Jeff Bezos a un talent inoui pour convaincre les investisseurs de la pertinence de sa virion et pour partager son credo : il faut continuer à investir lourdement, et perdre éventuellement de l'argent, pour construire une position forte et délivrer la meilleure custimer experience du monde, ce pour ce qui est une gigantesque opportunité de marché...
Et cela fait 18 ou 19 ans qu'il délivre le même discours et, méthodiquement, inéxorablement, construit à coups de milliards les infrastructures IT, marketing et logistiques pour délivrer - en effet - une expérience client sidérante d'efficacité et de "value for money" : la gamme la plus large, les meilleurs prix, et le meilleur service !
Et fort de ces actifs, Amazon continue de croître très vite (+22% au dernier trimestre à pas loin de 16Mds$ et même +25% en excluant l'effet forex), mais c'est une croissance qui se fait sans dégager pour l'instant de rentabilité : le résultat opérationnel est même en retrait de 26% sur 2012. Le résultat net est une perte symbolique de 7M$ contre un profit tout ausi symbolique du même ordre en 2012.
Sur le fond, ce qu'Amazon bâtit, c'est une marque qui instaure avec ses clients une extraordinaire relation de confiance. Et il est vrai, en ce qui me concerne, que j'ai depuis plusieurs années pris "le réflexe Amazon" : quand j'ai un besoin je vais l'acheter sur le site, sans jamais aller faire le tour de la place, parce que je sais que 95% du temps je trouverais rapidement mon bonheur au prix le plus bas, et que le produit me sera livré extrêmement rapidement. Pas plus tard d'ailleurs que hier j'ai commandé une petite carte mémoire SD à 12€, frais d'envoi offerts, qui sera livrée chez moi dés lundi. Le message d'expédition m'étant d'ailleurs parvenu moins d'une heure après la commande...
Bezos fait sien le principe Buffettien :"what matters most is a strong and sustainable competitive advantage". Et en effet, à ce titre, son avantage concurrentiel de marque, de taille, de plateforme IT et d'infrastructure logistique est considérable et indéboulonnable à court comme moyen terme. Aucun autre acteur au monde n'est actuellement capable de recevoir, gérer et expédier efficacement 1 Milliard de commandes par an sur le plan mondial, soit tout de même 3 Millions par jour en moyenne, ou encore presque 150,000 colis par heure, composés de plusieurs dizaines de millions de références !
Peut-être que dans le futur assez distant, les gros retailers, s'ils s'y prennent bien et mettent les (considérables) moyens qu'il faut, pourront demain commencer à concurrencer efficacement Amazon en eCommerce, mais ils en sont quand même encore très loin aujourd'hui. L'eCommerce Walmart ne représente par exemple que 20% d'Amazon...
En terme de ratios boursiers, Amazon est aussi totalement hors norme. Si on considère Amazon comme fondamentalement un retailer, et qu'on le compare à ses pairs Walmart, Costco et Target, au CA respectif de 470Mds$, 105Mds$ et 75Mds$ (65Mds$ pour Amazon), on obtient en terme de ratio Valeur d'Entreprise/EBITDA :
- Walmart : 8,3
- Costco : 12,5
- Target : 7,7
- Amazon : 50
Dans la mesure où Amazon ne gagne actuellement quasiment pas d'argent, on pourrait dire que cest un peu unfair, alors prenons un ratio bien utile pour comparer des retailers, Valeur d'Entreprise/CA :
- Walmart : 0,6
- Costco : 0,5
- Target : 0,8
- Amazon : 2,1
Quel que soit le ratio, Amazon est 4 à 6x plus cher que ses pairs retailers, mais Jeff Bezos a d'une part parfaitement réussit à se dégager de la tyrannie du bénéfice à court terme pour séduire les investisseurs, et d'autre part Amazon est devenu un business multiformes qui va bien au delà du simple retail et de ses marges écrasées (AWS, Cloud, FBA, etc) !
Bien malin celui qui peut dire aujourd'hui si Amazon - pourtant de facto très cher - est sur ou sous-valorisée, il faut juste avoir la foi et attendre une décennie ! En ce qui me concerne, je n'ai pas d'action Amazon, n'entends pas en avoir à court terme, ni encore moins "shorter" le titre qui jouit toujours d'une puissante dynamique d'investisseurs.
Aujourd'hui, vous pouvez acheter Apple pour un peu plus de 400Mds$, avec ses 150Mds$ de réserve de cash dans les caisses et ses 50Mds$ de cash flow annuel dégagé, ou acheter Amazon pour 140Mds$ avec quelques milliards de $ dans les caisses et seulement quelques milliards de $ de cash flow annuel...
Mais aujourd'hui aussi, Wall Street s'est amourachée d'Amazon, comme elle s'était amourachée d'Apple en 2010-2012, faisant passer l'action de 200$ à 700$, avant de la faire brutalement refluer de 40% depuis...Les modes et les amours passent, ce qui restent ce sont les positions concurrentielles et les résultats bien concrets. Il faut prendre du recul...
Wall Street considère Apple comme un fabricant d'appareils électroniques opérant sur des marchés plus ou moins saturés ou qui le seront à moyen terme, où s'il n'y a pas d'innovation c'est la chute brutale, alors que les investisseurs considèrent qu'Amazon est un retailer global aux possibilités quasi infinies...
Mais "Buzz l'Eclair" (pour l'infini et au delà) est une fiction...
Je n'ai aucun doute sur le fait que dans 10 ans Amazon sera bien une société réalisant 200 à 250Mds$ de CA (contre 75Mds$ attendus en 2012), et dans le meilleur des cas elle pourrait alors engranger 10 à 15Mds$ de bénéfices, et autour de 20Mds$ d'EBITDA. Avec une croissance qui sera alors forcément plus ténue, sa valorisation retrouverait des "normes" à disons 1x le CA 10-12x l'EBITDA (ce qui serait déja beaucoup), soit une market cap potentielle de 250Mds$...contre 140Mds$ aujourd'hui. Ceci est sans doute le best case, mais un autre scénario existe, où Amazon plafonnerait à 150-200Mds$ de CA, et surtout un maigre bénéfice de l'ordre de 5 à 8Mds$, typique d'un relailer. Avec une croissance et des perspectives peu attractives, le marché ne valoriserait pas cela plus de 10-12x les résultats, soit une market cap de 50 à 100Mds$...
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