Reprise d'un post que j'ai fait ce matin sur X/Twitter :
Partage d'anecdote et key learning entrepreneurial !
La résilience est certainement la qualité n°1 que je mettrais pour un entrepreneur qui veut réussir.
Néanmoins, on me demandait hier comment situer la frontière entre une bonne et saine résilience, et un entêtement vain, la frontière en gros entre s'accrocher intelligemment et foncer bêtement dans le mur !
Question en effet assez fondamentale !
J'ai eu la chance dans ma carrière d'entrepreneur d'être confronté à ce dilemme à travers 2 expériences radicalement différentes :
- Photoways, start-up que j'ai lancée en 2000 : ce fut très compliqué au départ, on ne récoltait que quelques misérables commandes/jour, mais on s'est accroché, et en 2008 quand j'ai revendu la société qui au passage avait racheté Photobox au UK (et après gardé une marque unique), elle devait globalement faire bien plus de 10.000 commandes par jour en moyenne (avec des pics à Noël bien plus haut).
- Inspirational Stores, start-up lancée en 2008 dans ce qu'on appelait alors la "délégation eCommerce" (gérer totalement l'eCommerce d'une marque) : après avoir levé 10M€, quelques mois après la création (ce en plein coeur de la crise financière !), on a compris qu'il était vain de s'accrocher, on a totalement pivoté, licencié 100% des effectifs (il n'est resté que les 2 cofondateurs) et racheté Motoblouz.com en 2009 avec les capitaux qui restait de la levée de 10M€ citée plus haut, qui est devenu le succès que l'on sait. En parallèle, mon grand concurrent de l'époque, qui avait lui levé 15M€, s'est accroché dans ce business et a ensuite périclité...
Ces 2 expériences m'ont permis de formaliser le dilemme résilience/entêtement de la façon suivante :
On s'accroche (et ensuite on accélère), si on a ces 2 paramètres de l'équation :
1/ On a défini et lancé un produit/service qu'une cible de clients veut vraiment, absolument. Il faut avant tout des clients heureux et pleinement satisfaits, qui le montrent tangiblement en revenant et en faisant un gros bon bouche à oreille positif. Ce focus client est donc strictement indispensable, tant qu'on a pas des clients qui vous disent que vous êtes génial et différent, vous n'avez pas grand chose. Il faut écouter les clients, les interroger sur leurs vrais besoins, leurs craintes, leurs difficultés et freins à l'adoption, etc. Un churn de 40%/an serait au contraire la preuve que votre produit/service ne percute pas vraiment. Dans ce cas, au lieu d'accroître la pression marketing/commerciale, le plus intelligent est de réfléchir sur le produit, de le tweaker pour le rendre plus attractif et sticky.
2/ Des clients heureux, c'est le 1er point, mais il faut aussi que votre P&L soit "heureux", à savoir que le fait de délivrer votre produit/service vous apporte une marge brute unitaire suffisante. Si je monte une compagnie aérienne qui propose des Paris-New York à 200€, je suis certain que mes clients seront très heureux...mais mon P&L beaucoup moins.
Si vous avez un produit/service "vainqueur" mais qui ne dégage pas assez de marge, il faut tweaker ce couple jusqu'à trouver la bonne équation. Attention à ne pas enlever des features au produit qui certes réduiraient les coûts/augmenteraient les marges, mais dégraderaient aussi son attrait et sa différenciation.
Au départ de Photoways, si j'avais quelques misérables commandes par jour, les 1ers clients étaient totalement emballés, ie : "vous avez changé ma vie", "merci d'exister", "vous devriez faire plus de pub", etc. Vrais feedbacks, j'ai gardé un livre d'or ! Au passage, savoir que vous changez la vie des gens et les rendez heureux, c'est super gratifiant, it makes your day.
Et en rendant mes 1ers clients heureux, j'avais avec cette activité photo une marge brute supérieure à 80%. Parfaitement saine, et si mes coûts fixes étaient élevés, je pouvais escompter qu'avec le volume ils seraient progressivement couverts et je deviendrais alors rentable.
En 2004, 4 ans après la création et avant la grosse levée de 24M€ en juillet 2005, on faisait 6M€ de CA avec 10% de résultat net, ce en n'ayant levé que 2M€ au total... Et en 2016 Photobox a été revendue pour environ 550M€ à du Private Equity anglais, plus grosse sortie eCommerce de France historique. Je n'y étais plus depuis longtemps (je l'avais revendu pour environ 100M€), et n'y suis donc pour rien, mais ça montre juste que c'était bien fondamentalement un bon business.
Avec Inspirational Stores, l'expérience était radicalement différente : non seulement les 1ers clients n'étaient intrinsèquement jamais pleinement contents, ce alors que pour notre part nous exécutions parfaitement ce qu'il fallait faire, mais en rendant aussi notre service nous avions des marges déplorables, et les clients exigeaient parfois des choses qui nous auraient fait encore plus perdre d'argent.
Vous vous décarcassez, vous perdez de l'argent, ce pour des clients pas contents...Il ne fallait pas s'entêter... Nous ne nous sommes pas entêté, contrairement à nos concurrents de l'époque, et grand bien nous en a pris !
Ca ne sert à rien de s'entêter dans un business "de chien" avec des clients qui ne sont jamais pleinement contents, et qu'en plus vous ne gagnez pas votre vie correctement !
Rappelez-vous :
1/ Des clients TOTALEMENT emballés
2/ Un P&L "heureux" avec des marges unitaires suffisantes.
Pour rire, bien que l'activité de délégation eCommerce d'Inspirational Stores soit arrêté depuis 15 ans, pour une raison que j'ignore, le micro site vitrine, sur lequel je n'ai plus du tout la main et je ne sais même pas qui a la main dessus, est toujours visible ICI !
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