Le principe de base pour avoir une société très rentable tient en quelques mots : avoir le maximum de clients récurrents qui reviennent le plus souvent possible en vous faisant des commandes globalement rentables, et en parallèle continuer à acquérir de nouveaux clients...
De manière très schématique, on ne peut être très rentable que si la "Life Time Value" d'un client est très supérieur à son coût d'acquisition, dans le jargon on parle de CoCA (Cost of Customer Acquisition). Il faut que LTV >> CoCA !
La Life Time Value d'un client étant la marge unitaire qu'il rapporte sur une commande x le nombre de fois où il est susceptible de revenir dans le futur. Si un client rapporte en moyenne 20€ de marge brute par commande et qu'il revient 20 fois sur les 20 prochaines années, il représente 400€ de valeur. Si vous l'acquérez à disons 50€, chaque nouveau client acquis accroit de 350€ la valeur de la firme.
Ainsi, mécaniquement, les business à très faible repeat ont intrinsèquement moins de potentiel de forte rentabilité que les business où le client est susceptible de revenir assez régulièrement, modulo bien entendu la marge réalisée par commande. Si un client revient souvent vous faire perdre de l'argent à chaque commande, vous ne serez pas très avancé !
La clé de la rentabilité, une fois calés les economics/marge par commande, est donc tout simplement de tout faire pour que les clients soient fidèles et reviennent le plus souvent possible.
Cela commence avant toute chose par avoir des produits/services répondant parfaitement à ce que veut la cible de clients visés. Toutes les techniques marketing du monde, toutes les tactiques promotionnelles du monde, tous les "gimmicks" marketing ne remplaceront jamais le fait que la fidélité commence par une offre adéquate.
"Fix the product first" doit être le mot d'ordre, en s'acharnant à comprendre la satisfaction client de la façon la plus fine possible, sur l'ensemble des attributs de l'offre. En clair, quels sont les critères de choix des clients, quels sont les éléments qui comptent pour eux, à quel degré, et comment jugent ils la marque et ses produits/services sur chacun de ces différents critères.
Amazon a une proposition de valeur simple et percutante : l'offre la plus large, les meilleurs prix et le meilleur service. Le résultat est que le client y revient 5x par an en moyenne, ce qui est énorme pour un eCommerçant, la plupart des acteurs spécialisés tournant entre 0,2 et 0,5 commande par an par client dans la base, et un généraliste comme CDiscount tourne lui à environ 1 commande/an/client d'après mes estimations.
Une fois que l'on sait que le produit/service est bon, très bien positionné par rapport à la concurrence pour la cible de clients visés, ie la proposition de valeur d'Amazon, là il faut aller bien plus loin en créant un véritable ciment relationnel entre la marque et le client.
Et là, je vois 2 composantes principales :
1) L'Image de Marque
Le développement d'une véritable image de marque, d'une aura, qui fait quand le client achète le produit de la marque il achète aussi un petit quelque chose d'autre de valeur ajouté intangible. Cela est bien entendu particulièrement vrai pour les marques de luxe, dont on pourrait dire que les 3/4 de la valeur du produit tiennent dans l'image véhiculée. Une image de marque se construit dans le temps, à partir de publicité, de sponsoring et/ou d'association avec des événements adéquats, de distribution sélective ou en propre de qualité, etc.
Cela est du marketing global de la marque, mais en parallèle et en complément, la marque peut aussi se rapprocher de ses clients en "communiquant" directement et individuellement avec eux. Autant le marketing global pour façonner l'image est du domaine de l'intangible, autant il est aussi possible de fortement renforcer le lien par des actions très tangibles.
2) Une Relation Directe
Une marque doit se rapprocher le plus possible de ses clients. Non seulement pour les connaître avec le plus de précision possible, mais aussi et surtout pour faire naître et cimenter une véritable connivence à même justement de favoriser le repeat business, la marge, et donc la Life Time Value.
Et la, je trouve qu'Audi France fait très fort.
Au niveau du produit, on considère aujourd'hui que la firme a dépassé ces 2 confrères allemands généralistes, BMW et Mercedes, en terme de qualité des matériaux et qualité d'assemblage. Son image de marque, assise d'une part sur la qualité de ses produits mais également sur ses victoires en compétition est excellente, et elle va aujourd'hui bien plus loin dans la relation client.
En 2006 la firme en France, qui vend un peu plus de 60.000 véhicules (+5% en 2012 sur 2011, et +12% en 2011 sur 2010), a crée le programme "MyAudi" : les clients de véhicules neufs s'inscrivent sur le site (Myaudi.fr, maintenant devenue un sous partie du site principal audi.fr), précisent leurs centres d'intérêt, et ils pourront alors être invités à des événements exclusifs en rapport avec leurs intérêts, et qui ne sont pas nécessairement centrés sur l'automobile mais plutôt sur la culture au sens large : théatre, cinéma, vernissage d'exposition, design, gastronomie, voyage, etc.
En créant un relationnel qui va au delà du produit lui-même que vend la marque, en conférant le privilège d'assister à des événements exclusifs, elle se positionne fortement aussi bien dans la tête que dans le coeur de ses clients.
Et il faut aussi comprendre qu'auparavant la marque n'avait pas du tout de relation avec ses clients, c'était en fait ses concessionnaires, pour la plupart des groupes indépendants, qui en tant que distributeur avaient le lien avec les clients. MyAudi permet donc de nouer un lien direct, de profiler les clients et de travailler la fidélisation.
Et Audi va encore plus loin. Les clients à fort pouvoir d'achat, et/ou passionnés, étant évidemment les plus intéressants économiquement, la marque en France a crée le Club Audi Excellence, pour le coup réservé aux clients des modèles S, RS, R8 et A8, autrement dit les plus sportifs ou les plus luxueux de la gamme. Ces clients, quelques centaines en France seulement, ont droit à des événements aussi exclusifs que rares, qui sont autant de privilèges : des rencontres avec des personnalités de talent, dans des lieux habituellement inaccessibles au commun des mortels, pour des moments exceptionnels...
Est-ce aujourd'hui un hasard si, de tous les constructeurs généralistes, Audi est aujourd'hui le plus rentable, dégageant 3500€ de profit net par véhicule vendu (sur un prix moyen de 33.700€) et donc un EBIT de 11% du CA, tout en affichant une insolente croissance de l'ordre de 15% e 2011 et 10% en 2012 ?! En 2008 Audi dépassait le million de véhicules vendus dans l'année, en 2013 le constructeur en vendra plus de 1,5M (tiré en bonne partie par la Chine où Audi va vendre cette année 450,000 voitures contre 3 fois moins en 2009, et c'est aujourd'hui le 1er marché de la marque), 2 ans en avance sur ses ojectifs (il avait en effet prévu de faire ce chiffre en 2015).
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