De manière générale, je trouve que les analystes ne comprennent pas vraiment Apple, la nature de ce que Cupertino fait, ni où est-ce que tout cela les mène.
Je vois aussi parfois des modèles de valorisation très compliqués, purement financiers, avec des chiffres de partout (histoire de distiller une pseudo investigation rigoureuse et numérique), mais bien souvent, quand c'est compliqué et uniquement financier, on en oublie les grandes réalités de base et le sous jacent économique.
Jusqu'à il y a 2 ans, il avait par exemple sur Seeking Alpha un contributeur bien connu pour son approche systématiquement bearish sur Apple, un certain Michael Blair, qui a fini par être la risée de tous car, bien qu'Apple volait de record en record au fil des ans, il s'est entêté pendant de très nombreuses années à être bearish et à prédire la catastrophe de façon alarmiste, qui n'est évidemment jamais arrivée. Au contraire, l'action a dû faire du x10 sur la période où il annonçait constamment la chute d'Apple !
Morceaux choisis :
- "Zenith behing us, nadir on the horizon" (Avril 2015)
- "Apple sold 13M iPhones on lauch day, this should frighten investors" (Octobre 2015)
- "Q1 2016 should be a harbinger of softer days ahead" (novembre 2015)
- "Apple Q1 looks certain to disapoint" (décembre 2015)
- "iPhone inventory bodes ill for Apple stock" (janvier 2016)
- "Shorting Apple north of $100" (février 2016)
- "Weaker quarter, weaker outlook coming" (avril 2016)
- "Apple outlook dims as analysts continue to cut estimates" (juin 2016)
- "Weak demand may impact Apple stock" (janvier 2017)
- "Overtime Microsoft is upsetting the Apple cart" (mars 2017)
- "Too little and likely too late for Apple's next iPhone" (juin 2017)
- "Apple's long bull run may be ending" (juillet 2017)
- "Caution warranted" (janvier 2019)
- Et pour son dernier article sur Apple : "weak performance in China and India will cause Apple to stagnate (janvier 2019).
Sur sa dernière saillie : "...will cause Apple to stagnate...", c'était en janvier 2019, et depuis l'action a quadruplé !
On peut avoir tort 1 ou 2 fois, mais quand on se plante aussi systématiquement dans ses analyses, il faut avoir l'honnêteté intellectuelle de pragmatiquement admettre qu'on est à côté de la plaque et qu'on ne comprend pas réellement l'entreprise. Or Michael Blair a écrit pendant 6 ans (2013-2019) une centaine de chroniques bearish sur Apple...
Ayant alors perdu au bout du compte toute crédibilité sur le sujet, cela fait maintenant 2 ans et demi qu'il n'a plus écrit sur Apple. Je ne sais pas s'il a dans son for intérieur admis qu'il ne comprenait pas Apple, mais il s'est sûrement rendu compte qu'il n'était plus crédible.
Ce qui est intéressant, c'est que Michael Blair a pourtant un très bon cursus : MBA, ex McKinsey, ancien CEO d'une entreprise de 10.000 personnes. Comme quoi, having it right on Apple, ce n'est pas uniquement une affaire de formation business et de brillant cursus...
Je vous invite à vos heures perdues à lire ses chroniques dans Seeking Alpha et à vous rendre compte par vous même à quel point, malgré des démonstrations en apparence rigoureuses et étayées avec des tableaux, des chiffres et des graphiques de partout, il a eu tout faux sur tout la ligne. Il y avait de la logique et une apparente rigueur dans ses analyses, mais juste pas de bon sens et de perspective...Et je rappelle ce principe de base "logique sans bon sens = une catastrophe"...
Et Michael Blair n'est pas le seul...Je ne me rappelle plus du VC américain bien connu et médiatique qui, en 2016 ou 2017, pour ses prévisions de l'année prévoyait la chute d'une des GAFAM, "probablement Apple..." disait-il.
Le fait est qu'on ne peut pas bien appréhender le potentiel d'une entreprise à travers uniquement une approche de comptable myope ;-)
Alors je propose une approche très simple pour comprendre Apple et ses perspectives, simplement en parlant clients et produits. Un enfant de 12 ans ne comprendra pas un modèle de cash flow discountés, mais il devrait, avec un peu d'attention, comprendre mon raisonnement. Si vous voulez avoir la synthèse qui se résume en 1 petite phrase, c'est tout en bas.
Au final cela donne des ordres de grandeur qui ne devraient je pense pas être trop loin de la réalité, et on comprendra pourquoi je suis fondamentalement bullish pour Apple sur les 10 prochaines années.
La nature même de ce que fait Apple
Apple n'est même pas bien comprise sur la nature de ce qu'elle fait. On lit tout et n'importe quoi, y compris qu'elle devient une boite de services...
En fait, tout simplement, le métier de Cupertino est de concevoir et vendre des "outils" électroniques du quotidien, grand public, parfaitement intégrés avec du software et des services, pour communiquer, travailler, s'informer, se divertir, monitorer sa santé, etc.
Tout produit électronique qui est dans cette ligne, qui intègre du software et des services à forte valeur ajoutée, et qui peut se diffuser en masse, peut potentiellement intéresser Apple qui portera ses efforts de R&D dessus et sortira tôt ou tard un produit. Le smartphone est le principal device actuellement (en volume, avec environ 250M d'unités vendues par an, vs 25M de Mac, 50M d'iPad et 40M de Watch).
Il ne s'agit donc pas de tous les appareils électroniques mais uniquement ceux à forte valeur ajouté parce que l'intégration avec du software et des services les "sulbliment".
Maitrisant la R&D, la supply chain et la production de devices électroniques, ainsi que leur distribution en masse, Apple proposera demain whatever device qui fait du sens dans cette perspective. Peut-être qu'on aura (dans de nombreuses années) une "post smartphone era", mais Apple devrait être la avec le ou les produits qui l'auront remplacé. L'iPod a eu son heure de gloire, il a peaké en 2007 ou 2008, remplacé par l'auto-concurrence que lui faisait l'iPhone. Dans une certaine mesure, le Mac est aussi concurrencé par l'iPad. Et la Watch remplit différemment, et mieux dans certaines circonstances, certaines fonction de l'iPhone.
Et si on a une nouvelle catégorie grand public, où le brio d'Apple avec une intégration hardware/software/services peut s'appliquer, Apple sera mécaniquement intéressée. On tombe alors évidemment sur la mobilité, même si vu la complexité du sujet on est encore à quelques années de l'arrivée d'Apple (Projet Titan, Apple travaille dessus depuis 5 ou 6 ans). L'idée pour Apple est vraisemblablement de proposer une voiture électrique et autonome assortie de services intégrés de mobilité.
Avec cet angle d'analyse sur la nature de ce que fait Cupertino, on comprend d'une part que la taille du marché cible potentiel d'Apple est gigantesque, et d'autre part que son avenir n'est pas que lié au marché du smartphone, même si ce dernier fait aujourd'hui la moitié du CA et sans doute 60% des profits.
La mécanique de création de valeur et d'expansion
Cupertino vend ses produits/services à une base de users qui, pleinement satisfaits (entre 92 et 96% de taux de satisfaction selon les devices), les renouvellent régulièrement, même si le rythme de remplacement/upgrade est différent selon les produits, ie 3-4 ans pour l'iPhone, 5-6 ans pour le Mac ou l'iPad.
Et si les users sont très satisfaits, c'est qu'Apple ne se précipite jamais pour sortir des produits imparfaits. Elle est ainsi rarement (voire jamais) la 1ere à sortir un nouveau format (grand écran, écran pliable, etc) ou à utiliser une nouvelle technologie. Apple pense avant tout "expérience utilisateur" et celle-ci doit être au top avant que le produit n'arrive sur le marché. Même si le produit, initialement, a des limites dues à l'état de la technologie à un moment dans le temps. Quand on pense au 1er iPad, qui tout en étant révolutionnaire à l'époque était aussi plutôt lent, bulky, et à la form factor incurvée pas très pratique, ou la 1ère Watch, un device unique alors mais pas vraiment waterproof et avec si peu de capteurs...
La qualité de l'offre, la force de la marque, la puissance du réseau de distribution et l'ecosystème de plus en plus riche, font que plusieurs dizaines de millions de nouveaux users rentrent chaque année dans l'ecosystème Apple, et que les users actuels prennent également de plus en plus "d'articles" dans le magasin Apple car non seulement il y a une belle homogénéité entre eux - commençant bien souvent par un iPhone, puis prenant un iPad, un Mac, une Watch, des services divers - mais que l'offre Apple est aussi de plus en plus large.
Il y a 10 ans, je n'avais que Mac et iPhone à la maison, il y a aussi aujourd'hui des iPad, des Watch, des Apple TV, des HomePods, des Airpods, et différents services, iCloud, Apple Music, Apple TV+.
La "life time value" de chaque client ne peut ainsi que monter mécaniquement.
Et ainsi croit le CA...
Les chiffres et ratio actuels
On est aujourd'hui à une base de 1 milliard de users uniques, possédant chacun en moyenne 1,6 devices hardware Apple, ainsi que 0,7 abonnement de service payant par user (Apple Care, iCloud, Apple Music, Apple Arcade, Apple TV+, Apple News+, Apple Fitness+, etc), et une consommation de plusieurs apps/an/user.
Ce parc installé de donc 1,6 milliard de devices, s'upgrade tous les 4 ans en moyenne, ce qui fait 400 millions d'unités hardware vendues rien qu'avec le renouvellement de la base. Plus 700M d'abonnements, et plusieurs milliards d'achats d'Apps par an (revenus sur lesquels Apple prend ses 30% de com).
L'évolution volume à 10 ans
Dans les 10 ans, mes hypothèses :
- La base va s'accroitre de 50%, passant de 1 à 1,5 milliard de users uniques, avec 50M de nouveaux users rentrant en moyenne chaque année dans l'univers Apple.
- On passera de 1,6 à 2,5/3 devices Apple/user (my guess, c'est sans doute conservateur). Par exemple, on sait que 75% des acheteurs d'une Watch étaient des "new" au dernier trimestre (le reste étant du renouvellement/upgrade). Et comme je mettais plus haut, l'offre de devices Apple s'est fortement agrandie depuis 10 ans, et va encore continuer à la faire (on attend par exemple des lunettes de RA/RV d'ici 18 mois).
Sur une base de 1,5 milliard de users possédant chacun 2,5 à 3 devices Apple, ça fait un parc autour des 4 milliards de devices dans la nature, et avec un rythme d'upgrade de tous les 4 ans en moyenne, cela fait disons 1 Milliard d'unités hardware à vendre dans l'année, soit x2,5 vs les 400M qu'on a actuellement.
- On passera aussi de 0,7 abonnement/user à 2, soit 3 milliards d'abonnements au total par an, soit x4,2 vs actuellement. Le bouquet de services Apple (Apple TV+, Apple Arcade, Apple Fitness+, Apple News+, ces 2 derniers services par encore dispo chez nous, de même que l'Apple Card) est tout récent en fait. Lire mon article de mars 2019 Apple Services, Day 1.
Autre point clé et même capital, ces fondamentaux ne seraient rien sans un management au top. C’est le cas d’Apple, qui est une société extrêmement bien gérée, intégrant à la fois un ADN de start-up (flexibilité, paranoïa, remise en cause, résilience, frugalité, etc) et un ADN de grands groupes quant à sa gestion millimétrée au cordeau.
Les meetings avec Tim Cook peuvent être terrifiants, l’homme est d’une concentration et d’une exigence extrême, laser-focus. Il est capable, au bout de 4 heures de présentation à la slide 152, de vous dire que le chiffre affiché est différent de celui qui était en slide 6 montrée quelques heures auparavant ! Tim Cook ne tolère pas l’à peu près, tout doit être étayé et back-uppé rigoureusement !
Et Apple a beau générer 100Mds$ d’EBITDA cette année, les moyens alloués aux nouveaux projets le sont initialement avec parcimonie, il faut défendre son bifsteak et commencer avec frugalité.
L'évolution valeur à 10 ans, et le cours de l'action
Au final, entre un x2,5 des ventes hardware et un x4,2 des ventes des abonnements, ces derniers jouissant aussi d'une marge brute bien supérieure (70% vs 35% environ), j'extrapole que la marge brute de Cupertino va grosso modo tripler.
Apple dégageant bien trop de cash pour ses besoins opérationnels, j'extrapole que sur les 10 ans à venir ils investiront encore autour de 1000Mds€ en rachat d'action (Apple va dégager 100Mds$ d'EBITDA cette année, et ça va fortement croitre dans le futur), ce qui devrait faire baisser de 20 à 25% le nombre d'actions en circulation.
Entre un x3 en marge brute et 20-25% d'actions en moins, on sera bien à x4 en terme de valeur par action (soit du +15%/an sur 10 ans). Mon nombre de devices/user étant plutôt conservateur, ça me paraît un minimum. Et tout cela sans compter l'arrivée d'une nouvelle catégorie majeure (re je pense à la mobilité).
S'il fallait résumer prosaiquement le futur d'Apple, c'est aussi simple que cela : de plus en plus de users, chacun achetant de plus plus de devices et de services Apple, avec des marges encore meilleures...
Il peut y avoir des soubresauts, des crises ou des récessions économiques, des Covid, etc, mais sur le fond et sur le long terme, l'avenir d'Apple est écrit...
Du moins pour ce qui concerne la probabilité la plus forte à laquelle je crois. Car il peut y avoir aussi quelques gros accidents structurels, notamment un problème entre les US et la Chine qui interdirait les produits Apple la-bas, une grosse action antitrust qui démantèlerait Apple (je ne sais pas comment ceci dit), ou quelques autres black swann exogènes. Probabilité faible, mais pas totalement nulle.
Il y a aussi une chose que par contre je et personne ne maitrise, c'est le "multiple" ("PE") alloué par le marché aux résultats économiques. Mon raisonnement ci-dessus est de nature économique fondamentale, et il se base sur un multiple constant. Mais celui-ci peut se contracter comme s'inflater. Apple se paye aujourd'hui 28x les résultats nets, vs par exemple 26x pour Facebook, 29x pour Google, 35x pour Microsoft et 58x pour Amazon. Le multiple dépend de la bullishness sur le futur et aussi des taux d'intérêts. Il y a 10 ans, Apple n'était valorisée que 10x ses résultats environ.
Recent Comments