Il y a 7 ou 8 ans, après mon expérience de rachat et management d’une société de distribution au détail (Groupe Provifruits à Lyon), j’avais envisagé avec mon associé de l’époque (Benoit Galland, actuellement Président de Dole Europe), de concrétiser ma double fibre business et social en montant un fond d’investissement “de proximité”, afin de financer une multitude de projets locaux dans la restauration, les services, le commerce ou autre. Fond qui aurait été notamment financé par de grandes sociétés dans une optique “d’entreprise citoyenne”, tout en restant capitaliste car à but parfaitement lucratif !
Nous n’avions pas finalement développé l’idée (on ne peut pas tout faire !), mais je viens d’apprendre qu’elle vient d’être exploitée par un jeune entrepreneur d'une trentaine d'années de Mantes la Jolie, Aziz Senni.
Et de belle manière, puisque ils s’est entouré pour le projet de pointures du monde du LBO ! Le comité d’investissement est présidé par Gilles Cahen-Salvador, pionnier du LBO en France et Président de LBO France, secondé par Gérard Worms, l’un des associé gérant de Rothschild & Cie. Le Conseil de Surveillance comprend notamment avec notamment Gonzagues de Blignières, Président de Barclays Private Equity France et ancien Président de l’AFIC !
Amusant, aussi bien LBO France, Rothschild&Cie que Barclays Private Equity étaient client du cabinet de conseil en LBO que j’avais fondé en 1998, Burlington, à la place justement de créer ce fond d’investissement !
Les bailleurs de fond sont, comme dans mon idée initiale, des grandes entreprises du CAC 40, mais Aziz Senni garde pour instant leur nom secret. Au démarrage, le fond sera doté de 5M€ mais il est prévu qu’il monte à 15M€. 20 à 200,000€ seront investis dans chaque projet, avec un horizon de sortie classique, ie sous 3 à 5 ans, mais sous forme exclusivement de LBO afin de permettre aux entrepreneurs de continuer leur aventure.
Je dis bravo, et j’y crois !
Cette idée de fonds d’investissement pour les banlieues me fait revenir sur un sujet important. Si on est pas ici dans le domaine du micro-crédit qui a récemment fait parlé de lui grâce au prix Nobel de la Paix attribué à Mohamed Yunus, il y a néanmoins un principe similaire sous-jacent : en finançant des “niakeux”, qui sont viscéralement prêts à se donner à fond pour réussir leur projet, les chances de succès sont mécaniquement bien plus importantes. Les idées et les opportunités de création, ce n’est pas vraiment cela qui manque en fait. Mais pour bien les réaliser, il faut un peu d‘argent, du bon sens, notamment pour bien s’entourer des compétences complémentaires indispensables, mais surtout beaucoup de niak.
Je reviens souvent sur “la niak” (j’utilise d’ailleurs ce terme pas très joli ni français, mais que j’aime néanmoins, de “niakeux”) car en matière de création de sociétés et de management de petites structures au modèle non stabilisé, logiquement plus vulnérables, elle est particulièrement essentielle. La niak est toujours un facteur de réussite, mais c’est encore plus vrai dans les petites structures.
Niak pour attirer, garder, choyer ses clients, niak pour mettre en place et développer l’organisation, niak pour accepter au final des sacrifices personnels non négligeables...
Les ressorts de la niak sont multiples, elle n’est pas uniquement bien sûr l’apanage du “jeune de banlieue” qui veut s’en sortir ! Je connais un CEO (très successful actuellement) dont la motivation depuis très longtemps est d’être a “billion dollar company” car il a à régler un problème de rivalité avec son père ! Les sportifs de haut niveau, avec leur capacité à se faire souffrir et d’aller au bout d’eux-même, ont aussi la niak.
Quelqu’en soient ses origines, (et je pense qu’elles sont parfois psychologiquement très complexes) savoir détecter la niak est un aspect essentiel pour un fond d’investissement early stage qui mise quand même avant tout sur les hommes. Il faut voir ce qu’il y a au fond de l’homme au delà des discours. Pour cela, j’ai un principe tout simple : un homme peut faire tous les discours qu’il veut (et dans les entretiens de recrutement, il y en a beaucoup qui se disent niakeux), la seule chose qui ne trompe pas, ce sont les choix qu’il a fait dans sa vie.
Georges Duhamel disait “vivre c’est choisir”. Et en effet, un homme ne se définit pas par ses discours, il se définit un peu plus par ses actes, mais surtout par les choix qu’il fait dans sa vie, les petits comme les grands.
Pour valider la niak et la réelle capacité entrepreneuriale, interrogez donc à fond un homme sur les choix qu’il a fait au cours de sa vie, et comprenez bien le contexte de ces choix, les tenants et aboutissants.
S’il a plusieurs fois été en situation de prendre des risques, mais que systématiquement il a choisi l’option de sécurité, j’émets de très gros doutes sur ses capacités entrepreneuriales, sur sa résistance au stress et à l’incertitude humaine et financière intrinsèquement liés à une création. Je ne crois pas non plus qu’un homme qui rejoigne une petite structure, mais avec un gros salaire, soit un choix prouvant une capacité entrepreneuriale. C’est là un choix sans risque financier personnel, donc il n’a pas la même valeur à mes yeux.
Il y a des gens “risk adverse”, ce n'est pas un problème en soi, mais ce n’est pas forcément adéquat dans un contexte de création d’entreprise !
Bon, c’était quelques réflexions développées à Roissy où mon avion pour New York a 4 heures de retard. Je vais en effet me faire une petite piquouse new yorkaise le temps d’un week-end...
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