Pour Tesla, 2020 fut une excellente année, voire historique :
- Sur le plan industriel et commercial d'abord, avec environ 500,000 voiture produites et vendues vs 365.000 en 2019, soit une croissance de l'ordre de +40%, ce alors que la quasi totalité des constructeurs traditionnels ont vécu une année épouvantable du fait du notamment Covid (mais qui occulte aussi le mouvement de fond).
- Le cours de Bourse a fait du x7 environ, propulsant la société à plus de 600Mds$ de market cap, soit environ 20x le Chiffre d'Affaires. C'est d'ailleurs pas compliqué, Tesla vaut plus en Bourse que l'ensemble de tous les autres constructeurs réunis !
Sur le plan général, le marché de la voiture électrique a quasiment doublé en 2020 en Europe. Mais même avec ce doublement il ne représente que 4% du marché total, et le parc de véhicules électriques représente lui moins de 1% du parc total...
Factuellement, si on parle beaucoup de véhicules électriques, et si Tesla a beaucoup fait parler d'elle cette année, ça ne représente encore pas grand chose concrètement dans le paysage. On en est donc de facto qu'aux balbutiements de la transition vers la voiture électrique
Mais je vois poindre d'ici 3 à 4 ans un point d'inflexion majeur et une puissante accélération, et ce sera mécanique.
Je me faisais d'abord les réflexions suivantes :
- Une voiture, c'est tout de même un sacré investissement. De l'ordre de 20-25K€ sans doute en médiane pour un véhicule neuf, et encore toujours moitié moins pour un véhicule d'occasion.
- Quand il y a un risque de forte dépréciation de son investissement, on réfléchit à 2 fois avant de le faire, ou on ne le fait pas ! Et en matière de voiture, la valeur de revente est un paramètre clé.
A partir d'un certain moment, on peut imaginer que le public, palpant visuellement dans les rues et sur les routes la montée de la voiture électrique, par sa simple présence physique, va alors rationnellement imaginer que sa voiture à moteur thermique aura de plus en plus de mal à trouver un acheteur dans 3, 4 ou 5 ans, ou alors à un prix très bas.
Il pensera alors peut-être à la revendre avant qu'il ne soit trop tard, et pour le moins sa prochaine voiture ne sera pas thermique. Qui, en 2024 par exemple, va en effet vouloir acheter une belle voiture à 30K€, s'il extrapole qu'elle ne vaudra plus que 10K€ 3 ans plus tard car le marché aura totalement changé et que très peu de personnes ne voudront un véhicule thermique en 2027 ou 2028 ! Qui veut investir dans un actif dont la valeur résiduelle sera très faible voire nulle 3 ou 4 ans plus tard parce que le marché aura changé ? A moins d'être un très gros rouleur et de pouvoir amortir en 3 ou 4 ans (ie taxi, VTC, etc), ce n'est clairement pas un comportement rationnel.
On peut donc assez facilement conclure qu'à partir d'un certain moment on devrait avoir un vrai basculement du marché et une accélération très rapide du déclin du thermique.
Quand pourrait être ce point d'inflexion ?
A mon sens, ça devrait commencer à frémir quand la voiture électrique représentera environ 5% du parc total de véhicules, et ça bougera très fortement à partir de 10%.
Comme on a aujourd'hui environ 30M de véhicules particuliers qui roulent vraiment sur nos routes en France, il faudrait donc 1,5M de véhicules électriques pour déclencher cette prise de conscience psychologique.
On va vendre cette année environ 110,000 voitures électriques en France (hors hybrides rechargeables), en croissance de x2,5 sur 2019, et le parc roulant de véhicules électriques devrait finir en 2020 aux environs des 250.000 chez nous.
Si je prends ensuite les hypothèses de marché suivantes :
2021 : 200.000 VE vendus, x2 sur 2020
2022 : 400.000 VE vendus, x2 sur 2021
2023 : 600.000 VE vendus, +50% sur 2022
Cela donnerait un parc de VE de :
2021 : 450.000, soit 1,5% du parc total
2022 : 850.000, soit 2,8% du parc total
2023 : 1450.000, soit 4,8% du parc total
Avec la règle des 5% de taux de parc pour que psychologiquement la prise de conscience se fasse vraiment, on arriverait alors à la conclusion que le tipping point serait début 2024...
Peut-être que mes hypothèses de ventes de VE sont un peu agressives, mais en tout état de cause je pense que le tipping point sera bien en 2024 ou 2025...
3 à 4 ans, c'est aussi le temps qu'il faut pour descendre le prix des batteries (et donc des voitures), ainsi que fortement améliorer les infrastructures de recharge.
Les constructeurs ont donc encore 3 ou 4 ans pour se préparer à la grande disruption. Mais quelque part, c'est très peu...
Par ailleurs, la voiture de demain sera pour une bonne part un ordinateur connecté sur roues avant tout, et il est donc évident que les géants de la tech ont une avance considérable en la matière, non rattrapable je pense, et d'autant moins avec les moyens relativement limités dont disposent les constructeurs automobiles actuellement. Ceux-ci n'auront d'ailleurs pas d'autre choix que de nouer des alliances avec les géants de la tech, incluant des sociétés comme NVidia ou Baidu (avec qui Geely a d'ailleurs fait un JV pour produire de voitures électriques).
Sachant qu'en plus le véhicule électrique engendre un tout autre modèle économique pour l'écosystème (les révisions sont bien plus simples), je ne les vois pas trop scier avec encore plus d'ardeur la branche sur laquelle ils sont actuellement assis. Les pure players de l'électrique, Tesla en tête, n'ont eux pas à gérer l'existant.
Certes les géants de la tech ne savent pas produire des voitures, mais je pense ça ne devrait pas être un problème !
Pourquoi ?
Car j'extrapole que parmi les grands constructeurs certains vont disparaitre ou verront comme seule échappatoire à la mort de se "foxconniser", à savoir qu'ils se mueront en sous-traitant de production...La valeur ajoutée sera captée en amont, tout comme dans le modèle iPhone Apple capte l'essentiel de la valeur, laissant à Foxconn les miettes.
Dans ce contexte, et pour revenir à Tesla, je ne serais pas étonné qu'ils arrivent avant la fin de la décennie à produire et vendre plus de 10M de véhicules par an, réaliser 400Mds$+ de CA...et ainsi amplement justifier la valorisation actuelle de 600Mds$.
Même si celle-ci, à cet instant t, m'apparait tout de même en "avance de phase".
Maintenant, d'une part Elon Musk a prouvé qu'il était plus que dangereux de parier à la baisse contre lui, et d'autre part je pense que Tesla c'est un peu l'Amazon de l'électrique, à savoir que leur maitrise du sujet, incluant leur maitrise du software, des batteries et des infrastructures de recharge, pourrait leur permettre de réussir dans un certain nombre d'autres marchés (camion, habitation, etc) et ainsi considérablement élargir leur marché adressable et le potentiel...
Quant à Apple, je reste persuadé qu'ils arriveront bien dans le secteur automobile d'ici à 2024 ou 2025, mais rien ne presse, d'une part c'est un projet lourd et complexe, et d'autre part le marché n'est de toute façon pas encore prêt.
Recent Comments