Dans les années 80, j'avais une vingtaine d'année, j'aimais conduire pour conduire, j'aimais la vitesse, j'aimais le frisson et les montées d'adrénaline éphémères, et j'ai eu plusieurs petites "GTI" qui étaient à l'époque très à la mode. Je n'avais aussi aucun problème à prendre ma voiture le soir pour aller dans un restaurant à l'autre bout de Paris...
Dans les années 2000, à la quarantaine, l'aisance financière étant arrivée, je me suis laissé tenter par les "belles bagnoles" (ie Aston Martin principalement, j'ai eu toute la gamme), au tarif objectivement exhorbitant et totalement déconnecté du peu d'usage qu'on en fait finalement. Voitures puissantes et statutaires, à la finition et la fiabilité par ailleurs très moyenne avec des problèmes de toutes sortes : un embrayage qui lâche à 4000m seulement, une capote qui reste bloquée au milieu du mouvement, des capteurs qui inventent des problèmes qui n'existent pas, une radio qui refuse de s'éteindre, et j'en passe tellement. Avec du recul, le rapport plaisir/problème devait pas être loin de 1 voire inférieur !
La 1ère évolution, à la fin de la quarantaine, fut de prendre une voiture certes puissante, mais surtout parfaitement fiable, et bien plus discrète et passe partout (une Audi RS5 cabrio pour ne pas la nommer, à la couleur bleue unique, j'ai vérifié avec l'usine que c'était le seul modèle de cette couleur ayant jamais été produit !).
C'était encore too much...
Aujourd'hui, à la fin de la cinquantaine, mes perspectives ne sont plus les mêmes : je me fous royalement de la puissance, des accélérations et de la vitesse, et encore plus du côté statutaire; le paraître n'est pas mon propos, la frime encore moins, je n'ai plus de voiture "de luxe", et je ne vois d'ailleurs aucun problème à me ballader avec ma bonne vieille petite Clio de 2007, à l'autonomie record de plus de 1000km grâce à son énorme réservoir de 55L, aujourd'hui disparu (39L seulement pour la Clio V) !
Certes il y a de belles voire très belles voitures, je les apprécie visuellement, mais je ne les regarde plus avec le même oeil, je n'ai aucune envie de les posséder, et je n'ai même aucune nostalgie. S'il y a des personnes qui les apprécient au point de les acheter et de s'en taper tous les problèmes, et les coûts qui vont avec, grand bien leur fasse, chacun son chemin !
Mon rapport a l'automobile a en fait totalement changé : je souhaite juste aujourd'hui un véhicule fiable, qui me minimise tous les problèmes de la conduite et de la possession d'un véhicule : confort, insonorisation, sécurité active et passive, connexion pour anticiper le trafic et optimiser le trajet, autonomie pour pouvoir faire 800km sans avoir l'obligation de faire la queue à une station service d'autoroute en été quand c'est bondé, espacement entre les révisions, proximité de la concession, etc. Avec juste au passage une "belle ligne esthétique", tant qu'à faire, le design c'est important pour moi.
Quelque part, je raisonne essentiellement maintenant en terme de "convenience au kilomètre", avec l'objectif premier de minimiser les problèmes d'un déplacement. Dans Paris c'est le scooter pour éviter les embouteillages et se garer facilement, ou le velo pour des distances plus courtes, et quand je sors au restaurant avec ma femme, c'est le VTC quasi systématiquement. Et quand j'ai acheté la voiture familiale l'année dernière, je recherchais juste quelque chose qui me permette de faire 800km d'une trotte dans le confort et la sécurité, à un coût raisonnable.
Le prix et le coût d'utilisation global (TCO) rentrent aussi dans l'équation, en aucun cas je me reverrais aujourd'hui payer ce que j'ai accepté de débourser il y a 10/15 ans quand je me prenais des Aston Martin, voire même une Audi RS, c'est aujourd'hui totalement inimaginable; je serais horrifié par la futilité voire l'inutilité d'un tel investissement (à noter cependant que pour l'une de mes Aston, j'ai pu la revendre plus cher que ce que je l'avais achetée et même mon Total Cost of Ownership fut négatif, mais c'était très spécifique).
Chaque consommateur est unique, mais je pense que la tendance aujourd'hui est simplement de privilégier la "user expérience globale" quant au moyen de se déplacer, avec à chaque fois l'objectif de trouver le meilleur compromis entre coût et convenience/simplicité. L'aspect statutaire de la voiture, qui fut et qui est encore un paramètre clé pour moultes personnes, s'estompe progressivement et je pense qu'il se cantonnera demain à une très petite minorité...
Et si on aborde l'automobile via l'angle de la user experience globale et de la minimisation des tracas liés au déplacement et même à la simple possession, non seulement on se rend compte qu'il y a encore énormément à faire et à inventer, mais on perçoit aussi que la technologie va progressivement venir à bout de ces problèmes, ce grâce à 3 grandes vagues :
- L'électrification du parc : qui minimise les émissions de CO2, la pollution sonore, mais aussi le coût (une voiture électrique est largement moins coûteuse à entretenir qu'une thermique). Néanmoins, reste à ce jour, en autres nombreux problèmes, les infrastructures de recharge, qui devraient se résoudre dans le temps. Mais il reste aussi à améliorer les capacités des batteries, qui aujourd'hui ne suivent pas la loi de Moore (x2 tous les 18 mois) mais du +15%/an, mettre en place la logistique d'un recyclage de masse des batteries, et même la disponibilité et l'accès aux matières 1ères pour produire ces batteries ! Les pouvoirs publics vont aussi fortement pousser à l'électrification : la Chine interdira les véhicules à moteur thermique à partir de 2035, idem en Californie, et le UK est encore plus agressif, puisque ce sera à partir de 2030.
- La conduite autonome : quel confort quand la conduite full autonome sera possible...dans X années ! C'est évidemment un sujet extrêmement complexe. Tim Cook : "it's the mother of all AI technologies" !. Et comme expliquait aussi un grand ponte du domaine, "great progress has been made on the first 90% of autonomous driving. It took longer to do the next 9% than the first 90%, and the last 1% is taking longer than the 9%...". Bref, la conduite full autonome tout la temps et partout, c'est clairement ni pour demain ni pour après demain. Mais un jour, sans doute...
- La voiture/le déplacement "as a service" : on passe de la voiture "possession" à la voiture "usage", ça inclut des services de location extrêmement souples, où la voiture adéquate (dépendant du type d'utilisation) peut vous être livrée au pied de chez vous (ie des services comme Carlili), mais également les services de VTC apportant une grande souplesse et convenience...à un click !
Tout cela devant nous apporter moins de pollution, moins de bruit, moins de tracas, moins de stress. Mais ces tendances, vu les difficultés et les challenges, vont mettre 15 ou 20 ans à se déployer totalement, au moins...
Par contre, on imagine aussi en parallèle les sacrés challenges que vont devoir affronter les constructeurs automobiles traditionnels pour s'adapter à ces vagues, qui vont totalement redessiner l'industrie dans les 20 ans à venir.
A tous les niveaux ils vont devoir se mettre à jour, types de modèles à produire, technologies à maîtriser, réseau de distribution, services annexes à proposer, etc. Dans le dilemne "s'adapter ou mourir", j'imagine que les 3/4 des constructeurs actuels ne seront plus la sous leur forme actuelle dans 20 ans. Il y a simplement bien trop de challenges à relever pour que la probabilité de réussir soit forte.
Imaginer le monde de demain, c'est déja pas simple, mais après y participer concrètement en investissant suffisamment, à bon escient, avec la rapidité et la flexibilité qu'il faut, et le tout en devant gérer l'existant, bien ça va pas être une partie de plaisir. A la limite, mieux vaut sans doute être un start-up dans ce domaine, en n'ayant aucun passif ni aucun boulet à son pied !
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