Pour Noël, j'ai offert à 2 de mes filles des produits tech reconditionnés :
- A ma fille ainée en prépa un superbe MacBook Air M2 bleu minuit, acheté chez Apple sur le Refurb. En remplacement de son petit MacBook 12" d'il y a 6 ans, qui commençait sérieusement à montrer des signes de faiblesse.
- A ma dernière fille de 15 ans un iPhone 12 Mini vert 128Go (c'est ce qu'elle voulait) acheté sur Backmarket
Expérience chez Apple top de A à Z, commande très fluide et livraison le lendemain, avec un produit superbe, ma fille ainée est ravie...
Expérience par contre très négative pour li'Phone sur BackMarket, livraison rapide (J+2) mais le téléphone n'a pas réussi initialement à se charger, puis miraculeusement ce fut le cas, pour la seule, unique, et dernière fois. Et maintenant il reste désespérément à 1% en s'éteignant intempestivement en permanence. Impossible même de le réinitialiser avant de le renvoyer, pas assez de jus, il s'éteint ! Il est donc strictement inutilisable.
Pour le cadeau de Noël que ma fille attendait avec impatience depuis de nombreux mois, c'est dur, et je vous laisse imaginer sa déception et ce que je me suis pris.
Néanmoins, dès hier, après quelques tweets, le SAV BackMarket me contacte en DM et me propose d'envoyer aussitôt un nouvel iPhone équivalent, que je devrais recevoir dès ce matin. Top réaction, bravo à "Anaelle" du service client, belle efficacité, super...même si je croise les doigts pour ne pas avoir un nouveau problème.
C'était ceci dit le 3ième appareil que j'achetais sur Backmarket, et même si c'est le 1er iPhone qui ne marche pas dès le départ, ma satisfaction avec les 2 autres n'étaient pas non plus parfaite : batterie relativement peu endurante (ce que l'on ne voit que sur la durée) ou écran pas forcément des plus réactif.
En clair, sur 3 achats, 1 avec un 0 pointé sur le produit, et les 2 autres avec une note plutôt mitigée.
Alors je me pose initialement 3 questions :
- Suis je juste un gros malchanceux et un cas isolé ?
- Si ce n'est pas le cas, pourquoi un tel niveau de problèmes avec BackMarket, société importante qui a certainement pour ambition de bien faire, n'y a t'il pas un problème de fond quelque part dans cette industrie ?
- Et quelle peut alors être la suite pour Backmarket, belle licorne française à 5Mds$ de valo, suite à leur levée de 450M€ il y a 1 an ?
Concernant le 1er point, une petite due diligence me laisse constater que je suis loin d'être le seul :
- Sur Twitter moultes retours négatifs contre Backmarket, parfois assez violents (ie "place de marché envahie de nombreux charlatans, peu consciencieux, peu honnêtes..." ou encore un "plus jamais").
- Et, plus fondamental, je me mets à fouiller à fond backmarket pour avoir les feedbacks, et la je tombe des nues !
Je dénombre rapidement en effet une vingtaine de vendeurs, les 3/4 à l'étranger (notamment Espagne, Portugal, Chypre, Roumanie, clairement pas des pays où la main d'oeuvre est la plus chère...) avec une satisfaction moyenne de 4.1/5. Sachant par par ailleurs que ces notes sont données à la réception par les consommateurs, alors que le problème d'une batterie de piètre qualité, qui va s'user rapidement, se sera pas vu avant de nombreux mois. Donc ces notes sont certainement maximisées...
Franchement, si Plus-de-bulles ou Motoblouz tombaient sous les 4.5/5, le minimum acceptable selon moi pour un site eCommerce, je serais très inquiet, mais heureusement ils sont tous les 2 autour des 4.7 ! Etre pleinement satisfait de son achat est la règle, dans ce cas on met 5/5, et pour tomber à 4,1 de moyenne il faut certainement entre 25 et 30% d'avis à moins de 4. Ce qui est un énorme taux de clients pas contents. Pour Plus-de-Bulles, les 4.7/5 sont obtenus avec quelques tous petits % de clients pas complètement satisfaits, à 95% pour des raisons de livraison (voire le gag en bas de post).
Avec les vendeurs Backmarket, on est en moyenne très en dessous du minimum moyen acceptable, ce qui reflète forcément un très gros taux d'insatisfaction.
Et je relève aussi quelque chose d'assez interloquant : je vois un vendeur (basé au Portugal) à 3.8 seulement...présent depuis 2 ans et 6 mois sur la marketplace :
Vient alors la question naturelle, comment BackMarket peut laisser un tel mauvais vendeur sur sa plateforme, ce depuis 2 ans et demi, pourquoi ne l'a t'il pas exclu ?
Je continue à creuser et en parle hier soir à un spécialiste de l'industrie du reconditionnement avec un avis qui fait froid dans le dos, en substance : "cette industrie est fondamentalement viciée car il n'y a tout simplement pas assez de bons reconditionneurs, si BackMarket ne gardait que les très bons et fiables il n'aurait plus grand monde. Et comme les marges sont étroites, les petits margoulins font au plus économe en prenant des pièces de mauvaise qualité et en se foutant du contrôle qualité, fait avec des gens sous payés...".
Et en continuant : "sur la durée, avec ce problème de fond, et autant de mécontents mécaniquement, malgré toute leur bonne volonté, le modèle Backmarket devrait plafonner...".
Pour ma part, je tiens à insister de nouveau, il y avait une réelle volonté du SAV de bien faire, des échanges courtois et efficaces, avec au final un nouveau téléphone dés ce matin...Mais s'il y a un problème de fond dans cette industrie, que le SAV compense tant bien que mal, avec tous les coûts et les inefficacités qui vont avec, ça ne peut pas durer.
Dans ce contexte, et avec une année 2023 qui s'annonce très compliquée sur le plan macro, j'avoue que je ne serais pas du tout étonné si on avait prochainement des nouvelles négatives sur BackMarket (plan de réduction de coûts et de personnel, etc).
Autre question fondamentale aussi, pourquoi, alors qu'on trouve constamment moultes Mac sur le Refurb d'Apple, il n'y a quasiment jamais d'iPhone reconditionnés chez Apple en France, ce alors que le marché est 10x plus large, et qu'il y en a souvent et beaucoup sur les sites américain, anglais, allemand, italien et espagnol (par exemple) ?
Sur Backmarket, il y a bien aussi une boutique "reconditionné par Apple"...mais elle est vide !
Pourquoi la France fait figure d'exception ? Pourquoi laisser ce marché en France à des reconditionneurs qui, en moyenne, ne sont pas parfaitement sérieux et fiables ? Le plus important pour Apple n'étant pas de vendre un maximum d'iPhone neufs, mais bien d'avoir un maximum de users satisfaits dans leur écosystème.
Est-ce une question de prix trop bas et de marges insuffisantes pour Apple en France, ce qui expliquerait que Cupertino laisse chez nous ce business à des entreprises travaillant au rabais ?
Un iPhone 12 Mini 64Go est en effet respectivement proposé à 579€, 589€ et 609€ sur les Refurb d'Apple Allemagne, Italie et Espagne...contre 450€ environ (la plupart autour de 440€ et 1 modèle à 480€ précisément) pour du "parfait état" chez BackMarket ?! On est 140 à 170€ moins cher quand même, c'est très significatif. Mais avec Apple, c'est le prix de la qualité, avec des pièces d'origine, et de la fiabilité.
Pour finir, petit gag sur Chronopost. Pendant que j'étais en train d'écrire ce post, appel du livreur Chrono qui me dit qu'il est en bas et que je dois descendre (livraison avec code). Je descends, je ne vois personne. J'appelle le gars, qui me dit qu'il est bien la au 82, chez le gardien. Je lui dis que je suis devant le gardien et qu'il n'y a personne. Réponse alors "ah désolé je me suis trompé de rue...".
Wow, wow, wow...Quel monde de fiabilité...
Quand j'écrivais plus haut que les exceptions chez Plus-de-bulles relevaient essentiellement de la livraison...
Bonjour Michel.
Merci pour cet article. Voici quelques réactions à chaud de la part d'un tout petit industriel dans le hardware... En France.
Les challenges de BackMarket sont immenses. La demandes est monstrueuse. Tant que le tiping point de la part de la demande ne sera pas passé, ils survivront - avec leurs 10 points de marge par vente.
Et pourquoi ils ne pourrons pas ds la masse être fiable ? Precisement parce que la masse souhaite du prix avant tout et sont ok avec un produit qui ressemble a un original mais sur lequel il y a des concessions (une des raisons de la chute de SAVE c'est les vols interne car un besoin important de réparer avec des couts de réparation bas)
J'en vient donc a ce qui pour moi est nécessaire pour construire une plateforme fiable aux yeux des clients :
- élever la notation subjective de l'état de l'appareil, mais faire écrire concrètement ce qui a été changé, quel sont les impacts/risques que cela engendre a l'usage (je: une face avant de téléphone implique un apn frontale souvent sale, une batterie change implique une autonomie incertaine, un bloc apn implique une ouverture souvent moins bonne...)
C'est simplement de la transparence et de l'objectivité.
Il est aujourd'hui plus en valeur et vendu plus cher un téléphone qui faire des photos sombresc avec un écran sans luminosité, plutôt que un téléphone non modifié avec un écran rayé. Est ce logique ?
- dire si les réparations / changements ont été réalisé avec les matériels officiel ou des copies.
Idem c'est assumer la réalité, et donc le "risque" qualité. C'est aussi permettre d'assumer le prix
- côté vendeur, toutes les market place cherchent à rendre captif leur client mais surtout les échanges Client / vendeur : et donc ils font perdre du temps a leur clients : les vendeurs, et aux clients finaux ! Tous ces protagonistes souvent impérativement passer par la dite plateforme pour échanger. C'est un soucis global des mécanismes actuel mais qui explique que des gros comme Apple ne vendent pas et ne vendrons et viendrons pas sur back market.
Du coup les petits ont besoins de vendre pour "survivre" continuerons de prendre les places restantes.
La reprise d'un téléphone chez Apple est toujours moins avantageuse que via un "petit local" et c'est toujours plus cher d'acheter sur Apple refurb. Le petit a donc un double challenge qui l'oblige à écraser sa marge, trouver des composant toujours moins cher pour avancer.
Ce n'est de mon point de vue sur le long terme pas vertueux et surtout deceptif.
Enfin, d'un point de vue vendeur c'est extrêmement chronophage, peu fonctionel car trop Manuel, trop restrictive et pas assez ouverte vers le service client. (Vécu car nous avons essayé- puis arrêté !)
En conclusion la demande marche est irrationnelle mais surtout idilique, il est rare d'avoir un iphone flambant neuf a 200€. Et ce qui est rare est cher : c'est donc cher de conséquences d'acheter uniphone neuf a 200€ ;-) (c'est ironique pour illustrer mon propos)
Bien sur dispo pour en échanger plus avant.
Matt.
Posted by: Matt | December 28, 2022 at 11:15 PM
Merci Matt.
Si les clients ne veulent que du prix, il y a bien un problème de fond intrinsèque avec cette industrie ! On ne peut proposer les prix les plus bas qu'en faisant des compromis sur la qualité des pièces et la rigueur des process et du quality control.
Si Apple ne se met pas plus à fond sur cette industrie (en France, car ils font ben du reconditionnés ailleurs en Europe), où oui il y a une grosse demande, c'est bien peut-être qu'il y a ce paradoxe, trop de personnes ne voulant avant tout que du prix chez nous, ce qui n'est pas le business d'Apple.
Perso je préfèrerais acheter un iPhone reconditionné 15% moins cher que le neuf chez Apple (comme le discount pratiqué par Apple sur les Mac refurb) que 25% moins cher mais avec des risques importants (car pas les mêmes pièces et la même rigueur du reconditionnement).
Par ailleurs, je viens d'apprendre il y a qq instants que BackMatket avait licencié 13% de ses effectifs en décembre...
Belle journée
Posted by: Michel de Guilhermier | December 29, 2022 at 07:44 AM
Bonjour Michel,
Et merci pour vos posts toujours très intéressants.
Concernant le marché du téléphone reconditionné, un autre acteur français a eu une trajectoire différente de Back Market mais très intéressante je trouve (je suis biaisé, nous en étions actionnaires). Il s'agit de Recommerce.
Société créée par de jeunes ingénieurs passionnés par l'économie circulaire il y a déjà une quinzaine d'année, ils ont convaincu dans un premier temps Bouygues Telecom d'utiliser leurs services pour reprendre les téléphones usagés de leurs clients, mais aussi pour proposer des téléphones reconditionnés à leurs abonnés.
Bouygues reprenait donc les smartphones pour le compte de Recommerce, grâce à une interface dédiée facile d'utilisation pour ses vendeurs. Recommerce se chargeant (avec des prestataires de qualité, sur un modèle fabless), de les reconditionner, et de les revendre. Les complexités étant le sourcing des téléphones, le pricing (à l'achat et à la vente), et la gestion de la chaine de reconditionnement (avec un arbre de décision de type : vaut-il mieux revendre vite un téléphone dans son état ou le faire reconditionner pour le vendre plus cher (mais porter le stock et prendre le risque de dépréciation dans l'intervalle)).
La société a réalisé 3 tours de table : un premier d'amorçage avec le fonds 3T, un BA proche de Bouygues et Bouygues Telecom Initiatives, puis une série A avec Seventure et BPI (et à nouveau 3T) et enfin un tour de "growth" avec Capza et Creadev. La société a finalement été vendue au Groupe Mulliez.
C'est une société rentable , qui réalisait lors de sa vente plus de 100 M€ de CA, en forte croissance, avec une équipe de dirigeants et fondateurs ayant de vraies convictions dans le domaine.
Ce fut une belle aventure pour les différents actionnaires qui ont tous réalisé de belles plus values (mais ce n'est pas une licorne).
De notre coté (VC), un regret (ou une erreur d'appréciation) : nous pensions que les opérateurs français et européens "copieraient" plus vite les bonnes pratiques de Bouygues dans ce domaine, qui a tiré un vrai avantage de son association avec Recommerce (donnant ainsi par la reprise ou par la proposition de téléphones reconditionnés de qualité du pouvoir d'achat à ses clients, réinvesti en abonnements ou services de Bouygues et donc en chiffre d'affaires pour cet opérateur). En réalité, cela a pris des années et ce marché B2B2C n'a décollé que 5 à 10 ans après nos anticipations. Le marché adressé était donc largement plus petit qu'estimé pendant notre période d'investissement.
Second enseignement : ce marché était ces dix dernières années un vrai farwest, en France mais aussi partout dans le monde, avec des sociétés très borderline en termes de pratiques commerciales, de paiement de la TVA ou de composants utilisés pour le reconditionnement par exemple. Beaucoup de sociétés se sont lancées (et ont été financées) sur des business models non pérennes : elles ont disparues mais ont perturbé le marché.
Bonne journée.
Posted by: Bruno | January 03, 2023 at 10:42 AM
Merci @Bruno, éclairage super intéressant !
Je crois que le Farwest continue…
Posted by: Michel de Guilhermier | January 03, 2023 at 01:11 PM
Bonsoir Michel,
Merci pour cet billet qui renforce mon sentiment négatif vis à vis de Backmarket, qui néglige ce fameux dernier kilomètre avec une qualité moyenne des livreurs.
Cela peut nettement gâcher l'expérience utilisateur et casser la relation entre un acheteur et un vendeur.
Ancien de chez Pixmania, j'avais touché du doigt cette difficulté à avoir des livreurs au bon niveau de qualité pour obtenir une expérience utilisateur très satisfaisante.
Posted by: Richard Coffre | January 03, 2023 at 07:27 PM
Merci Richard, je ne pense pas qu’ils négligent chez BackMarket ce fameux dernier km, qui reste un vrai pbm pour tous les eCommerçants, y compris pour Amazon. Combien de fois j’ai été déçu d’une livraison Amazon, le livreur mettant le colis comme « laissé au gardien » alors qu’ils trônait en plein milieu de l’entrée à la vue de tous….
Et c’est clair que cet aspect peut largement gâcher la satisfaction du client…
Posted by: Michel de Guilhermier | January 04, 2023 at 08:50 AM