L'article des Echos de ce jour (cliquez dessus pour lire) me donne l'occasion d'évoquer le "Quick Commerce".
Le "Quick Commerce" c'est la capacité de livrer leurs courses aux consommateurs en 10 à 20' seulement !
Proposition de valeur assez impressionnante voire dingue, rendue possible par un maillage de dark stores et une logistique bien huilée réglée au millimètre, tant pour la préparation hyper rapide des commandes (1 à 2 milliers de SKUs environ) que pour la livraison.
De sacrés enjeux logistiques, avec évidemment une bonne dose de tech, et de conséquents investissements marketing pour acquérir et fidéliser les consommateurs.
C'est un secteur actuellement très hype et bullish dans lequel j'ai la chance, la joie, et aussi le fun, d'être associé à travers la plateforme Kol, dont Day One fut l'actionnaire historique en 2015 (Coca est aujourd'hui l'actionnaire de référence, mais nous sommes toujours au capital et restons le 2ième actionnaire après Coca et le management), et qui depuis quelques mois a pivoté vers ce segment du Q-commerce, après avoir à l'origine débuté comme "dépanneur de vins & spiritueux".
Je pense qu'en terme de volume Kol est à ce jour le leader du segment sur Paris. Et avec une croissance actuelle de l'ordre de +20% par semaine pour Kol, c'est sûr qu'on ne s'ennuit pas ! Et c'est grisant.
Mais l'histoire ne fait sans doute que commencer. On ne sait pas la taille qu'aura à terme ce jeune marché, ni même si ses economics seront vraiment toujours favorables, ou dans quelles conditions ils le seront, mais pour ce qui est des capitaux investis, il y a largement ce qu'il faut ! Et la bataille de Paris, et de la France, n'a en fait pas encore vraiment commencé.
Petit panorama des big guys au niveau européen (en terme de levée de fonds du moins), qui devraient jouer un rôle à Paris dans le proche futur :
- Gorillas (Allemagne) a levé en mars 2021 290M$ (Coatue Management, DST Global, Tencent, Green Oaks, etc), après avoir levée 44M$ en décembre 2020, ce qui en a fait la licorne la plus rapide de l'histoire en Europe !
- Le Turc Getir, après avoir levé 128M$ en janvier, a levé 300M$ il il a quelques semaines (Sequoia, Tiger Global), annonçant au passage qu'un nouveau tour serait possible d'ici la fin de l'année !
- Zapp (UK) a levé plus de 100M$ avec Light Speed et Atomico
- Flink (Allemagne) a levé 52M$ avec Target Global, et d'autres.
- Dija (UK) à peine crée a levé 20M$ avec Blosson Capital et Index Ventures.
- Wizzy (UK) a levé 21M$ avec Left lane, DN Capital et HeartCore.
- Flashenpost (Allemagne), plutôt spécialisé boissons, avait lui levé 70M€ (notamment avec Tiger Global, encore lui) avant de se faire racheter l'année dernière par le retailer Dr August Oetker pour 1Mds€.
Enormément d'argent a donc déja été levé par les principaux acteurs du secteur en Europe, avec le gratin des top tier investors (Sequoia, Accel, Atomico, Light Speed, Tiger, Index, etc). Les grands VCs font de gros paris...
Aux US, c'est GoPuff qui a donné le sens du vent avec il y a quelques semaines une énorme levée de 1,15Mds$ pour une valorisation de 8,9Mds$ ! Les investisseurs sont, en autres, D1 (rien à voir bien sûr avec Day One !), Fidelity Management et Softbank. Crée en 2013, sa croissance est aujourd'hui exponentielle, on suppose qu'il a fait 700M$ de CA en 2020. Pour relativiser, on pourra arguer que 700M$ de CA en 2020 pour autant d'argent levé (1,3Mds$ jusqu'à l'année dernière, et 2,5Mds donc avec le tour de table de cette année), ce n'est pas forcément une performance exceptionnelle.
GoPuff serait rentable : une marge brute de l'ordre de 55%, 20% de frais logistiques, 10% de marketing, 15% de SG&A...resterait autour de 10% d'EBIT...
Comme toujours, on sait aussi qu'on peut être rentable quand on a l'équation Life Time Value >>> COCA (cost of customer acquisition, rien avec la Coca Cola Company qui est aussi actionnaire de Kol !). la Life Time Value étant la multiplication entre la marge nette dégagée par commande et le nombre de commandes potentielles du client sur sa durée de vie. Si vous gagnez 8-10$ par commande (sur un panier à disons 30-40$), que le consommateur passe par votre service 6 à 8x par an, et que vous acquérez un client à 30-40$ (je donne des standards eCommerce), vous avez la une très bonne équation sur le principe...
Ce alors que le CEO d'un retailer important sur la place me disait récemment "j'ai consulté mes équipes, elles n'y croient pas, ce ne sera jamais rentable". Bien l'ami, on en reparlera dans 5 ans...En ce qui me concerne, balayer d'un revers de la main ce marché et son potentiel de rentabilité ne me semble pas très judicieux. Le pragmatisme commanderait au minimum de creuser et de regarder les chiffres...Ca me fait penser au CEO de l'époque d'un autre très grand retailer qui me disait en 2014 qu'il ne croyait pas à l'eCommerce...Alors que dans le même temps le CEO de Walmart déclarait que "quel que soit le coût et le temps que ça prendra, il faut qu'on prenne le virage vers l'eCommerce et le digital, sinon dans 20 ans on n'existera plus". Résultat, après de très lourds investissements depuis 10 ans (dont le pari du rachat de Jet.com pour 3,3Mds), Walmart réussit maintenant très bien en eCommerce, et pas que, alors que le retailer en question est au plus mal..
La réalité est aussi qu'une étude approfondie, tant du marché que des economics, montrent qu'il y a bel et bien des voies de création de valeur dans le Q-commerce. Je ne dis pas que c'est facile, clairement il faut aussi une certaine taille critique, oui l'exécution est très complexe (supply, tech, marketing, logistique, etc), non il n'y aura pas de la place pour tout le monde (même si ce n'est pas un "winner takes all market"), indubitablement certains perdront leur mise, mais il y aura de gros gagnants.
Et avec Kol, d'une façon ou d'une autre, on espère bien être de ceux-ci sur ce marché chaud-bouillant, qui regorge encore de multiples options. Je compte sur l'équipe pour exécuter magnifiquement, offrir le meilleur au consommateur, et être pragmatique. Même avec des moyens pas forcément aussi importants que les 300M$ levés par Getir, on peut très bien réussir en étant vraiment focus, encore plus proche du consommateur, plus malin et plus opportuniste.
La plupart des acteurs cités ci-dessus ont annoncé leur intention d'arriver à Paris, où y sont déja comme Dija et Gorillas qui a lui aussi ouvert il y a quelques jours. Ils viendront chatouiller Kol...Et le géant américain GoPuff débarque en Europe, en commençant, de façon très classique pour un américain, par le UK. Mais je doute qu'il s'en tienne à ça.
Et histoire de rendre les choses plus fun, on a aussi les 2 grandes plateformes de livraison de repas, Deliveroo et Uber Eats, qui se sont lancées sur le marché en s'alliant, en France, à Casino et Carrefour respectivement. Mais eux ne livrent "qu'en" 30 minutes, oh les vilains ;-)
Merci pour le post ! J'ai déjà entendu parlé de Coatue Management et je crois qu'ils sont très bons. Michel est-ce que vous êtes le même investisseur lorsque vous investissez en bourse et dans des entreprises non cotées ? Ou vous essayez que vos deux portefeuilles (private and public markets) se complètent (growth vs value) ? Après je pense que le process d'investissement dans les 2 cas est très Warren Buffet, n'est-ce pas ? Merci encore pour tout vos posts !
Posted by: Seb | April 19, 2021 at 03:32 PM
@Seb, merci du commentaire !
L'investissement dans de jeunes start-up et des entreprises en Bourse est tout de même assez différent, et par ailleurs je n'assigne pas les mêmes objectifs.
En Bourse, on a tout de même des modèles en général bien établis, alors qu'avec des start-up , quand on arrive très tôt comme c'est mon cas, l'essentiel est de miser sur l"équipe, et c'est un pari bien plus compliqué et risqué. Qu'on soit sur un secteur chaud bouillant et a priori large, qui va attirer une concurrence dingue, ou un petite niche étroite, où la le bénéfice c'est une concurrence moindre, la différence va se faire au niveau des hommes : leur pragmatisme, leur vision, leur ténacité, leur créativité, leur capacité à convaincre des collaborateurs ou des investisseurs, leur adaptabilité, etc.
Je prends donc intrinsèquement bien plus de risque avec de jeunes start-up qu'en misant sur Apple, Amazon, Microsoft ou Alibaba...
En même temps, c'est aussi bien plus grisant, et je dirais que c'est ça l'intérêt principal, il y a de l'adrénaline ;-)
Posted by: Michel de Guihermier | April 19, 2021 at 04:15 PM
Tu devrais écrire toutes les semaines dans Les Echos ! J'adore
A quand ton article sur le french food aux US et l'ouverture d'Angelina à NY ?
Bises
Posted by: Julien | April 20, 2021 at 02:55 PM
Bah je vais pas pouvoir écrire sur Angelina avant que Fred le Merveilleux n'ouvre à 2 pas de la ;-)
Posted by: Michel de Guihermier | April 21, 2021 at 05:49 AM
Article très intéressant même si à titre personnel je ne suis pas pour la mort des "épiciers arabes" pour passer plus de temps sur Netflix.
Pourquoi ne pas lister aussi Cajoo qui est sauf erreur un autre petit Français du jeu du Q commerce ?
Merci :)
Posted by: Eric | May 10, 2021 at 02:38 PM
Oui, en clicquant sur l'article, ce concurrent est bien listé,
Mais comme j'écrivais, j'ai surtout repris "des big guys au niveau européen (en terme de levée de fonds du moins), qui devraient jouer un rôle à Paris dans le proche futur"
Posted by: Michel de Guilhermier | May 12, 2021 at 09:18 PM