Avec Day One, mais aussi avec mes participations personnelles, j'ai dû être au Board de presque une centaine de start-ups, ce qui apporte tout de même une certaine expérience...
Je suis profondément convaincu qu'une bonne gouvernance est aussi importante qu'un (très) bon management pour amener une entreprise au plus haut niveau, et d'autant plus dans un univers de start-up où il y a tant d'inconnues.
C'est un très vaste sujet sur lequel on pourrait écrire un livre entier, en donnant moultes exemples et conseils.
Alors ce matin, juste quelques constats et pensées au passage.
Un CEO entrepreneur a tout intérêt, si toutefois son curseur est mis sur amener sa start-up le plus loin possible (cf plus bas), à disposer d'une gouvernance hautement compétente, exigeante mais aussi bienveillante. Le Board est la pour challenger l'entrepreneur sur des points clés, l'aider à réfléchir lucidement, sereinement et positivement, l'aider à progresser, et faire progresser et réussir son entreprise.
Le bon entrepreneur pragmatique pourra ainsi avoir parfois l'intelligence et la lucidité de reconnaître que dans l'intérêt de l'entreprise il n'est plus le mieux placé pour être le CEO opérationnel (il pourra avoir d'autres responsabilités où il créera encore plus de valeur, et s'il est entrepreneur il a forcément des talents), de même que le bon Board pourrait ainsi avoir le courage d'expliquer à l'entrepreneur, que dans l'intérêt de l'entreprise, et du sien bien compris (car généralement l'entrepreneur a une bonne partie du capital), il n'est pas ou il n'est plus la personne la mieux placée pour diriger au quotidien.
Et, sur le terrain, on a parfois de multiples signes qui tendent à montrer que l'entrepreneur CEO n'est plus à la bonne place : des décisions stratégiques absolument non rationnelles qui sont prises, de gros dérapages financiers, des problèmes évidents de cohésion des équipes et de turnover, de trop fréquents départs de top managers, ou de culture d'entreprise plus ou moins toxique, voire des cas plus graves (ie relations entre le CEO et une collaboratrice, ou des cas de harcèlement sexuel qui valent aujourd'hui la démission ou la révocation), etc.
Mais, sur ces décisions rationnelles qu'il faut parfois prendre, on se heurte à 2 écueils génériques (et qui peuvent malheureusement se cumuler) :
- Un entrepreneur CEO qui met son ego et sa volonté de pouvoir en 1er curseur, et non pas celui du bien de son entreprise (au pire, j'ai même entendu un "je préfère planter la boite que de partir").
- Une gouvernance laxiste, qui ne sait pas ou qui ne veut prendre des décisions courageuses, quand bien même rationnelles et évidentes.
Concernant le 1er point, on comprend facilement que c'est un biais humain regrettable et préjudiciable au business, mais très courant. Un bon entrepreneur doit avoir un ego, mais ne pas mettre son ego dans les décisions, ça biaise la rationalité. Pour un investisseur, savoir déceler le trop plein d'ego de l'entrepreneur est je pense assez fondamental. Si en cas de difficultés ce dernier n'aura comme objectif que d'avoir le dessus et de s'en sortir par l'apparence, il y aura tôt ou tard des problèmes. J'aime des entrepreneurs rationnels et à l'écoute, assez matures et intelligents pour être ouverts au débat constructif.
Sur le 2ième point, on peut se demander pourquoi une gouvernance peut être laxiste, surtout quand les administrateurs sont aussi des investisseurs, et ont donc tout intérêt à prendre les bonnes décisions, difficiles mais courageuses.
Au delà de la compétence proprement dite, qui peut aussi être un paramètre, mais la on rentre dans le jugement, il y a aussi tout simplement une question d'intérêts et de configuration du capital.
Il me revient par exemple en tête un cas très concret que j'ai observé, avec les paramètres suivants :
- Un CEO presque majoritaire (légèrement sous les 50%)
- Un corporate très minoritaire (autour de 20%) pour qui l'entreprise n'est pas stratégique (sinon il n'aurait pas d'autre empressement que de prendre la majorité voire de racheter).
- Une ribambelle de business angels qui ont chacun mis des sommes très mineures.
Bottom line : les business angels s'en foutent un peu, ils n'ont pas grand chose à perdre (sans compter que bien souvent ils préfèrent rêver, et ils ont défiscalisé de toute façon), le corporate ne veut surtout pas faire de vague car c'est un sujet mineur pour lui (dixit "tout ce que je veux c'est que la société perdure, car c'est un fournisseur"), et le CEO quasi majoritaire peut ainsi assez facilement imposer son pouvoir, quand bien même il serait peu efficace voire carrément nocif.
Et même si l'entreprise bute éventuellement sur des problèmes de cash, ce qui pourrait (et même devrait) être justement l'occasion de mettre les points sur les i avec le management, il est probable que dans la configuration du dessus le CEO arrivera à faire passer un petit bridge au corporate qui veut simplement que la société perdure, avec ni vague ni bad buzz (ça ferait en effet mauvais genre d'avoir un de ses investissements en RJ, surtout si le corporate en question est lui-même sous le feu des projecteurs !).
Si on se place maintenant du point de vue de l'investisseur rationnel, il serait presque aussi important de se questionner sur la qualité et la pertinence du management, que de la qualité et de la pertinence de la gouvernance, avec en background la configuration du tour de table et les intérêts réels des uns et des autres.
Recent Comments