulesoft en 2018 pour 6,5Mds$, de TableauSoft en 2019 pour 15,9Mds$. Et donc maintenant de Slack pour 27Mds$. Et encore, je ne cite ici que les principales en terme de $, mais concrètement Salesforce a racheté des dizaines d'entreprises...
Une fois ceci compris, il devient alors évident qu'il faut fondamentalement avoir une philosophie du temps long pour maximiser la création de valeur absolue (et non pas le TRI qui lui est maximal durant la 1ère décennie).
Avec de la méthode et du pragmatisme (car il ne sert à rien non plus de s'entêter dans une voie de garage il faut de la flexibilité et de l'agilité), cette philosophie du temps long payera alors presque toujours.
Cette philosophie du temps long doit être partagée par l'entrepreneur et ses investisseurs, ce dans une relation de confiance mutuelle :
- L'investisseur doit croire dans les qualités business des entrepreneurs sur lesquels il mise, ambition, ténacité, créativité, rigueur, pragmatisme, vision, honnêteté, etc, même et surtout si initialement les résultats ne sont pas au rendez-vous, ce qui est d'ailleurs presque toujours le cas.
- L'entrepreneur doit pouvoir aussi pouvoir compter sur la fidélité, le long termisme et le soutien sans faille de ses actionnaires. Si ce n'est pas le cas, on s'orientera vers un divorce, qui se passera comme dans la vie plus ou moins bien selon le respect ou pas par les parties de leur contrat de mariage !
Les choses se compliquent à 2 niveaux :
- Concernant la confiance que l'investisseur a dans ses entrepreneurs, le problème est qu'il est très compliqué de connaître précisément en amont les qualités et les valeurs des entrepreneurs sur lesquels on mise. La connaissance des hommes est un art. Ce qui n'empêche surtout pas cependant d'utiliser des méthodes de profiling et de faire de longues due diligences avant d'investir.
- Concernant la confiance dans ses investisseurs, la le problème est un peu différent. On peut bien entendu chercher à "profiler" ses investisseurs pour savoir s'ils ont les bonnes qualités business et les bonnes valeurs, mais même quand ces aspects sont validés, il y a le facteur temps. En effet, comme dans la vie, les gens changent, leurs objectifs avec, et la volonté d'un investisseur d'être dans une entreprise pourra aussi évoluer en fonction de ses nouveaux objectifs et priorités, tout comme également sa capacité financière qui peut s'avérer moins importante avec le temps.
Bref, on comprend pourquoi il est concrètement très compliqué d'appliquer sur le terrain au quotidien cette philosophie du temps long. Il faut un alignement des planètes assez exceptionnel, et il est donc très rare...
Mais quand on l'a, il ne faut alors pas le lâcher.
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