Le site Frenchweb de mon ami Richard Menneveux a publié récemment une petite interview qu'il a faite de moi. Très rapidement, quelqu'un chez notre confrère et néanmoins concurrent MixCommerce, au pseudo de "Michel", a souhaité poster le commentaire suivant :
"Je rejoins Philippe sur son étonnement qu’IS pensait générer du revenu sur le volume généré par de petites marques pointues.. Il est tout à fait étonnant qu’un entrepreneur aussi brillant que Michel n’ait pas vu ce qui parait pourtant une évidence : le commerce électronique nécessite du volume, et ce d’autant plus dans un modèle où l’opérateur prend à sa charge tous les frais de set-up et se rémunère uniquement sur le volume de chiffre d’affaires généré.
Je travaille chez un opérateur d’e-commerce délégué qui a déjà 10 grosses marques et je m’étonne de la stratégie d’IS qui est difficilement lisible.
J’ai eu l’occasion d’approcher les équipes de GSI à Barcelone et lorsque Michel a annoncé début décembre cet accord, je ne voyais pas bien quelle valeur ajoutée pouvait leur apporter IS. Je reste dubitative malgré les explications de Michel. Il me semble que GSI n’a jamais communiqué de son côté sur cet accord avec IS…"
Voila donc ce que je réponds à ce commentaire :
Et bien, tout d’abord merci pour le “brillant entrepreneur” !
Mais je tiens tout d’abord à préciser que le bon entrepreneur, c’est avant tout celui qui sait s’adapter ! C’est bien d’avoir des idées, mais la différence dans le temps repose moins sur les grandes idées que sur la capacité d’exécution, l’adaptation au quotidien et le fait de savoir apprendre : apprendre de ses succès, des ses erreurs, de ses échecs, des meilleures pratiques des autres et notamment des best-of-breed, des réactions de ses prospects, de ses clients, etc.
Ténacité, écoute, pragmatisme et flexibilité, voilà bien les recettes de la réussite sur le terme, ce qui n’est pas du tout simple car la frontière entre ténacité et obstination têtue est parfois mince…
Quand j’ai lancé Photoways en 1999, l’idée n’avait rien d’originale puisque les 1ers labos en ligne s’étaient lancés aux US dés 1997. Beaucoup de concurrents en France, ont repris cette (bonne) idée. Si Photoways est devenu leader, c’est je crois parce qu’on était une équipe de management pragmatique et flexible, à l'écoute du marché, qui a su mieux exécuter l’idée que les autres. Ni plus, ni moins. Nous étions rentable dés la mi 2003, et en 2004 nous atteignions déjà presque 10% de rentabilité nette sur le chiffre d’affaires. J’ai revendu l’affaire en grande partie en 2005 et l’ai quittée en 2006 quand elle faisait 30M€ environ.
Mon honorable confrère fondateur de Mix Commerce (commentaire précédent), Philippe Rodriguez, ne dira certainement pas autre chose quant à la nécessaire flexibilité de l’entrepreneur : quand je l’avais rencontré pour la 1ère fois en août 2006 alors qu’il lançait Wantuno, idée pas plus originale (modèle Woot!), je lui avais dit que je n’y croyais pas. Je l'avais cependant mis en avant dans un de mes posts en août 2006 !
Philippe a lancé, il a vu...et il a totalement rebifurqué à la mi 2007 sur un modèle de délégation e-commerce, modèle sur lequel Inspirational Stores (IS) s’était aussi lancé depuis quelques temps.
Et à cette bifurcation, je dis juste encore une fois "bravo", c'est le job le plus important du patron entrepreneur que de s'adapter et de (re)mettre son navire sur le bon cap !
Approfondissons maintenant les modèles de délégation e-commerce.
Quand j’ai lancé IS fin 2006, j’avais bien repéré GSI Commerce, le leader américain de la catégorie, et l’avais bien analysé. J’en avais conclu qu'opérer la délégation d’e-commerce pour des marques très importantes (à volume donc) demande des moyens colossaux à tous les niveaux : grosse équipe techno, moyens logistiques considérables, call center importants, etc. Au final, j’ai estimé que ce modèle de délégation basé sur des petites marges avec de gros volumes nécessitait, pour être efficacement opéré pour les marques partenaires, des moyens considérables que nous ne pouvions pas répliquer.
En clair, je ne pensais pas que nous pourrions à terme développer dans ce segment des avantages concurrentiels pérennes pour nous imposer. Oui, initialement, GSI n'était pas encore en France, nous aurions pu bricoler et prendre quelques clients pendant quelques années, mais tôt ou tard les conquistadors allaient débarquer, et là...qu'aurions nous fait avec nos pauvres flêches ?
Nous avons donc initialement choisi un modèle parallèle de délégation, grosses marges/petits volumes, et notre business plan n’a jamais fait état de gros volumes par marque, là n’était pas le sujet ni l’objectif.
Contrairement à ce qu’en pense mon honorable confrère du dessus (le “Michel” du commentaire), ce modèle de délégation grosses marges/petits volumes peut parfaitement fonctionner, nous le savons bien chez IS. Il marche d’ailleurs aussi déja aux US, où il y a des exemples que j’ai repérés.
D’autres confrères en France suivent également ce modèle de délégation grosses marges/petits volumes : TheOtherStore (TOS), qui a 2 petites marques actuellement, BrandOnlineCommerce (BOC), qui en a 5 ou 6 je crois, etc. Il faut simplement fixer les paramètres economiques et les termes du contrat de façon réaliste et adéquate. Pour l’anecdote, T.O.S a été fondé par des anciens d’IS, et le fondateur de B.O.C a postulé et insisté fin 2007 pour devenir notre Directeur Général, et son Directeur Technique est aussi un ancien consultant d’IS (François Ziserman) !
Je salue au passage ces entrepreneurs qui suivent maintenant ce modèle, dont la voie de la rentabilité n’est ni plus simple ni plus complexe que celle qu’emprunte MixCommerce, qui lui convoite des retailers de taille importante, ce sur une équation marge/volume différente. Les modèles et les problématiques sont juste différents, et croire que le 2ième est plus pertinent et facile que le 1er me semble être le signe d’une compréhension imparfaite des réalités du marché.
Alors que T.O.S et B.O.C n’ont pas en face d’eux de gros concurrents, et n’ont pas besoin finalement de beaucoup de capitaux, il y a dèja sur ce modèle de délégation d’e-commerce pour les gros retailers 2 mastodontes en Europe, D&S et GSI, qui eux pour le coup disposent de moyens et de capitaux colossaux ainsi que d’une expérience et de références à faire pâlir.
La problématique de T.O.C et de B.O.C est certainement plus de trouver la bonne équation économique dans les contrats avec les partenaires, alors que celle de Mix Commerce serait plutôt de voir comment lutter et se positionner face a 2 énormes concurrents en frontal sur le même marché, aux moyens largement plus importants et à la crédibilité sur le papier impressionnante.
Franchement, dans les 2 cas, il n’y a rien de simple. Aux entrepreneurs des 2 modèles de manoeuvrer avec finesse et lucidité !
Au final, on retrouve la même éternelle problématique, qui est aussi une leçon d’entrepreneurship : les idées, c’est bien, mais au final la différence réside dans la façon dont on exécute son idée jour après jour, comment on s’y prend et comment on s’adapte précisément aux conditions !
Il n’y a jamais rien de facile, nulle part ! Je propose qu'on prenne rendez-vous pour dans disons 2 ans et qu'on fasse alors le point...
En ce qui concerne la “lisibilité” dont parle mon confrère dans son commentaire, et bien je dirais simplement que pour le management, pour nos actionnaires, pour nos amis de GSI et pour les marques que nous rencontrons, notre stratégie est extrêmement lisible !
Que nos concurrents ne la lisent par contre pas bien, j'avoue que cela ne m'empêche pas de dormir et que je trouve même cela assez normal, et préférable ! Moi, ce que je ne comprends pas très bien, c'est quels sont les avantages concurrentiels intrinsèques d'un concurrent qui veut faire de la délégation pour des grosses marques vs ceux d'un GSI Commerce, 10 ans d'expérience, 800 techos, 500,000M2 de logistique, des centaines d'e-marketers et des milliers de positions au service client, et des références clients jusqu'à 100 fois plus importantes (Toys R Us, 500M$ online rien qu'aux US !, 200M$ avec Ralph Lauren, etc)
Il va pourtant falloir en trouver pour être pérenne dans le segment que MixCommerce a initialement choisi ! C'est le challenge du patron fondateur. Les entrepreneurs de B.O.C et T.O.S, en ont eux d'autres.
Et vous savez quoi, mon souhait c'est que tous réussissent dans leur modèle en finissant par trouver leur "sweet spot". Philippe Rodriguez, fondateur de MixCommerce, comme Christophe Davy, fondateur de BrandOnlineCommerce, sont des gens biens, et je suis sincère quand je leur souhaite de réussir. Il y a des tas de façons de se positionner et de faire un bon business...mais faut les trouver !
Ceci étant, si je voulais comprendre les avantages concurrentiels de tel ou tel concurrent, ce que je ferais est simple, je ferais ce qu'il faut toujours faire : écouter ! J'irais en effet écouter le feedback du marché sur cet honorable concurrent, les clients et les prospects, comment ils le voient, le positionnent et le comparent.
MAJ 10h30 : bonne conversation cordiale avec Philippe Rodriguez sur Skype ce matin, à mon initiative, je voulais vérifier qu'il n'avait pas de problème avec mon post !
A la fin, il semble avoir été déçu de ne rien avoir appris de plus sur IS, mais je ne l'avais pas vraiment contacté pour lui donner de nos nouvelles ;-)
Dans la même veine, s'il n'a rien appris sur IS, je n'ai pas de mon côté cherché à dénombrer avec lui ses "10 grosses marques", ou alors il faudrait se mettre d'accord sur le qualificatif de "grosses" ! Je ne lui pas demandé non plus ce qu'il était advenu d'une de ses "petites" marques initiales, disparue et venue nous trouver par la suite.
Une marque, que nous avions aussi pitchée au départ, à qui j'avais indiqué que les engagements de volume de notre confrère ne pourraient jamais être tenus, et qui était donc revenu au bout d'un an en se rappelant de notre approche honnête, transparente et pragmatique (dixit).
Parce que si je le lui avais demandé, j'aurais pu lui confirmer que, autant l'équation de T.O.S et B.O.C grosse marge/petit volume peut fonctionner, autant l'équation petite marge et petit volume, cela ne marche jamais !! Quant à le croire ou vouloir le faire croire, je ne commenterais pas !
Je l'ai de toute façon trouvé en grande forme, conquérant, avec des deals à venir sous peu ! How wonderful !
Il m'a souhaité de bien m'amuser, et c'est bien le cas !
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