Petit post "technique" mais franchement assez fondamental pour insister sur LA metrics à surveiller qui me parait la plus clé...La metrics "mother of all things"...
Hier, Plus-de-bulles a lancé sa traditionnelle "Foire aux Champagnes" bi annuelle (mars et septembre), 30 cuvées de champagne de très belle qualité, de grandes maisons comme de grands vignerons artistes indépendants (certains en exclu web), sélectionnées par le Maitre Sommelier de Pierre Gagnaire (3* Michelin), et ce pendant 15 jours...
Franchement, je ne pourrais que vous exhorter, vous les amateurs de champagne, à en profiter pleinement (comme j'en ai moi-même personnellement profité !). Avec un twist un peu ironique, je dirais que c'est de bon ton de stocker en prévision des longues soirées de confinement...
Le démarrage hier de cette opération a été...je dirais...d'anthologie !
Je ne vais pas donner des chiffres absolus précis, évidemment, mais juste leur magnitude : sur cette 1ère journée, Plus-de-bulles a réalisé environ 7x ce qu'elle avait fait l'année dernière au même jour exactement (c'était le mardi 17 mars 2020) !
Alors certes, je vous vois venir, le 17 mars 2020 c'était le jour du 1er confinement, une période totalement inédite, la France était sous le choc et n'avait pas trop envie de champagne, même sous l'alibi d'une opération "Foire aux Champagnes" très attractive...
Argument reçu et valide, alors comparons nous à l'année précédente "hors Covid", où la Foire aux Champagne avait commencé le mardi 19 mars 2019 : et bien hier, on a fait du x6 sur ce jour la !
Mais de toutes les metrics, il y en a une qui me fait particulièrement plaisir, c'est celle du repeat. Et hier, le record absolu du nombre de commandes repeat a été explosé, quasiment du +40% sur le précédent record absolu qui datait de décembre dernier, ce mois étant la période faste du métier (25 à 30% du total de l'année en général) où les records sont battus. Mars, en comparaison, est un mois très creux dans cette industrie : pas de fête, peu de mariages (et encore moins en ce moment), etc. Alors exploser son nombre de commandes repeat dans une période très creuse, wow, ça fait plaisir !
Et je précise un point important...à marketing quasi équivalent...
Car exploser son nombre de commandes et son CA parce qu'on a fait un marketing colossal permettant de recruter massivement de nouveaux clients, je dirais que ce n'est en aucun cas le signe tangible d'une entreprise de qualité. Bien souvent on constate que la presse se focalise et applaudit les taux de croissance impressionnants (comme elle met souvent en exergue les levées de fonds, comme s'il fallait applaudir la fait de passer à la station essence faire le plein !), mais ne se pose pas la question et ne fait pas le lien avec ce qui a été investi pour obtenir cette croissance !
Je rappelle une vérité business (et pas que d'ailleurs) immuable : la performance est un ratio, entre ce qui est obtenu et ce qui a été investi.
Quand une entreprise cherche à m'exciter en me montrant sa croissance, ma 1ère question est de savoir à quel coût et à quelles conditions cette croissance a été obtenue. Est-ce que l'entreprise a injecté une tonne de marketing, est-ce que l'entreprise a sacrifié ses marges en cassant ses prix ? Acheter du volume et de la part de marché parce qu'on peut se le permettre n'est pas nécessairement une stratégie pertinente.
En vérité, il y a une metrics qui ne trompe pas sur la qualité de l'offre et du positionnement d'une entreprise, c'est son repeat. Quand les clients reviennent naturellement souvent et beaucoup, c'est d'une part que le besoin est bien la, d'autre part que le lien de confiance et de satisfaction entre l'entreprise et sa base de clients est lui aussi bien la.
Et cette metrics la est donc bien plus annonciatrice de la suite que le simple nombre absolu des commandes et que le CA, qui peuvent tous les 2 être facilement boostés par un investissement marketing colossal et/ou des sacrifices de marge.
En analysant la performance d'une entreprise, je me focalise donc bien plus sur cette metrics, le repeat. Quel % de la base revient par exemple tous les mois, combien de commandes par an un client fait en moyenne et comment cela peut se comparer à la concurrence et au nombre moyen d'achats dans la catégorie.
Tout ce qui se se faire pour comprendre quand, comment, pour quoi et pour combien les clients de la base reviennent pour acheter doit être fait.
Dans la toolbox d'analyse du repeat, il y a évidemment l'analyse par cohorte. Si l'entreprise ne s'est pas donné les moyens techniques de le faire, elle gère un peu à l'aveugle et c'est d'ailleurs en soi un problème ! Une bonne entreprise, c'est aussi une entreprise qui s'est donnée les moyens techniques d'analyser en détail et finesse son repeat. Mais bon, toute entreprise qui a le mindset et qui est réellement focus sur ses clients, sur les comprendre intimement et sur les satisfaire, car elle sait bien que c'est la clé fondamentale, s'est aussi sûrement dotée de ces outils hein ?!
Si le repeat est faible, il n'y a que 2 solutions :
- Le besoin est intrinsèquement faible : avec une entreprise qui ne vendrait que des écrans TV par exemple, peu de chance qu'un client revienne tous les ans. Par contre et a contrario, dans l'alimentaire, ie des services comme La Belle Vie ou Kol (Day One) dans l'ultra-convenience, le repeat sera intrinsèquement forcément plus important car les consommateurs ont besoin de manger tous les jours !
- Et/ou l'entreprise a une offre inadéquate : largeur de gamme (plus elle est large, plus les occasions de revenir existent intrinsèquement), qualité, services, prix, etc.
Et c'est alors ce qu'il faut comprendre et ce sur quoi travailler, puis après repositionner sur d'autres segments et/ou travailler son offre pour avoir plus de repeat.
Cette analyse fine du repeat est totalement stratégique : en effet, on peut se contenter de metrics globales, ie "le repeat est globalement bon", ce qui est déja bien, mais si on veut maximiser la création de valeur, on peut et on doit aussi aller dans le détail : certains clients reviendront bien plus que d'autres, et cela car votre offre matche parfaitement avec leurs besoins spécifiques (les clients ayant forcément des critères et des besoins différents) et ils ont plus de besoin que les autres (de par leurs envies, leur style et leurs priorités de vie, leurs moyens, leurs critères d'achat, etc). Si vous comprenez clairement qui sont vos meilleurs clients, donc à la Life Time Value très importante, vous saurez après cibler plus précisément et de façon plus cost effective. Vous irez pêcher le meilleur poisson pour vous, qui n'est pas forcément le même que le voisin. Et qui même ne doit pas l'être, la bonne stratégie étant toujours de savoir se créer son près carré bien à soi, répondre et satisfaire bien mieux que ses concurrents les besoins d'une cible déterminée.
Inutile de s'escrimer sur une cible qui ne revient pas ou que très peu, non pas parce que vous faite du mauvais boulot, mais juste parce que ce que vous mettez en avant et ce que vous avez comme points forts n'est pas la priorité de cette cible là. Non, tous les clients ne sont pas rois...La meilleure façon de se planter étant d'ailleurs d'essayer de faire plaisir à tous.
Et comprendre finement qui sont ses meilleurs clients n'est pas toujours évident. Chez Photobox, on avait dû pas mal chercher avant de découvrir que c'était les femmes primipares dans les 6 1ers mois de l'accouchement (il y a des raisons objectives, mais souvent l'évidence ne vient qu'après un certain temps !). Chez Motoblouz on avait aussi dû faire des analyses multiples pour conclure que c'était les motards qui prenaient leur engin tous les jours de l'année, pas ceux qui avaient un "gros cube" ou tel type d'engin ou ceci ou cela (la aussi, rétrospectivement cela se comprend bien).
Et chez Plus-de-bulles, et bien..., je souhaite juste poser, pour illustrer l'efficacité du marketing, qu'il représente actuellement même pas 3% du CA...
Un modèle sain et rentable peut se définir d'une façon extrêmement simple : Life Time Value >>> COCA (dans le jargon, COCA, Cost of Customer Acquisition, coût d'acquisition client). La Life Time Value étant la marge nette à la commande multipliée par le nombre de commandes qu'un client est en moyenne susceptible de faire sur la période où il reste fidèle.
Le COCA est généralement assez standard dans une industrie, bien entendu il y a des différences entre les entreprises (donner son COCA est d'ailleurs en soi une info plutôt confidentielle je trouve), mais la plus grande différence viendra surtout du repeat.
Quand j'ai initié l'acquisition d'Access Moto par Motoblouz en 2010, c'était assez striking : les COCA n'étaient pas tellement éloignés entre Motoblouz et Access Moto, mais cette dernière, de par notamment sa médiocre qualité de service, avait un repeat exécrable. C'est simple, les clients ne revenaient que très peu, et l'entreprise devait alors se ruiner tous les ans pour acquérir des nouveaux clients et arriver à un CA permettant de ne pas trop perdre d'argent...
Et tant qu'on a pas un bon repeat, signe à la fois d'un besoin client intrinsèque et d'une bonne offre de l'entreprise, donc que le ratio LTV/COCA n'est pas bon, il ne faut évidemment pas investir massivement en marketing car la on est sûr que c'est juste une fuite en avant qui conduit mécaniquement à la ruine de l'entreprise tôt ou tard.
Tant que le ratio LTV/COCA n'est pas bon, la priorité est de le redresser en travaillant son positionnement et son offre, pas d'accélérer le marketing d'acquisition.
Side point, un bon repeat étant le signe notamment que la base de clients est satisfaite de l'offre de l'entreprise, cela améliore le COCA car il y aura mécaniquement plus de bouche à oreille positif, donc moins (relativement) de besoin d'acquisition payante.
Et pour revenir à Plus-de-Bulles, le ratio LTV/COCA est de l'ordre de 5 à 6 actuellement en moyenne, et probablement plutôt de l'ordre de 10 à 15x pour le coeur de cible, qui est celui des vrais amateurs de champagne. Des clients de 2010 reviennent encore 10 ans après, donc la Life Time est...très longue ! Cela permet une belle croissance saine et rentable. L'entreprise ne cherche pas à séduire de façon universelle, elle ne va en effet pas s'amuser à concurrencer les hypermarchés en vendant du Cordon Rouge ou du Nicolas Feuillate à -20%, cela apporterait sans doute un volume colossal, mais n'aurait aucun intérêt.
Trouver des segments plus pointus offrant une croissance vertueuse et rentable est d'ailleurs probablement la chose à faire pour la majorité des entreprises, plutôt que de chercher tout de suite l'offre universelle la plus large sur des marchés très importants. Car cette dernière stratégie exige logiquement énormément de capitaux. Bien entendu cela est toujours possible, certains y arrivent, mais de facto très peu.
Recent Comments